1er mai 1974 au Portugal: le premier 1er mai après la révolution des œillets
Vivelepcf, mai 2014
Le peuple portugais, les communistes portugais en particulier, viennent de célébrer intensément le 40ème anniversaire de la Révolution des œillets. Le 25 avril 1974, l’une des plus vieilles dictatures fascistes du monde s’effondrait. Un groupe d’officiers, refusant l’impasse de la poursuite des guerres coloniales, le renversait formellement. La montée des luttes des travailleurs, malgré la répression de la police politique, le mécontentement populaire général, organisés principalement par le parti communiste, avaient enfin eu raison du régime salazariste. Le 1er mai suivait de quelques jours. Pour la première fois, la célébration de la Journée internationale des travailleurs n’allait plus être interdite ni les manifestations ouvrières réprimées. Au contraire, ce symbole historique international allait permettre l’intervention massive, irrésistible, des travailleurs et du peuple pour la poursuite du processus révolutionnaire dans l’intérêt des masses. Dans des conditions précaires, dans l’effervescence générale, le Parti communiste portugais a joué un rôle majeur. Nous reproduisons ci-dessous quelques photos de la manifestation à Lisbonne et des extraits des dépêches d’alors des correspondants de l’AFP, impressionnés. La Révolution des œillets allait ouvrir le champ des possibles, amener, avec l’intervention permanente du PCP et de la CGTP, des conquêtes démocratiques et sociales inédites. Mais l’impérialisme et les capitalismes, national et étrangers, s’ils n’avaient pas pu prolonger leur vieil instrument politique d’exploitation vermoulu, n’allaient pas être de reste. Le Portugal est un petit pays isolé. Ils mirent en avant, dès la révolution, le « parti socialiste » de Mario Soares pour contenir et étouffer les aspirations à la révolution sociale, en lien avec les forces réactionnaires possédantes. Soares a ensuite rempli la mission d’arrimer le Portugal à l’Union européenne du capital. Aujourd’hui, de concert avec la bourgeoisie locale, l’Union européenne, le capitalisme reviennent, à la faveur de leur propre crise, sur les concessions des années 70 et 80. Le pays est saigné. L’émigration de masse reprend. L’actualité des valeurs portées par la Révolution des œillets, exprimées si fortement le 1er mai 1974, n’en est que plus pressante. Le Parti communiste portugais est toujours là, heureusement aussi, pour les porter, loin de la soumission à l’UE et sa « gauche européenne ».
AFP – Lisbonne 30 avril 1974 :
« A la veille de la fête du premier mai, qui sera pour la première fois un jour férié mercredi au Portugal, les journaux et les radios multiplient les appels au calme. »
AFP – Lisbonne 30 avril 1974 :
« C’est la première fois dans l’histoire du Portugal que le premier mai sera jour férié officiel. Sous la monarchie qui fut détrônée en 1910, il ne l’était évidemment pas. Il ne le fut pas non plus sous la République qui succéda. Sous Salazar, on ne pouvait s’attendre non plus à l’autorisation de manifestations populaires. Toutefois, sans être fériée, la journée était marquée, le soir, par un défilé folklorique ».
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 0h51
« Le commandant Fernandès a indiqué que le général Antonio de Spinola avait autorisé mardi un porte-parole du Parti communiste portugais à enregistrer une interview qui sera diffusée mercredi à la télévision en même temps que des déclarations d’autres dirigeants politiques. La décision a été prise après la rencontre qui a duré deux heures et demi dans l’après-midi, entre trois des membres de la junte, dont le général Spinola, et les dirigeants du Parti communiste portugais autour du secrétaire général Alvaro Cunhal, arrivé peu avant au Portugal après un exil de 13 ans. …
Le matin même, M. Cunhal prononçait son premier discours après son retour d’exil, debout sur un tank, entouré de soldats l’œillet rouge à la boutonnière ».
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 13h38
« Il n’y a pas un fusil, pas une voiture, pas une boutonnière, pas un tank qui de soit en ce début d’après-midi du premier mai à Lisbonne décoré d’œillets rouges ou de petits drapeaux portugais vert et rouge en vente à tous les coins de rue. L’explosion des couleurs a subitement éclaté peu après midi après une matinée d’un calme étrange ». … Soudain, la ville s’est réveillée et, en quelques instants à midi, les voitures aux oriflammes rouges et verts, ont commencé à klaxonner dans toutes les rues, provoquant d’énormes embouteillages ».
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 13h51
« Dans les centrales des mouvements politiques et syndicats, les dernières consignes sont données aux militants qui vont assurer le service d’ordre. »
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 13h53
« Peu avant la manifestation qui, affirment les communistes, rassemblera des centaines de milliers d’ouvriers, le Mouvement des forces armées peut observer une foule endimanchée, joyeuse mais tranquille, éclatante de la « sérénité » réclamée par tous les communiqués de la junte ».
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 17h00
« Liesse populaire à Lisbonne. Dans un délire de fête de libération, c’est par centaines de milliers que les habitants ont, depuis le début de l’après-midi envahi les artères principales dans une atmosphère enthousiaste mais qui reste toujours souriante et ordonnée. Le service d’ordre est très réduit, tandis que s’écoule, surmontée de banderoles, la manifestation de masse convoquée par les partis de gauche. «Vivent les forces armées », « Le peuple uni ne sera jamais vaincu » hurlent les manifestants. »
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 22h20
« Une foule estimée à plus de 300.000 personnes a assisté mercredi en fin d’après-midi à Lisbonne à une manifestation de masse organisée dans un grand stade de la ville, avec la participation de MM. Mario Soares, secrétaire général du Parti socialiste et Alvaro Cunhal, secrétaire général du Parti communiste. … Le premier orateur de cette manifestation a déclaré, sous les applaudissements : « le fascisme est tombé mais reste l’exploitation capitaliste ».
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 22h29
« Les discours les plus attendus et les plus applaudis durent ceux prononcés par MM. Soares et Cunhal ».
AFP – Lisbonne 2 mai 1974 – 00h05
« Nuit de premier mai joyeuse à Lisbonne. La nuit du premier mai a pris des allures de nuit de réveillon à Lisbonne, où se poursuivent des manifestations bruyantes et joyeuses. Des cortèges d’automobiles pleines d’occupants sillonnent la ville en klaxonnant tandis que des marins et des soldats agitent des drapeaux rouges et portugais. »
AFP – Lisbonne 1er mai 1974 – 23h16
« La journée du premier mai, célébrée pour la première fois au Portugal, a donné lieu mercredi à d’imposantes manifestations de masse qui se toutes déroulées sans incident dans la discipline et l’allégresse. A Lisbonne, plus d’un demi-million de personnes ont célébré cette journée dans un enthousiasme qui, par beaucoup de côtés, rappelait les scènes de libération à la fin de la seconde guerre mondiale. La manifestation organisée par les syndicats et les partis de gauche a réclamé le jugement des dirigeants de l’ancien régime, la fin de la guerre coloniale, le retour à toutes les libertés et présenté en même temps des revendications sociales. Ces manifestations ont été caractérisées par une allégresse et une discipline qui n’a pas manqué d’impressionner les observateurs dans un pays qui venait, il y a moins d’une semaine, de se débarrasser d’un demi-siècle de régime totalitaire.
A la veille de la formation par la junte de salut national d’un gouvernement provisoire, les forces de gauche ont ainsi donné une démonstration de leur puissance. Le dirigeant communiste Alvaro Cunhal l’a fait ressortir dans son discours prononcé au stade de la FNAT (« Organisation de jeunesse du travail dans la joie »), baptisé désormais « Stade du Premier mai », en demandant aux forces armées de ne pas se dissocier du peuple… »