EDT pourVivelepcf, mars 2015 (voir notre article de janvier en lien)

 

Manifestation le 27 février contre le nouvel accord antipolaire signé par le gouvernement Syriza-ANEL avec l'UE, organisée par le KKE et le PAME

Après sa victoire électorale (relative, 36% de 61% de suffrages exprimés), le parti Syriza n’a pas tardé à doucher les espoirs de beaucoup de ceux qui, en Grèce et dans d’autres pays, ont cru à une véritable rupture politique.

Dès le lendemain, son leader Alexis Tsipras scellait l’alliance gouvernementale avec le parti de droite extrême des « Grecs indépendants », ANEL (à la joie du FN en France). ANEL s’est illustré par son discours ultra-réactionnaire, ultra-nationaliste, militariste, son racisme anti-immigrés. Mais ANEL est aussi un parti « pro-européen ». Et ANEL est dirigé par l’ancien ministre de la Marine qui a, entre autres, organisé la privatisation du port du Pirée, Pannos Kammenos.

Les plus aveugles supporters de Syriza  ont vu cette alliance avec le diable comme un calcul tactique et pragmatique de Tsipras.

Elle a surtout complété les gages donnés par Syriza aux capitalistes grecs, européens, ceux-là mêmes qui se sont gorgés de la dette grecque,  et à l’impérialisme. Tsipras a nommé Kammenos ministre de la défense : c’est la garantie de la poursuite de l’affiliation à l’OTAN et du maintien du niveau, exceptionnellement élevé en Europe, des dépenses militaires. ANEL, c’est la garantie aussi que l’on ne touchera pas à l’Eglise et aux armateurs, déjà épargnés dans les propositions électorales de Syriza. L’effet d’annonce autour du gel de la privatisation du port du Pirée a fait long feu : sa poursuite fait partie des accords du 22 février avec la Commission européenne.

Ceux-ci ont fini de détruire l’espoir qu’une figure historique fondait en Syriza. Le grand résistant, Manolis Gleizos, qui arracha en 1941 le drapeau nazi de l’Acropole, s’est excusé publiquement d’avoir nourri des illusions sur Syriza et a demandé « au peuple grec de le pardonner ». Il s’indigne notamment des opérations de communication du gouvernement grec qui prétend par exemple refuser de discuter avec la « troïka » mais accepter de discuter avec ses trois composantes (Commission européenne, Banque centrale et Fonds monétaire international) !

 

D’autres, plus crédules ou moins à gauche, voient dans les accords avec l’UE un compromis laissant du temps à Tsipras.

 

Ces accords font plus clairement apparaître au contraire l’absence de positions de rupture de Syriza, qui compromet même ses propositions modestement réformistes.

Son plan de relance, annoncé aux électeurs, inspiré de l’économiste capitaliste Keynes, prévoit quelques mesures sociales et des aides aux entreprises à hauteur de 11 milliards d’euros. Mais le gouvernement Syriza/ANEL ne se donne aucun moyen pour les financer, alors que les caisses dont vides. Il ne prévoit pas de taxer davantage les riches et les patrons (de revenir sur les privilèges des armateurs et de l’Eglise notamment). Il n’a plus accès aux marchés financiers pour emprunter. Il exclut tout retour à la souveraineté monétaire du pays : Syriza a fait sa campagne électorale sur la sauvegarde de l’euro. Syriza ne prévoit de sources de financement que dans la baisse – difficile à imaginer à court terme – de la fraude et de l’évasion fiscales et … dans l’Union européenne qui tient plus que jamais la Grèce à sa merci.

Pas étonnant que les quelques promesses sociales de Syriza ne puissent pas être tenues. Le rétablissement du salaire minimum à 750 euros – que déjà Syriza n’envisageait que dans le cadre d’un accord avec le patronat – est reporté. Il n’est plus question de réintégrer immédiatement l’ensemble des fonctionnaires licenciés depuis 2010. Les quelques mesures sociales d’urgence contre la pauvreté se feront sous la promesse de ne pas menacer l’excédent budgétaire, donc avec diminution d’autres dépenses publiques en contrepartie. Les Grecs viennent ainsi d’apprendre que les pensions de réversion vont être revues à la baisse.

Reste une dernière illusion, celle de la renégociation de la dette publique. Tsipras aurait fait des concessions à la Commission européenne et aux gouvernements européens pour pouvoir toucher tout de suite les 7 milliards d’euros « d’aides » européennes qui lui laisseraient 4 mois pour mieux renégocier la dette avec les mêmes… Une personnalité a émergé dans cette actualité, celle du nouveau ministre des finances, Yanis Varoufakis, économiste gréco-australien, ancien conseiller du premier ministre Papandréou dans les pires années de gabegie, dans les années 2000.

Tsipras et Varoufakis ont fait de la renégociation de la dette leur principale proposition politique. Pourtant, même si toute la dette de l’Etat venait à être effacée, le gouvernement n’aurait même pas les moyens de financer son petit plan de relance (l’excédent budgétaire – hors charge de la dette – se monte à 5 milliards d’euros par an).

Mais pour eux, il n’est même pas question de cela. Syriza s’est engagé avant les élections devant Christine Lagarde à honorer la partie de dette contractée auprès du FMI. Il a exclu toute cessation unilatérale des remboursements. Par ailleurs, Syriza s’est tellement intégré au consensus des partis dominants pour l’appartenance de la Grèce à la zone euro et à l’UE, a tellement participé à dramatiser l’option d’une sortie qu’il s’est privé tout moyen politique.

Là encore, l’UE tient entièrement la Grèce. Aucun miracle n’est à attendre pour le peuple. Les opportunistes de Syriza peuvent seulement espérer que les puissances européennes relâchent un peu la bride, pour calmer la situation sociale, récompenser Syriza de sa collaboration politique. Mais rien n’est moins sûr.

En Grèce et en Europe, l’illusion Syriza commence à propager ses effets désastreux pour les travailleurs et les peuples. Le parti, complaisamment présenté comme « radical » par l’idéologie dominante, non seulement ne porte pas de propositions de rupture mais devient un exemple de soumission aux capitalistes européens et à l’UE. Syriza mène avec application une campagne européenne en faveur de l’euro, premier instrument du capitalisme européen. La possibilité d’une sortie de l’euro, fondamentalement une reconquête démocratique pour les peuples, est transformée en  « punition ».

En gouvernant avec des représentants directs du grand capital grec, Syriza prend la lourde responsabilité de saboter le mouvement de classe en Grèce. Les travailleurs grecs avaient manifesté par centaines de milliers contre les politiques de casse sociale. Les syndicats historiquement unifiés en Grèce, dominés par les courants réformistes et corporatistes, ont été obligés de les organiser, sans leur donner de débouché politique réel. L’expérience de Syriza au pouvoir, les déceptions, commencent déjà à alimenter la résignation, voire la rancœur. Avec Syriza, l’adversaire indiqué n’est pas le capitalisme, même pas l’UE, mais l’Allemagne. ANEL joue parfaitement son rôle en stimulant la haine nationaliste, voire en présentant Angela Merkel comme une nazie. Les campagnes xénophobes développées dans les autres pays, notamment en Allemagne,  sur le thème « Ne payons pas pour les Grecs » sont encouragées. C’est extraordinairement grave. L’UE confirme sa logique d’opposition des peuples les uns contre les autres.

Le lit est fait d’une part d’un retour de la droite au pouvoir, qui profitera de l’aide européenne, d’une poussée de l’extrême-droite la plus fasciste, telle que le parti néonazi « Aube Doré » la représente.

Le Parti communiste grec (KKE) est la seule formation politique, avec son émanation syndicale le PAME, à dénoncer et combattre cette perspective à organiser la riposte des travailleurs. Fin février, ils ont rassemblé 8.000 manifestants pour soutenir leur proposition de loi pour le rejet du dernier « mémorandum ».

Être solidaires du peuple grec en France, pour nous communistes, c’est diffuser les analyses de nos camarades grecs, refuser de tomber dans la supercherie Syriza. C’est aussi nous battre en France contre les mêmes ennemis, l’Union européenne, l’euro, les capitalistes français.

Le Parti de la gauche européenne, le PGE se colle logiquement à la ligne de collaboration de Syriza. Communistes français, nous appelons à nouveau à intervenir pour en dégager le PCF. Reprendre la politique de Syriza en France, nourrir les illusions, comme le fait la direction du PCF, ne peut qu’exposer notre parti aux effets de la désillusion programmée.

DOSSIER GRECE 2015:

Analyse du KKE: Sur la dangereuse et trompeuse campagne prétendument de « solidarité avec le peuple grec »

Alternance électorale en Grèce avec Syriza: les faux espoirs préparent la pédagogie de la résignation