EDT, 23 mars 2013

Dans les dossiers politico-judiciaires, les chefs d’inculpation sont souvent surprenants, du moins si on les prend à la lettre.

Ainsi Nicolas Sarkozy est-il mis en examen pour « abus de faiblesse » sur Liliane Bettencourt en 2007.

Mme Bettencourt aurait déjà commencé à perdre ses esprits. M. Sarkozy, une fois en veston, une autre fois en col roulé, serait venu lui soutirer des sommes d’argent.

C’est déconcertant.

Cela revient à faire passer Mme Bettencourt pour une victime de M. Sarkozy. Drôle de victime d’un politicien dont on peut dire qu’il n’aura pas été ingrat envers elle, comme envers les clients du Fouquet’s !

Il est question de quelques dizaines de milliers d’euros, parfois de 150.000, qui seraient sortis en 2007 des coffres de Mme Bettencourt pour alimenter la campagne électorale du futur président.

La seule mesure du « bouclier fiscal » décidée après son avènement au pouvoir aura rapporté, au bas mot, 30 millions d’euros à Mme Bettencourt. Par an !

Oui, vraiment, Sarkozy a abusé, mais du peuple, pas de la crédulité de Mme Bettencourt, à moins que celle-ci, divagant, ait misé à l’origine sur la victoire de Ségolène Royal. En fin de comptes, Mme Bettencourt n’a vraiment pas à se plaindre de l’élection de son voisin Sarkozy.

L’infraction juridique probable est ailleurs. Dans la situation évoquée, Mme Bettencourt aurait financé la campagne de Sarkozy bien au-delà du montant maximal autorisé par la loi pour des dons de personnes physiques. Mais il semble qu’il y ait prescription.

Dans ces conditions, il y a fort à parier que Sarkozy sortira à son avantage de l’absence de suites sérieuses à sa mise en examen par les juges d’instruction. Le risque n’est que plus réel de le voir replacé dans le jeu politique, tel l’increvable Berlusconi, pourtant plombé par des affaires d’argent et de mœurs autrement établies.

Le chœur d’attaques, d’insinuations et d’insultes des dirigeants de l’UMP, dont le multirécidiviste Balkany, à l’encontre des juges est aussi malsain que bien calculé.

On sait comment les formules démagogiques du style « tous pourris » ou « qu’ils s’en aillent tous » nourrissent une dégradation du débat politique bien plus profitables aux populistes voire aux pourris eux-mêmes, qu’aux défenseurs de la vertu.

« L’abus de faiblesse » est rarement évoqué dans les affaires politiques. Mais il se trouve un autre chef d’inculpation courant qui ne cesse de questionner: le « conflit d’intérêts ». Ne vaudrait-il mieux pas parler de « communauté d’intérêts » ?

Le ministre PS Jérôme Cahuzac a dû quitter le gouvernement, soupçonné par la justice de fraude fiscale et de détention de comptes à l’étranger. Peut-être. Mais ce qui est incontesté, c’est que Cahuzac a navigué pendant des années entre les cabinets ministériels et les firmes pharmaceutiques qui profitent directement du démantèlement de la santé publique organisée par le pouvoir auquel il a personnellement collaboré.

La situation est similaire pour l’ex-ministre de la casse de la retraite à 60 ans, l’UMP Woerth, entremetteur dans l’affaire Bettencourt.

La patronne du FMI (affameur mondial), l’ex-ministre Christine Lagarde fait l’objet d’une enquête dans la procédure exceptionnelle qui a permis de transférer, a priori légalement, 400 millions d’euros de l’Etat à … l’ex-ministre de Mitterrand, Bernard Tapie, dans l’affaire du Crédit Lyonnais.

Entre gouvernants et possédants, dans le capitalisme monopoliste d’Etat, la « communauté d’intérêts » est profonde, au point même parfois d’enfreindre les règles de sa propre justice bourgeoise, surtout dans une période où les organisations ouvrières révolutionnaires sont faibles. La plupart du temps cependant, la collaboration entre dirigeants politiques et puissances d’argent reste parfaitement légale, sinon même parée des oripeaux de la rigueur et de la vertu.

Communistes, notre bataille n’est pas d’abord une indignation suivant la moralité bourgeoise, pas d’abord une bataille juridique, mais le renforcement du rapport de forces dans la lutte des classes contre ce que l’on peut bien dénommer, suivant une autre qualification judiciaires, au sens propre, une « association de malfaiteurs », le capitalisme.