La Commune de Paris doit toujours éclairer le mouvement ouvrier !
29 mai 1871 – 29 mai 2012 : Il y a 141 ans, la Commune de Paris était écrasée dans le sang.
Toujours, nous célébrons le sacrifice des dizaines de milliers de Communards, hommes, femmes, jeunes massacrés aussi férocement que méthodiquement, cette semaine sanglante de 1871, par les troupes de la réaction versaillaise soutenue par les exploiteurs du monde entier.
Nous célébrons la portée profonde, grandiose, de la Commune de Paris pour l’ensemble du mouvement ouvrier international telle que Lénine l’avait déjà soulignée au début du siècle dernier:
« Le souvenir des combattants de la Commune n’est pas seulement vénéré par les ouvriers français, il l’est par le prolétariat du monde entier. Le tableau de sa vie et de sa mort, l’image du gouvernement ouvrier qui prit et garda pendant plus de deux mois la capitale du monde, le spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses souffrances après la défaite – tout cela a remonté le moral de millions d’ouvriers, fait renaître ses espoirs et gagné leur sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de leur profond sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat et donné partout une impulsion nouvelle à la propagande révolutionnaire. C’est pourquoi l’œuvre de la Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous ».
Samedi 26 mai s’est déroulée, comme chaque année depuis 1880, la montée au Mur des Fédérés au cimetière du Père Lachaise. Le souvenir de la Commune a été et reste encore l’un des plus conflictuels.
Le pouvoir et la réaction y sont encore plus allergiques qu’à l’évocation des révolutionnaires de 1793. Dans leur inconscient collectif, les possédants ont encore peur. Ils ont raison ! L’histoire de La Commune porte en elle leur renversement. Dans les programmes et manuels scolaires, cet épisode est toujours minimisé et caricaturé. La commémoration de la Commune était d’autant plus insupportable à la droite que les expériences socialistes issues de la Révolution d’octobre 1917 étaient les héritières directes de sa remise en cause de leur domination universelle.
Depuis 1989/1991, la droite française s’est assouplie. Elle commence à envisager reléguer la Commune dans l’histoire officielle consensuelle, c’est-à-dire privée de son sens politique, un peu comme Sarkozy a été mandaté pour le faire avec le résistant communiste Guy Môcquet. En 2000, Jacques Toubon et Jean Tibéri, alors maires du 13ème et de Paris, inauguraient ainsi la place de la Commune de Paris en appelant à la réconciliation nationale…
Jusqu’alors, ce rôle était dévolu aux socio-démocrates. Après 1920, ils se sont évertués à ne pas laisser cet héritage si important du mouvement ouvrier français au PCF.
La Montée au Mur des Fédérés en 1936, dans les circonstances unitaires du Front populaire dont le PCF était à l’impulsion, en ont été le symbole avec l’intervention de Léon Blum. En 2012, même François Hollande arrive à se référer à la Commune, à côté de Delanoë à la Mairie de Paris, le jour de son investiture.
Il n’en est que plus important, pour nous communistes, de ne pas laisser avancer l’entreprise de banalisation de l’histoire et des enseignements révolutionnaires de la Commune.
Marx, dans « la Guerre civile en France – 1872 », Engels et Lénine les ont analysés. Ils ont, de façon centrale, à la lumière des Communards, pousser leur analyse de l’Etat. (Nous en rappelons quelques phrases pour inviter à l’étude de ces textes fondamentaux.)
Lénine synthétise dans « l’Etat et la révolution – 1917 ». Il cite la nouvelle préface de Marx et Engels au Manifeste de 1848 : « La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre la machine d’Etat, toute prête, de la faire fonctionner pour son propre compte ». Il précise : « L’idée de Marx est que la classe ouvrière doit briser, démolir « la machine de l’Etat toute prête », et ne pas se borner à en prendre possession ».
Marx, Engels puis Lénine montrent la portée révolutionnaire, novatrice des décisions de la Commune dans ce sens comme « la suppression de l’armée permanente et son remplacement par le peuple en armes », la suppression du parlementarisme : « au lieu de décider tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante « représentera » et foulera aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes à recruter des ouvriers, des surveillants, des comptables pour ces entreprises ».
A la fin de l’introduction par Engels de l’édition de 1891 de la « Guerre civile en France », largement citée par Lénine, on lit : « en réalité, l’Etat n’est rien d’autre qu’une machine pour l’oppression d’une classe par une autre, et cela, tout autant dans la république démocratique que dans la monarchie ; le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s’empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu’à ce qu’une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’Etat ».
Deux lignes plus loin, à ceux qui l’ont en « terreur », « philistins » d’hier et socio-démocrates d’aujourd’hui, Engels adresse en conclusion : « Eh bien, Messieurs, vous voulez savoir de quoi cette dictature a l’air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat ».
Déjà en 1891, l’étude de la Commune de Paris était objet de lutte idéologique.
En 2012, un appel émanant de plusieurs organisations de gauche réclame la « réhabilitation des Communards » par l’Etat. Nous ne pouvons pas partager cet objectif.
L’Etat d’aujourd’hui, sa tutelle l’UE sont autant au service de la bourgeoisie et du capital qu’hier. Que l’Etat ait dû concéder des acquis aux travailleurs au cours de l’histoire de la lutte des classes, comme après la Commune de 1871 la forme républicaine plutôt que la forme monarchique, n’y change rien.
L’appel des associations de 2012 rappelle à juste titre que la Commune est « la première et seule fois où dans notre pays le pouvoir fut exercé par le peuple et pour le peuple. » Pourquoi aider l’Etat d’aujourd’hui à récupérer son antithèse d’hier ?
On lit dans le texte de ces organisations : « rétablir dans leurs droits les communards, c’est donner un sens à leur combat pour une société plus juste ». Leur combat n’a pas besoin pour avoir du sens d’une validation officielle de François Hollande ou d’une stèle gravée du nom de Tibéri ou Delanoë ! Au contraire !
Dépourvu largement de la théorie du socialisme scientifique, d’un parti communiste – c’était leurs faiblesses - les Communards ont donné au monde un exemple éclatant de prise du pouvoir populaire contre les possédants et leur Etat. Cette perspective révolutionnaire est plus que jamais un phare, un point d’appui dans les luttes de tous les jours.
Communistes, ne laissons pas, pas plus aujourd’hui qu’hier, le souvenir de la Commune de Paris au réformisme, même bien intentionné !
« Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines » (Eugène VARLIN – 1839 – 1871)