Conseil national du 6 octobre 2013 sur la préparation des élections municipales

Intervention d’Emmanuel DANG TRAN, fédération de Paris

Beaucoup constatent maintenant la « crise du Front de gauche ». J’y vois la suite logique de cette stratégie voulue par la direction du Parti.

Certains craignent que le Front de gauche finisse par être une opération « perdant-perdant » pour chacun de ses partenaires.

Mélenchon perdant ? Je n’en suis pas sûr. Déjà, grâce à la direction du PCF, il a gagné une stature nationale impensable pour un sénateur PS honoraire. Il peut maintenant jouer un plus grand rôle dans la recomposition de la gauche socialiste, dans la perspective aussi fictive que lamentable d’un nouveau gouvernement sous hollande.

Mélenchon tend la main à l’anticommuniste Mamère après l’avoir tendue à l’anticommuniste Cohn-Bendit. Il rentre, d’une façon cynique et très dangereuse, dans une surenchère avec le FN. De cela aussi, nous devons nous préoccuper.

Dans l’interview qu’il donne au Parisien de ce matin, sa satisfaction éclate à l’idée de continuer à plumer la volaille communiste à l’occasion des municipales.

Le PCF perdant ? C’était donné depuis le début !

Une chance subsiste qu’il ne perde pas trop d’élus voire, localement, qu’il en regagne. Si c’est à la faveur du maintien du FN au second tour, cela ne constituera tout de même pas une grande victoire…  Mais au plan national, d’ores et déjà, le Parti est un peu plus discrédité par le piège où il s’est mis, celui du Front de gauche.

La déclaration que nous propose Pierre Laurent s’efforce de présenter les choses au mieux mais c’est mission impossible. Aucune cohérence nationale tournée vers les conditions du changement de politique, vers la lutte, n’apparaît. Bien au contraire.

En privilégiant, de fait, le « rassemblement » avec le PS, vos critiques vis-à-vis de Hollande perdent toute crédibilité. Mélenchon peut passer pour un « radical », Le Pen encore davantage.

Par exemple sur une question centrale comme l’Union européenne, directement liée aux politiques d’austérité, à la perte de pouvoir des communes. L’UE suscite un rejet populaire massif. Mélenchon s’efforce de le capter, bien que Maastrichien et fédéraliste, en cultivant un chauvinisme écœurant. Le Parti est totalement en retrait sur la question, en se retrouvant lié au PS et en recopiant les thèses du PGE.

Le pire peut-être, avec la laborieuse préparation des municipales : depuis des mois, le Parti donne une image politicienne de lui-même, celle de négociations pour des alliances et des combinaisons électoralistes, pour des places et des sièges. On est complètement en décalage avec les luttes, avec la perspective qui ne peut provenir que d’elles, et que, seuls, les communistes peuvent porter politiquement.

Les leurres institutionnels, les diversions – la pire étant le FN – ont la place libre !

Dans ce contexte, la situation à Paris paraît aujourd’hui très lourde de conséquences et même rédhibitoire nationalement. Mélenchon ne s’y trompe pas dans ses calculs. Les suites du scénario qui se confirme sont sans proportion avec le poids de la fédération de Paris dans le Parti.

Mais Paris est la capitale de la France. Mais Paris, avec Delanoë, demain avec Hidalgo, est le laboratoire du « social-libéralisme » à la Hollande.

Faute d’avoir voulu prendre les devants – cela leur était sans doute impossible – les élus sortants et la direction du PCF Paris ne peuvent offrir d’autre choix que de s’aligner sur le PS dès le 1er tour. Voilà 12 ans que les élus soutiennent complaisamment la politique du Maire, sans inflexion. Le choix de « l’autonomie », avec le PG, coûterait objectivement très cher en sièges, même avec un score potable, notamment parce qu’il faudrait partager avec le PG.

Ce dernier, suivant Mélenchon, conscient du symbole national que représente Paris, a poussé à fond les contradictions des élus PCF. Mélenchon s’en moque encore ce matin dans l’interview au Parisien. Leur agressivité vise clairement au divorce à Paris permettant de faire voir un fossé entre PG et PCF, dans l’esprit des insultes de Mélenchon en août contre les dirigeants du Parti.

A Paris, plus visiblement qu’ailleurs, l’impasse du Front de gauche est flagrante.

Les militants limiteront les dégâts en se battant lutte locale par lutte locale, à l’opposé des postures sociétales gauchistes, des propositions de complaisance ignorant les affrontements du moment.

Il est souhaitable que la haute direction du PCF évite de laisser entendre dans les media (Médiapart de ce matin) que la question de l’alignement sur le PS est réglée avant même le vote – sous influence – des communistes [les 17, 18 et 19 octobre].

Je finis par le principal, par le plus grave, l’absence du Parti, paralysé par les calculs électoraux, des luttes. Toute la période des municipales risque de n’aboutir à rien nationalement.

Hollande est en train de bien réussir  ce pour quoi il a été élu : insuffler la résignation au changement, l’oubli des capacités de mobilisations populaires. Presque pas un mot sur les retraites à ce CN, rien sur la réforme ferroviaire, un aménagement de l’acceptation de l’Union européenne avec l’Europe sociale : voilà le peu que j’ai entendu sur ce que les camarades dans les entreprises et les quartiers jugent principal, jugent aussi principal à mettre en avant à l’occasion des élections municipales.

Nous ne pouvons pas nous résigner à ce qu’il ne ressorte rien pour les travailleurs dans la lutte des classes dans les 6 mois à venir !

Parti révolutionnaire fermé pour cause d’élections ? Non, surtout pas !