Culture
AUX CHEMINOTS ! – Pièce de théâtre « d’Agit Prop » de 1931 – « Voulez-vous que les magnats du rail vous écrasent ? » –
AUX CHEMINOTS !
CHOEUR PARLE
Chœur parlé avec mouvements, pour 17 personnes divisées en deux groupes. Le Solo entre les deux groupes doit présenter une locomotive vue de l’avant.
Tous. - Che…che…che…che…mi…nots…
Solo. - Et alors ?
Tous. - Voulez-vous que les requins du rail vous mangent ?
Voulez-vous que les magnats du rail vous écrasent ?
Alerte ! Attaque !
Solo. - Cheminots !
Voix 1 à 8 - Agissez pour votre propre cause…
Voix 9 à 16. - Aux bureaux…
Voix 1 à 8. - Cheminots de l’Est…
Voix 9 à 16. - A la voie…
Voix 1 à 8. - Cheminots du Nord…
Voix 9 à 16. - Aux ateliers…
Voix 1 à 8. - Cheminots du P.L.M.
Voix 9 à 16. - De tous les réseaux !
Tous. - Comme un coup de tampon !
Femmes. - Vous, courbés sur des pupitres !
Plongés dans les paperasses des bure aux !
Hommes. - Vous, sur les voies, trempés par la pluie !
Giflés par le vent et l’orage !
Tous. - Vous, gueules noires de la machine !
Du feu de la chaudière !
Gardiens de la vie des voyageurs des trains de luxe !
Vous, mangeurs de kilomètres nuit et jour !
Vous, dans la suie, dans la poussière des ateliers à la chaïne !
A la cadence d’un tapis roulant.
Voix 1 à 8. - Ça sue…
Voix 9 à 16. - Ça sue…
Tous. - Ça sue…
Allons, voyons, pressons, hommes esclaves !
Voix 9 à 16. - Ça sue…
Voix 1 à 8. - Ça sue …
Tous. - Ça sue…
Solo. - Ça sue des grosses gouttes de dividendes !
Voix 1 à 8. - Vous tous !
Voix 9 à 16. - Pour eux, vous tous !
Voix 1 à 8. - Pour eux !
Tous. - Cheminots !
Solo. - Voulez-vous que les requins du rail vous mangent ?
Voulez-vous que les magnats du rail vous écrasent ?
Voulez-vous être toujours les seuls coupables, les seuls responsables du rail meurtrier ?
Tous. - Non ! Non ! Non !
Agir vaut mieux que gémir !
Voix 1 à 8. - Que tous les réseaux soient vos remparts !
Voix 9 à 16. - Que le rail soit les veines de notre pouvoir !
Voix 1 à 8. - Que le rail soit le fondement de votre liberté dans le travail !
Voix 9 à 16. - Que le rail soit le centre de nos forces !
Tous. - L’arme de notre lutte !
Que les réseaux deviennent des forteresses !
Du fascisme détruisez le machinisme !
Cheminots unitaires !
Ne laissez toucher ni à vos salaires
Ni à vos huit heures !
Envoyez vos délégués révolutionnaires !
Contre le licenciement sous forme de disponibilité !
Réforme d’office,
Conseils d’enquête…
Défendez vos droits pied à pied !
Contre les nouvelles méthodes de travail dites scientifiques !
Contre les Dubreuil ou les Spinasse,
Contre Messieurs les directeurs et leurs valets les ingénieurs !
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 1 à 8. - Avec un coup de tampon !
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 9 à 16. - En vous syndiquant à la C.G.T.U.
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 1 à 8. - En exigeant 6 fr. de plus par jour, 150 francs par mois !
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 9 à 16. - En demandant 21 jours de congés payés !
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 1 à 8. - Journée de sept heures !
Solo. - Ecrasez-les !
Voix 9 à 16. - Retraite pour tous après 25 ans d’affiliation !
Tous. - Soyez à la pointe du combat !
Cheminots non-syndiqués !
Nous savons que vous êtes d’accord !
Solo. - Et alors ? …
Tous. - Pourquoi n’êtes-vous pas dans nos rangs serrés ?
Camarades de classe !
Camarades du travail !
Frères, lutteurs révolutionnaires !
Soldats rouges du rail !
Cheminots de toute la France !
Nous, vous, toi !
Voulez-vous que les magnats du rail vous écrasent ?
En avant, cheminots !
Alerte. Alerte ! Attaque !!!
(La Scène ouvrière, n°3, mars 1931).
Après le terrible incendie de Notre-Dame de Paris, deux exigences : élucider les causes, faire vraiment payer les réparations aux milliardaires « mécènes »
16 Avril 2019 Publié par PCF Paris 15 dans #Culture
EDT pour PCF Paris 15, 16 avril 2019
Pour nous communistes, comme pour presque tout le monde, le terrible incendie qui a dévasté Notre-Dame de Paris représente un dommage déplorable, en partie irréparable, au patrimoine architectural, artistique et historique de la France et de l’Humanité.
Fort heureusement, il n’y a pas eu de mort. Comme tout le pays, nous saluons l’œuvre des pompiers et souhaitons à leurs blessés de se rétablir promptement. La plupart des œuvres d’art et des objets historiques inestimables que contenait la cathédrale semblent avoir été sauvés. Ça été l’inquiétude de toute la nuit.
A chacun d’exprimer, ou non, son émotion. Nous ne rentrons pas dans le concours dérisoire des formules bien senties ou grandiloquentes que se livrent les politiciens et les candidats aux élections.
Politiquement, pour l’instant, il nous vient ces premières réflexions.
Il est assez lamentable, qu’en ces heures, la télévision nationale, faillant encore à sa mission de service public d’information et d’éducation, ne trouve pas d’autre « expert » pour intervenir en direct qu’un marchand de vérandas et de feuilles monarchiques à l’eau de rose, même s’il est un courtisan attitré du couple présidentielle. Les ingénieurs, les architectes, les historiens de l’art et les historiens spécialistes ne manquent pourtant pas.
Il est absolument nécessaire de faire toute la vérité sur l’origine du sinistre, sur les conditions d’encadrement et de sécurité du chantier de restauration. Il faut notamment mesurer qu’elles ont pu être les conséquences de la baisse des moyens attribués aux services du Patrimoine et des Monuments nationaux, du recours probable à des sous-traitances privées en cascades. Que toutes les précautions n’aient pas été prises pour un tel édifice est impensable, après coup.
Les réparations, dans la limite de qui sera possible, s’élèveront à plusieurs centaines de millions d’euros, au bas mot. Cette circonstance exceptionnelle invite à faire connaître et reconsidérer le scandale des déductions fiscales accordées aux grandes entreprises, aux milliardaires à leurs fondations « culturelles ».
La culture vivante, l’entretien des monuments, tout le ministère de la Culture, sont au régime de la disette, pendant que des centaines de millions d’euros d’avantages fiscaux sont donnés aux capitalistes pour leur publicité, pour leur permettre, aux frais de la nation, d’imposer leur langage et leur idéologie culturels.
Un milliardaire semble devancer l’appel en proposant 100 millions d’euros. Si c’est pour que l’Etat lui en rembourse 60 voire 80%… Il faut mettre fin à ce détournement et tout leur reprendre, cet argent qui doit aller à la politique culturelle au service du peuple.
Que ce malheur serve à quelque chose !
Bertolt BRECHT – Poèmes de Noël
Bertolt BRECHT – Poèmes de Noël
MARIE (1922)
La nuit de ses premières couches avait été
Froide. Mais, les années passant,
Elle oublia complètement
Le gel dans les poutres branlantes, le poële qui fumait
Et les douleurs de la délivre sur le matin
Mais surtout elle oublia la honte amère
De n’être pas seule,
Cette honte des pauvres.
Voilà surtout pourquoi,
Les années passant, on en fit une fête, où
Rien ne manquait.
Les propos grossiers des bergers se turent.
Par la suite on en fit des rois dans l’histoire.
Le vent, qui était très froid,
Devient un chœur angélique.
Et du trou dans le toit par où entrait le gel,
On ne garda que l’étoile et son clignement.
Tout cela vint du regard de son fils, qui était aimable,
Aimait le chant,
Invitait à lui les pauvres
Et avait accoutumé de vivre au milieu des rois
Et de voir dans la nuit une étoile au-dessus de lui.
LEGENDE DE NOËL (1923)
1
En cette veillée de Noël
Sommes assis, nous pauvres gens,
Dedans une chambre où il gèle
Et où on sent entrer le vent.
Viens, doux Jésus, sous notre toit,
Car avons grand besoin de toi.
2
Nous restons là à nous morfondre
Comme les pires des infidèles
La neige tombe et nous transit
Elle veut rentrer à tout prix.
Viens, neige, entre sans dire mot,
Puisqu’on te chasse aussi du ciel.
3
Nous allons faire une eau-de-vie
Qui nous réchauffera le cœur,
Une eau-de-vie bien brûlante.
Dans la cour il rôde une bête.
Viens, pauvre bête, entre bien vite :
Vous autres n’avez pas non plus de gîte.
4
Nous jetons au feu nos habits,
Car ainsi nous aurons plus chaud.
La maison flambe, ou peu s’en faut,
Nous ne gelons qu’en fin de nuit.
Viens, pauvre vent, sous notre abri :
Tu n’as pas non plus de patrie.
LA BONNE NUIT (1925)
C’était un jour déraisonnable,
Un jour âpre et bien lamentable,
Où naquit le grand Christ Roi.
Ses parents, qui cherchaient un toit,
Redoutaient fort son arrivée
Qu’ils attendaient pour la soirée :
Car elle tombait dans les froids de décembre.
Cependant tout se passa sans encombre.
L’étable enfin trouvée au terme de leur course
Etait chaude et ses linteaux calfeutrés de mousse.
Sur la porte, à la craie, il était précisé
Que cette étable était occupée et payée.
Et ce fut à tout prendre une fort bonne nuit :
Le foin lui-même était plus chaud qu’on aurait dit.
Le bœuf et l’âne étaient présents,
Afin que chacun soit content.
D’une crèche l’on fit une table. En secret
Un poisson vint l’orner par les soins du valet.
(Car il est certain que dans cette affaire
Tout réclamait la ruse et le mystère).
Mais ce poisson fut un délice, et fort copieux,
Et Marie se moquait de son époux anxieux,
Car vers le soir on vit tomber le vent,
Et il soufflait moins froid qu’en d’autres temps.
Pendant la nuit ce devint un vent chaud
Et l’étable était tiède et l’enfant était beau.
A peine pouvait-on en souhaiter davantage :
Et voici que l’on vit arriver les rois mages.
Marie et Joseph étaient forts satisfaits
Et c’est fort satisfaits qu’ils allèrent se coucher :
Pour le Christ, le monde avait bien fait les choses.
Poèmes traduits de l’allemand par Bernard Lortholary (Brecht – Poèmes – tome 2 – éditions L’Arche – 1965)
PARIS – Louis Aragon – 1944 – Paris Paris soi-même libéré
PARIS
Où fait-il bon même au cœur de l’orage
Où fait-il clair même au cœur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits
Jamais éteint renaissant de la braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d’août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris
Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est ni fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai
Rien ne m’a fait jamais battre le cœur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré
Louis Aragon, 1944