Les capitalistes grecs, l’UE, le FMI sont les grands gagnants des élections générales du 17 juin 2012. Ils auront dû s’y prendre à trois fois pour trouver la bonne formule, celle qui fasse passer l’acceptation par le peuple lui-même du règlement de leur propre crise, des sacrifices, d’une casse sociale inédits dans un pays d’Europe « de l’ouest » depuis des décennies.

En novembre 2011, l’ancien premier ministre socialiste Papandréou sentait qu’il ne pouvait plus contenir la colère populaire. Il a tenté d’organiser un référendum sur l’austérité organisée avec l’UE. Le peuple aurait ainsi payé les conséquences de son vote. Mais l’opération n’est pas allée jusqu’au bout. Il était inconcevable pour les dirigeants de l’UE, pour Mme Merkel et M. Sarkozy, de laisser un tel précédent : un peuple qui dit non à l’austérité, à l’UE et à l’euro à la fois.

La convocation d’élections anticipées est devenue incontournable en 2012. Mais le résultat de celles du 6 mai ne permettaient pas de dégager une majorité légitime pour continuer la politique européenne. La droite traditionnelle (Nouvelle démocratie, ND) est arrivée en tête mais avec un faible score, 19%, restant disqualifiée par son exercice du pouvoir jusqu’à 2009. Elle n’avait pas de partenaires pour constituer une majorité. Une coalition de gauche pro-UE ne pouvait pas non plus être constituée, à cause du discrédit du parti socialiste sortant (PASOK – 13%) et malgré la promotion organisée de la coalition « radicale » (pro-européenne) Syriza (17%).

Entre le 6 mai et le 17 juin, le peuple grec a été placé sous des pressions nationales et internationales écrasantes. Les élections grecques sont devenues un enjeu mondial. Sur sa lancée, l’idéologie dominante a mis en scène une nouvelle bipolarisation politique, dans ce contexte dramatisé.

La mise en avant de Syriza, derrière son leader Alexis Tsipras, a été constante nationalement et internationalement. Cette formation politique présente un double avantage.

Son im  age de « gauche radicale » permet de remobiliser l’électorat le plus réactionnaire, les épargnants affolés d’une éventuelle dévaluation derrière ND. Sa réalité de parti pro-UE, d’aménagement de la crise capitaliste, permet de canaliser l’opposition sur une ligne d’acceptation du joug européen capitaliste. Quelques jours avant le scrutin, Tsipras, rejoint par l’ex-ministre de l’économie (de l’austérité) de Papandréou, Mme Katseli, ne demandait plus qu’une « renégociation du mémorandum » et envisageait un « plan B » pour sauver l’euro.

Les dernières semaines ont été aussi caractérisées par un déploiement, largement toléré, de la violence fasciste des partisans du parti « de l’Aube dorée » et par une répression accrue des luttes conduites par le syndicat de classe PAME, d’inspiration communiste. Une incessante campagne anti-communiste, frontale par la violence, ou perfide par la tentative d’intégration à une majorité pro-UE, a été dirigée contre le Parti communiste grec, le KKE (8,5% en mai).

 

Au soir du 17 juin 2012, on peut dire que le système a réussi son opération. La droite, ND, progresse fortement avec 30% et arrive en tête. Elle devrait être en situation de constituer une majorité, aux contours à définir, où le PASOK toujours disqualifié (12%) ne jouerait qu’un rôle d’appoint. Deux partis divers droite et divers gauche obtiennent 7,5% et 6,5%. Syriza, en fort progrès parallèle, avec 27%, devrait prendre la tête d’une opposition constructive dans le cadre d’une recomposition durable de la vie politique et de la constitution d’une social-démocratie de substitution, une roue de secours éventuelle pour le système.

La campagne pour promouvoir le mirage d’une majorité de « gauche » de changement, sans lutte et dans l’acceptation de l’UE du capital, a créé un réflexe de vote « utile ». Le KKE en subit les conséquences en n’obtenant que 4,5% sur sa ligne rigoureuse et courageuse.

Il est probable que les capitalistes, grecs et européens, vont momentanément desserrer un peu l’étau du « mémorandum » pour conforter la nouvelle majorité  (et la nouvelle opposition), calmer le jeu en Grèce. L’essentiel pour eux est de sauver la zone euro. Ils vont pouvoir s’attaquer plus violemment aux autres pays, dont la France.

Mais la situation des travailleurs grecs, dans tous les secteurs, des jeunes ne va pas s’améliorer. La dramatisation des élections passée, la lutte des classes va reprendre sur son terrain fondamental, l’entreprise. Le KKE, le PAME ont tenu bon sur la ligne politique. Leurs organisations se sont renforcées malgré le recul électoral du 17 juin (après un progrès le 6 mai).

Leur action sera décisive demain pour les travailleurs et le peuple grecs.

Leur expérience et leur analyse seront très importantes pour les communistes français.