CN du PCF, 13 et 14 octobre 2012 – Intervention de Corinne Bécourt (02)
Discussion sur la « base commune » de congrès, Corinne BECOURT, fédération de l’Aisne
Désolée, un texte de congrès du Parti communiste peut difficilement être un poème ! « Il est grand temps de rallumer les étoiles », comme titre de texte de congrès, c’est vraiment n’importe quoi.
Et effectivement, ce texte n’a rien à voir avec un texte de congrès du PCF. Il évacue les préoccupations principales qui sont celles des communistes mais aussi des salariés en lutte et de beaucoup d’autres.
Le dernier congrès statutaire du Parti a eu lieu en 2008. Depuis, bien des choses ont été imposées qui n’ont jamais été décidées en congrès : le Front de gauche, comme structure électorale, comme structure politique. Il faut faire un bilan, le bilan de cette nouvelle étape de ce processus de « transformation » du Parti.
Je ne m’étends pas sur les précédentes. De la Mutation aux collectifs antilibéraux, les étoiles du drapeau communiste ont été éteintes les unes après les autres, « d’expérimentation » en « expérimentation ». Robert Hue est allé au bout de cette cohérence. Le Front de gauche poursuit cette œuvre d’effacement du Parti.
Même sur le plan électoral, placé en priorité, le résultat est explicite : perte de la moitié des conseillers régionaux communistes et la réduction à 7 du nombre de députés PCF…
Sur le plan de l’organisation communiste, le constat est aussi celui de l’effacement, à tous les niveaux. Les structures informelles du Front de gauche, électorales pour commencer, supplantent celle du Parti. Notre CN est écarté des décisions stratégiques. Au mieux, il les valide après coup. Elles sont prises on se sait où, ni exactement avec qui, dans telle ou telle collectif national du Front de gauche avec des « personnalités » qui parlent ensuite en notre nom et place.
En 2007, les communistes ont rejeté très majoritairement la disparition, le sabordage du Parti, le changement de nom. Mais dans les faits, même en en-tête des courriers internes du parti, au sigle « PCF », quand il apparaît encore, est systématiquement accolé le logo « Front de gauche ».
Avec le « Front de gauche », la direction applique le même processus que dans d’autres pays d’Europe : Linke en Allemagne, Izquierda Unida en Espagne, Syriza en Grèce où de nouvelles formations de « gauche » étouffent les partis communistes ou les combattent violemment (Grèce), sous la houlette du PGE, parrainé par la Commission européenne.
La remise en cause intégrale de l’Europe du capital, de l’euro doivent revenir notre axe de lutte. Elle implique que le PCF s’affranchisse définitivement du PGE.
Je reviens au texte. Son contenu également il poursuit et aggrave l’effacement du Parti.
Ce texte s’adresse à des « bisounours », pas à des travailleurs et à des communistes !
La formule « l’Humanifeste » donne le ton. « L’Humain d’abord », ce n’est pas la perspective révolutionnaire d’un parti de classe qui combat l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Le Pen, père et fille, Sarkozy, Dassault, Béttencourt, la bourgeoisie… : ce sont aussi des humains. Mais désolée, je ne mets pas leur bonheur dans mes priorités !
Le texte évite soigneusement de confronter les paroles et les actes et de mettre les uns en cohérence avec les autres et inversement.
Au soir du 1e tour des présidentielles, en notre nom, sans attendre la réunion du CN du PCF, Mélenchon a appelé à voter pour Hollande « comme pour lui-même » et « sans conditions ». Le Front de gauche a alors révélé entièrement sa fonction de rabatteur pour la social-démocratie de semeur d’illusions sur la gauche de résignation. Evidemment quand je dis cela, cela ne veut pas dire qu’il ne fallait pas battre Sarkozy.
Aujourd’hui la gauche est au pouvoir à tous les échelons du pays : présidence de la République, Sénat, Assemblée nationale, régions, départements. Elle a tous les moyens d’agir pour le changement. Qui est surpris qu’elle ne le fasse pas ?
Certainement pas les ouvriers de PSA, de Doux, de Sanofi, tous les salariés en luttes, ceux qui ont manifesté le 9 octobre pour l’emploi et l’industrie ! Pour eux, comme pour moi, il n’y a qu’une confirmation : gauche ou droite, le MEDEF continue à licencier et à empocher les profits et les aides publiques !
Il est temps d’arrêter clairement d’alimenter des illusions, sur une orientation possible « de gauche » de ce gouvernement (comme de l’UE). Pas de caution au PS !
Notre Parti doit faire des actes politiques forts. Les élus communistes à tous niveau doivent remettre en cause leur participation aux exécutifs dirigés par le PS. Au Parlement, il faut des votes conformes à l’intérêt des travailleurs.
Je pense avec colère au vote des députés FdG POUR la mise en place des « emplois d’avenir », des « emplois sans avenir » plutôt. Pour le vote du budget 2013, le FdG décidera-t-il tout seul de s’abstenir ?
Le choix du moindre de mal, de la résignation, du genre « Ce n’est pas vraiment ce que nous voudrions mais c’est mieux que rien » : c’est de la social-démocratie. Ce n’est pas ça le Parti communiste français !
Notre parti ne saurait s’en tenir non plus à des postures critiques mais doit aller au fond dans ses revendications.
Quand le capitalisme en crise fait payer les travailleurs par le chômage massif, comment s’en tenir à la formule du candidat François Hollande : « non aux licenciements boursiers ». Il y aurait de mauvais et de bons licenciements, ces derniers non liés au capitalisme et contre lesquels on ne pourrait rien faire ? A propos, à peine 10% des salariés, travaillent dans des sociétés cotées en bourse.
Un vrai Parti communiste pourrait au contraire lancer une campagne pour la nationalisation (intégrale) de l’automobile, de la sidérurgie, de la pharmacie… Là, nous ne serions pas en dessous de l’aspiration à des ruptures, pour se défendre d’abord, pour changer de société ensuite.
Un vrai Parti communiste devrait remettre au centre l’obligation de reclassement avec maintien du salaire et des acquis sociaux. La question, certes insuffisante, du rétablissement de l’autorisation préalable de licenciement (supprimée en 88) se pose immédiatement.
Ces quelques préoccupations, parmi beaucoup, des communistes qui font le choix des luttes, de l’entreprise, des quartiers, sont absentes de la proposition de base « commune » de la direction. C’est un constat, auquel les vers mal placés des plus grands poètes ne change rien. Ce texte de congrès n’est pas amendable
C’est pourquoi, avec plusieurs membres du Conseil national, des responsables de cellule, section, fédération du Parti, nous proposerons un texte alternatif : « Ni effacement, ni abandon, un Parti résolument communiste dans l’affrontement de classe ». C’est une nécessité pour le Parti et les communistes.