Texte du PCF Paris XV  pour le 80ème anniversaire de l’exécution. Nous le reprenons parce que c’est un hommage politique communiste qui ne se réduit pas à un martyrologe et à l’émotion, de plus en plus convoqués pour diffuser des « valeurs » creuses, consensuelles. Les 27 ont été arrêtés et fusillés parce que communistes. Ils ont été communistes jusqu’aux derniers mots, au dernier souffle. La glorification de leur mémoire, dans la Résistance, et ensuite, a été et doit être un acte politique communiste, aujourd’hui encore.

Hommage aux 27 fusillés à Châteaubriant le 22 octobre 1941, dont Charles Michels député communiste du 15ème arrondissement.

Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades,Voilà maintenant 80 ans que Charles Michels et ses camarades, ses compagnons au supplice, ont été fusillés par l’occupant nazi, livrés par la collaboration française. Ce crime, parmi tant d’autres, mais précoce et spécifique, a marqué toute la Résistance du peuple de France pendant l’occupation mais bien plus loin, jusqu’à aujourd’hui.

Nous célébrons la mémoire de Charles Michels parce qu’il était député communiste du 15ème – de Javel – élu en 1936. Parce qu’il était un dirigeant ouvrier et syndical de grande envergure, secrétaire de la fédération CGT des cuirs et peaux. A l’heure où tout est contesté ou déformé pour faire le jeu du régime, il est nécessaire de rappeler pourquoi la station de métro a pris le nom de « Charles Michels ».

Nous faisons savoir, à chaque diffusion de tracts, que Charles Michels était communiste, député communiste du 15e. Cela étonne, cela intrigue, cela inspire la résistance d’aujourd’hui.

Nous rappelons le combat de Jean-Pierre Timbaud, dirigeant CGT de la métallurgie, qui a été une référence dirigeante pour les camarades de nos quartiers. Celle de Guy Môcquet, seulement lycéen, mais déjà communiste conséquent.

Nous n’avons plus de camarades du 15e qui ont connu Charles Michels, comme Marcelle Carlier qui se souvenait des bals dansés avec Charles au Patronage Laïque du 15e après les meetings, ou d’Armand Desgardins dont le frère était devenu le chauffeur de Charles. Nous adressons nos fraternelles salutations à Denise Michels, sa fille, si vite orpheline, et toujours active.

Tous les témoignages que nous gardons sont celui d’un militant ouvrier de classe, trempé dans la lutte, enthousiaste, infatigable, ardent, animé par cette espérance grandiose pour l’humanité que la victoire des Soviets et du parti de Lénine avait stimulée sur les bases françaises de la Révolution de 1789, de 1848, de la Commune.

Il faut rappeler cela. Nos camarades élus en 1936 retournaient à l’usine, le lundi, sans s’en rendre compte, en bleu et il a fallu que le Parti leur explique que désormais ils étaient représentants de la classe ouvrière au Parlement ! Où, comme Charles Michels en premier, ils n’hésitèrent pas à donner du poing face aux provocations des adversaires. Des élus de la lutte des classes pas des rentiers de la collaboration institutionnelle !

Les biographies des 27 martyrs de Châteaubriant parlent d’elle-même. Comme celle de l’enseignant communiste  vietnamien Huynh-Khuong An qui avait habité le 15ème. Un engagement conscient, étudié, profond, patriotique, internationaliste, ancré dans la lutte de classe pour le socialisme et surtout organisé par le Parti communiste.

C’est absolument ce dernier point qui explique leur arrestation, leur choix par la bourgeoisie français de les interner, de décapiter le PCF, puis de les livrer aux nazis.

L’émotion avait pleinement sa place pour les camarades et compagnons immédiats et contemporains de leur combat. Elle l’a encore pour nous. Le sacrifice si fort de nos 27 camarades a été pendant toute la guerre, et est encore 80 ans après un objet légitime et profond de célébration.

N’oublions jamais cependant le sens politique de leur engagement politique jusqu’à la mort alors que la Résistance s’amorçait à peine, dispersée, que la classe bourgeoise se partageant entre l’attentisme, la collaboration avec l’Allemagne ou le pari du parrainage impérialiste anglo-américain. Le Parti communiste, seul, dès l’appel du 10 juillet 1940 de Jacques Duclos et Maurice Thorez, a analysé et diffusé, autant que possible, une analyse anticapitaliste du désastre français de 1940. Les forces du sabotage et de la soumission ont préparé la défaite. Les travailleurs et tout le peuple de France se retrouvent démunis, sans repères, sans organisation, sauf ce qui, dans ces heures de désarroi, reste du Parti communiste. Avec tout ce qu’il a mis en œuvre dans l’antifascisme.

Communistes, nous savons que le courage, le sacrifice, l’intelligence dans l’action ne sont pas notre monopole ! Bien d’autres, d’autres obédiences, ont manifesté dans la Résistance un courage extraordinaire jusqu’à la résistance à la torture, à la déportation, à la mort.

Mais, comme je l’ai dit, les capitalistes ne se sont pas trompés en attaquant la tête du PCF et de la CGT révolutionnaire, avant même le déploiement organisé national d’une résistance communiste anti-allemande. L’adversité revancharde notamment des socio-démocrates, la mobilisation militaire, l’incompréhension du pacte germano-soviétique, ont porté un rude coup à notre parti dans cette phase critique mais décisive.

Nos camarades ont tenu bon dans leur engagement de classe, nécessairement patriotique. C’est cela, sans doute, sue nous devons valoriser dans la commémoration, loin des rituels et des récupérations.

Les dernières lettres, les derniers mots des 27, inscrits sur les palissades du camp de Noisiel, récupérées héroïquement par d’autres camarades qui allaient payer cher aussi, malgré le soutien massif de la population : ces lettres ne sont pas que des messages personnels, extrêmement émouvants. Ils sont des professions de lutte, des ferments de la résistance à venir, ultime jusqu’à la révolution sociale.

Aussi, nous n’adhérerons jamais au message des professionnels de la « mémoire » qui s’efforcent d’effacer la nature profonde des engagements qui ont conduit au martyre. Quelle odieuse caricature que la récupération par Sarkozy, en vue des écoliers, de la lettre de Guy Môcquet ! Et des plaques et des fleurs et des colloques par tous ces politiciens notamment à la ville de Paris pour mieux diluer et effacer les motivations et les conditions les plus profondes des luttes de nos camarades.

Si nous devons pleurer, c’est avant tout pour reconstruire l’espoir, mobilisateur des masses, de la classe laborieuse, de la nation française, une perspective historiquement et actuellement partagée par nos collègues et camarades étrangers, souvent héroïquement.

L’histoire, ce qu’il appelle la « mémoire » est objet de la lutte des classes !

Dans les derniers messages des 27, ne laissons pas effacer :

« Ma dernière pensée s’en va vers vous ; tout d’abord vers vous, mes chères amours de ma vie, et puis au grand idéal de ma vie. Mes deux chères amours de ma vie, du courage ! Vous me le jurez. Vive la France ! Vivre le prolétariat international » Jean-Pierre Timbaud, dit « Tintin ».

Ne laissons pas effacer que Charles Michels termine son ultime message, à 39 ans, par « Vive la France soviétique ».

Leur sacrifice a construit la résistance populaire, la poursuite de la lutte des classes dans les pires conditions, des alliances et amitiés avec d’autres courants de pensée, validées par le combat et le sacrifice pour l’avenir du peuple de France, l’internationalisme, la liberté et le progrès, la libération de notre pays.

Soyons fiers et méritons d’être les héritiers de ces camarades !

L’instituteur en Loire-Inférieure, poète, ami du PCF, René-Guy Cadou, a écrit ce poème après avoir vu des camarades dirigés vers le peloton d’exécution. Je souhaite vous le lire avant de passer le Chant des partisans.

« Les Fusillés de Châteaubriant »

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

René-Guy Cadou, « Les Fusillés de Châteaubriant », in René-Guy Cadou, Pleine Poitrine

Vive la France, Vive le Parti communiste français, Vive l’internationalisme prolétarien !

Remerciements éternels aux 27 martyrs de Châteaubriant !