Entre une visite au premier ministre turc Davutoglu et une invitation de président français Hollande, Tsipras s’arrête un instant avec le PGE et Pierre Laurent (11 mars 2016)
Brève, vivelepcf, 12 mars 2016
Finalement, le « grand meeting européen » du Parti de la Gauche européenne annoncé pour le 11 mars par la direction du PCF avec Pierre Laurent, Alexis Tsipras et – « à confirmer » – Pablo Iglésias s’est réduit à une conférence de presse, coincée entre deux rendez-vous de Tsipras. Sans Iglésias, mais avec la députée verte allemande Ska Keller (ex-binôme de José Bové aux élections européennes).
Nous ne revenons pas sur la signification politique du choix de Pierre Laurent de s’afficher derrière la figure européenne de l’extrême-gauche de la résignation ou plutôt de la gauche de l’extrême résignation. Voir notre article en lien : Meeting Laurent/Tsipras le 11 mars: Tsipras inspirateur de la direction du PCF et des primaires à la française ?
La conférence de presse a principalement porté sur la question des réfugiés. Là encore, l’hypocrisie et le cynisme de Tsipras ont éclaté.
Notons d’abord que Mme Ska Keller s’est lancée dans le plaidoyer classique pour « plus d’Europe », fustigeant l’égoïsme – et surtout la souveraineté nationale – des peuples. Comme si l’UE, coordination des impérialismes européens, ne portait pas une responsabilité écrasante, à côté des Etats-Unis, dans la déstabilisation des Etats et les guerres au Moyen-Orient et dans le drame des réfugiés. Comme si, en fait de grandeur d’âme, sa chancelière Merkel ne recherchait pas à importer de la main d’œuvre qualifiée et bon marché pour le capitalisme allemand quitte à sacrifier des centaines de milliers d’autres « migrants ».
Tsipras a plaidé pareillement pour une Europe plus généreuse. Pourtant, trois jours plus tôt, le 8 mars, il s’accordait à Izmir avec le premier ministre islamo-réactionnaire Ahmet Davutoglu.
Que les dirigeants de pays voisins, directement concernés par cette question majeure, se rencontrent : cela n’a rien de choquant. Mais Tsipras a affiché son soutien avec la politique du pouvoir turc qu’il s’est engagé à défendre au sommet européen. Comme si la Turquie ne jouait pas, au niveau d’un Etat, le rôle de « passeur », de « dealer » de réfugiés, retirant 6 à 7 milliards d’euros de l’UE de son chantage. « Généreux » à la façon européenne, Tsipras remercie la Turquie d’accepter, pour cette somme, de reprendre sur son territoire les migrants « économiques » refoulés par l’UE. Comment Tsipras distingue-t-il un réfugié afghan économique d’un réfugié afghan politique ? Sinon, pas un mot critique de Tsipras envers la politique turque qui attise la guerre en Syrie, soutient les terroristes islamistes, exacerbe les tensions avec la Russie, massacre les Kurdes.
Tsipras a poussé la complaisance jusqu’à distribuer des roses, en compagnie de Davutoglu, à l’occasion de la Journée de la femme, au moment même où les femmes progressistes turques se faisaient tabasser et arrêter par la police…
Il faut rappeler que la Grèce de Tsipras et la Turquie d’Erdogan ont un parrain commun : l’OTAN. Tsipras et son ministre de la défense d’extrême-droite Kammenos ne cessent de réclamer plus d’intervention de l’alliance impérialiste et fauteuse de guerre en mer Egée.
Tsipras mérite sans conteste la médaille d’or européenne de l’opportunisme en politique. Suivre son exemple est-il un gage de réussite (même par défaut) aux élections ? Pas sûr ! Tous les dirigeants « de gauche » ne disposent pas de son brio personnel. Surtout la Grèce a traversé un état de crise politique très particulier amenant le système à avoir recours à son profil.
A propos, le lendemain de la conférence de presse, Tsipras est parti à l’Elysée honorer l’invitation de Hollande faite aux dirigeants socio-démocrates d’Europe. C’est pour cela qu’il est venu à Paris.