Restriction des allocations aux familles : un vote du Sénat à la quasi-unanimité de bien mauvais augure
Le Sénat vient de voter une proposition de loi UMP supprimant le versement des allocations familiales aux familles dont les enfants sont placés.
Brèves, vivelepcf, 3 avril 2013
Le gouvernement a engagé l’attaque contre les allocations familiales. Il y aura peut-être « mariage et adoption pour tous » mais plus allocations pour tous. Pour livrer l’argent des cotisations sociales des familles au patronat, au nom de la « compétitivité », le pouvoir se pare d’un prétexte social, en déclarant viser les ménages aisés. Mais, c’est le fondement de la politique familiale, le principe de l’universalité des allocations, à terme toutes les familles qui sont attaqués.
Le Sénat vient dangereusement d’ouvrir une brèche en adoptant une proposition de loi UMP par 329 voix contre 16. Elle prévoit de supprimer le versement des allocations familiales aux familles dont les enfants sont placés. Les départements, responsables de ces services sociaux, les récupéreraient (l’Aide à l’enfance pour l’allocation de rentrée scolaire). Pour l’instant, les allocations sont maintenues aux familles sauf avis contraire du juge pour enfants qui a le pouvoir de décider d’une répartition. Demain, elles seraient automatiquement transférées aux départements, le juge ne conservant la possibilité que d’en laisser 35% aux familles.
Ce vote est particulièrement choquant. Dans 80% des cas, le placement a pour cause, non des maltraitances, mais la situation de misère des parents, notamment le logement. Le placement doit être temporaire. L’objectif est le retour des enfants dans le cadre affectif familiales. Le pouvoir du juge permet d’apprécier chaque cas au regard de cet objectif.
Mais pour les sénateurs, souvent élus départementaux, la préoccupation est visiblement tout autre. Il s’agit de faire le fond des poches de familles parmi les plus pauvres, à défaut de s’attaquer à la politique d’austérité des finances locales des gouvernements successifs.
C’est une politique contre les familles, en l’occurrence contre les familles les plus précaires, contraire à l’esprit des allocations familiales.
Les sénateurs UMP, la plupart des sénateurs PS et les sénateurs Front de gauche ont voté ensemble. Seuls 4 sénateurs PS et les 12 sénateurs EELV ont suivi l’avis négatif de la ministre Dominique Bertinotti, courageusement à contre-courant sur un sujet qui semble lui tenir à cœur.
Il reste quelques semaines pour faire entendre aux députés la voix de la raison et de l’intérêt de la famille, du moins sur cette question précise.
Aide sociale à l’enfance
Les allocations familiales doivent revenir aux familles !
jeudi 4 avril 2013
Communiqué commun : SAF, Solidaires, Syndicat de la Magistrature, FSU, CGT
Le Sénat vient à la quasi-unanimité de voter une proposition de loi portée par l’UMP qui conduit à la confiscation des 2/3 des allocations familiales pour les familles dont les enfants sont placés auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance et de la totalité de la prime de rentrée scolaire. Ces allocations seraient alors versées aux départements.
Il s’agit d’une rupture politique très importante qui marque une méconnaissance grave du droit d’une part et de la sociologie des familles concernées d’autre part. L’idée d’une telle procédure avait été abandonnée lors du projet dans la loi de prévention de la délinquance en 2005.
Il est déjà possible aux magistrats de suspendre ou de retirer les allocations familiales, ce qui se fait dans les cas où cette pression fait sens, ou encore de mettre une Tutelle aux Prestations Sociales. Mais, la plupart du temps, ne sont concernées que des familles pauvres ou très pauvres, souvent monoparentales.
Rappelons que les parents dont les enfants sont placés restent détenteurs de l’autorité parentale sauf exception. De ce fait, ils sont tenus de subvenir aux besoins d’entretien et d’éducation de leur enfant même en cas de placement à l’Aide Sociale à l’Enfance (article L28-1 du code de l’action sociale et des familles).
Le maintien des allocations familiales est reconnu comme un moyen de permettre à ces familles d’accueillir dans des conditions décentes les enfants pendant les week-ends et les vacances. C’est aussi le peu d’argent qui permet de résorber les dettes ou de reconstruire un budget favorisant le retour des enfants.
Cette analyse est partagée par les professionnels du travail social et quantité d’associations œuvrant dans le secteur. C’est aussi un débat sur le coût relatif de l’intervention dans ces familles. Un placement « coûte » autour de 50 euros par jour en famille d’accueil, 200 euros/jour en foyer traditionnel et jusqu’à 400 euros en établissement spécialisé… Limiter le temps de placement, voire l’éviter présente donc des intérêts sociaux et humains évidents mais aussi économiques.
Les organisations signataires pensent que face à l’augmentation des inégalités et à l’aggravation de la crise, c’est de protection dont ont besoin les familles en difficulté, pas de confiscation. De plus, on ne peut se cacher que l’augmentation du nombre de placements est directement liée à l’aggravation de la crise. Les familles à la rue voient leurs enfants placés : leur retirer les allocations ne favorisera pas l’accès au logement… C’est l’impasse de l’application de la loi DALO qui est à pointer, pas les familles expulsées.
Voter un tel texte, c’est contribuer à fragiliser encore des familles pauvres. C’est idéologiquement s’inscrire dans la logique des chômeurs-fraudeurs, des « assistés sociaux », faisant passer les victimes de la crise au rang de suspects. Nous avions fait reculer les gouvernements précédents quand ils voulaient la suppression automatique des allocations familiales aux parents des enfants en absentéisme scolaire. Le parlement ne doit pas s’inscrire pas dans cette perspective et doit rejeter ce texte foncièrement injuste.
Paris, le 4 avril 2013