EDT, 12 avril 2013

Ce qui est comique avec Mélenchon, c’est que l’idée de la fin du pouvoir personnel, version 5ème République, passe toujours par sa propre personne !

Regonflé par les médias, en ces temps d’affaires, il convoque tout seul, comme cela lui vient, un défilé national « républicain » pour le 5 mai 2013, à l’occasion de l’anniversaire de l’élection de François Hollande. Sur toutes les antennes, il se pose en chevalier blanc pourfendant ses ex-camarades du PS et celle qu’il veut à tout prix concurrencer, Marine Le Pen. La désastreuse expérience d’Hénin-Beaumont l’an dernier ne l’a pas détourné de ce qu’il imagine être un faire-valoir.

Voilà donc Mélenchon lance son annonce le jeudi 4 avril. Il ne prend pas la peine de prévenir ses amis de la « coordination nationale » autoproclamée du Front de gauche qui se réunit le même soir. Elle devra se réunir à nouveau le lendemain pour avaliser le choix du chef. Entre temps, Pierre Laurent s’est rallié à l’initiative, sans attendre la réunion du Conseil national du PCF, qui a lieu le 13 avril et qui n’aura plus qu’à enregistrer. Eva Joly et Olivier Besancenot, en perte de notoriété, saisissent la perche de Mélenchon. André Chassaigne affiche quelque réticence lundi 8 avant de s’aligner à son tour, du moins selon Pierre Laurent.

Rien que sur le fonctionnement, l’initiative du Front de gauche, pour une nouvelle « constitution », semblable à un coup politicien, est irrecevable.

Mais au-delà, qu’est-ce que l’affaire Cahuzac change à la situation politique ? Le spectacle d’un ministre du budget apôtre de l’austérité et de la lutte contre la fraude fiscale et fraudeur lui-même contribue objectivement à discréditer le gouvernement. Demain, si ses collusions avec l’industrie pharmaceutique sont avérées, on vérifiera pour qui roulent les gouvernants. Les dirigeants du PS, de l’aile gauche à l’aile droite, unanimement outragés par cette « trahison », auront encore plus de mal à masquer que leur parti est bien plus un parti bourgeois qu’un parti ouvrier. Une opportunité existe, dans le sens de l’action du PCF, pour obtenir enfin quelques moyens supplémentaires pour les services fiscaux contre la fraude.

Tout cela n’est pas à ignorer mais rien ne change dans l’appréciation de la politique mise en œuvre, hier comme aujourd’hui, par Hollande, Ayrault, hier avec le lieutenant Cahuzac. L’austérité prépare la super-austérité sous l’égide de l’Union européenne du capital. Et ma foi, il faut avoir été naïf ou sacrément manipulateur pour avoir imaginé ou fait croire que l’alternance social-démocrate aux élections de 2012 aller amener quelque inflexion politique.

Alors aujourd’hui, est-ce que l’on s’efforce de reconstituer l’immense rapport de force existant dans le pays, de soutenir les luttes pour rompre avec cette politique ? C’est normalement et constamment notre choix de communistes. Ou bien est-ce que l’on s’applique à diriger, à canaliser la colère contre des hommes et des chimères.  C’est le choix de Mélenchon et c’est un choix dangereux.

Depuis quelques semaines, se caricaturant lui-même, Mélenchon accumule les sorties injurieuses dans les médias. Content de lui, il en rediscute cyniquement autour d’un café avec les journalistes qu’il vient d’insulter. Il n’insulte pas que les journalistes mais surtout la classe ouvrière, les travailleurs, à qui ce notable éducaillé n’imagine pas s’adresser autrement que sur un mode vulgaire.

Maintenant il franchit un nouveau cap dans cet exercice de style dégradant. Nous avons toutes les raisons de ne pas apprécié Pierre Moscovici pour ses choix politiques. Mais le vouer à la haine publique, « il a un nom, il a une adresse », « il ne pense pas en français », tout cela relève du nationalisme le plus écoeurant. Les mots ont un sens ! Appeler à la « purification » de la vie politique évoque le pire. Mélenchon prend garde de ne pas dire « tous pourris », ce qui le compromettrait…

Mais quand il parle de « système intrinsèquement pourri », comment lui-même, disciple de Mitterrand et du trotskyste Lambert, qui se complaît à se décrire comme un ancien « cacique » à qui le PS avait donné une sinécure au Sénat puis au gouvernement, comme un habile maquignon de la politique la main tendue un jour à Cohn-Bendit, le lendemain à Besancenot, n’y serait-il pas intégré ? Mélenchon a bien aussi appelé à voter pour Hollande « comme pour lui-même ». Camarades, ne soyons pas non plus masochistes au point de fermer les yeux sur le mépris que les gauchistes du PG (ex-PS !) manifestent à notre égard à propos de l’amnistie sociale comme des municipales.

L’affaire Cahuzac sert objectivement à la droite pour se remettre en selle, un an à peine après la défaite de Sarkozy, alors qu’elle partage profondément (ANI, Crédit d’impôt au patronat au nom de la compétitivité, TVA antisociale etc.) les choix gouvernementaux et européens. L’affaire Cahuzac embarrasse d’un côté le gouvernement mais elle lui sert de l’autre à faire diversion sur ces choix.

A baisser le niveau du débat, Mélenchon et ses amis rentrent dans leur jeu. Dans la surenchère « populiste », les gagnants sont toujours à droite, même quand ils traînent des « casseroles » parce que l’on attend rien d’autre d’eux : Berlusconi, Tapie, bientôt Sarkozy et Le Pen…

Non, les communistes n’ont rien à faire dans les calculs de Mélenchon, d’autant plus flatté par les journalistes qu’il les insulte !

Qu’est-ce qu’il y a à commémorer le 5 mai ? L’élection de Hollande ? La non-élection de Mélenchon ? Cette date empreinte d’institutionnalisme donne la perspective du Front de gauche en France, celle de la constitution d’un « bloc de gauche », une social-démocratie de rechange, pro-UE derrière des critiques minimales, comme dans les autres pays d’Europe sous l’égide du PGE, notamment à l’occasion des élections européennes.

Le 5 mai, un dimanche, restons chez nous ! Ou bien distribuons des tracts dans nos quartiers et villages !

Il n’est nul besoin de relire Lénine et « l’Etat et la révolution » pour savoir que toutes les avancées démocratiques bourgeoises sont bonnes à prendre pour les travailleurs mais aussi que la rupture ne peut pas partir des institutions bourgeoises. L’assemblage hétéroclite de bonnes réformes, peu probables, et de gadgets institutionnels que représente le projet fumeux de « 6ème république » ne fera converger aucune force efficace pour la rupture. Les ex-ministres de la gauche plurielle portent d’ailleurs la coresponsabilité de l’avènement du quinquennat…

Communistes, rendons-nous à l’évidence. Qu’on le veuille ou non, Mélenchon a les clés du Front de gauche. C’est lui le porte-parole depuis que la direction du Parti l’a intronisé pour parachever sa « mutation ». La manifestation du 5 mai, quelles que soient les variations de discours, portera son « coup de balayette », son « qu’ils s’en aillent tous » recopié par le sinistre comique italien Beppe Grillo. L’occasion ne se prête pas à autre chose. C’est ce personnage que l’on mettra en avant.

Camarades, n’allons pas  jouer les figurants de la farce! Aucun d’entre nous ne doit se laisser droguer par ces laides paroles du bateleur !

Notre place est ailleurs, dans une autre manifestation autrement plus symbolique et importante : Celle du 1er mai. Comme salariés, comme militants, comme syndicalistes de classe, nous y  avons toute notre place, pour porter les propositions de rupture nécessaires sur lesquelles les salariés peuvent se rassembler pour gagner, pour commencer à faire reculer la politique au service du capital.

NATIONALISATIONS ! Automobile, sidérurgie, énergie… imposons le débat quand le ministre Montebourg annonce de nouvelles « ouvertures du capital » et bénit les accords antisociaux chez Renault.

HAUSSE DES SALAIRES ! Quand le gouvernement décide de rembourser 6% des salaires au patronat avec le « crédit d’impôt compétitivité », soit 20 milliards d’euros par an, payés par la TVA antisociale !

DEFENSE DE LA SECURITE SOCIALE ! Le rapport de force existe pour mettre en échec le démantèlement des allocations familiales. Les millions de salariés, de retraités qui ont manifesté en 2010 contre la casse de la retraite à 60 ans n’ont pas disparu. La « gauche » les a trompés avant 2012, en liquidant la référence fondamentale au nombre d’annuités. Mais le rapport de force existe toujours face à l’orchestration de la résignation.

RUPTURE AVEC L’UNION EUROPENNE ! Mélenchon feint de critique « l’euro Merkel », sans se priver d’accents xénophobes. Le nostalgique de Maastricht préfère « l’euro Schröder », « l’euro des peuples ». Irlandais, Portugais, Espagnols, Grecs, Chypriotes etc. tous nos camarades appellent la fin de l’euro ! Communistes français, retrouvons nos positions de toujours !

Camarades, faisons un rêve ! Que les dirigeants du PCF continuent à s’exprimer posément, sans éclat de voix, sans chercher à concurrencer Mélenchon mais qu’ils portent distinctement, à la tête de la mobilisation de tout notre parti, ses positions historiques, plus justes que jamais, la riposte à la politique du capital.

Camarades des cellules et des sections, prenons nos responsabilités !

Vive le PCF !