Nous reproduisons l’éditorial de Paul Vaillant-Couturier de l’Humanité du 25 décembre 1934. Des voix comparent les politiques prônées par Fillon, dans la continuité de l’austérité de Hollande et Valls, à la politique « déflationniste » des politiciens face à la crise économique des années 30. Mêmes remèdes empoisonnés, mêmes conséquences. 

Noël de chômage ! Noël de misère ! Lutte des classes !

Noël de chômage ! Noël de misère ! Noël des enfants sans cheminée et des enfants sans souliers…

Le capitalisme et les politiciens à son service viennent, en une année, de donner toute la mesure de leur malfaisance.

Les « sauveurs » du 6 février inscrivent cette année à leur bilan 100.000 chômeurs « reconnus » de plus qu’à la Noël dernière…

Tous les remèdes se sont révélés inefficaces, toutes les expériences ont été des faillites. Le préfascisme a déjà montré ce qu’apporterait le fascisme.

La misère a frappé à de nouvelles portes. Les classes moyennes ont été ravagées. Le petit commerçant a été saisi, le petit fermier a été vendu, le vieillard a vu sa pension diminuée, l’ancien combattant a vu tomber un pas de la « dette sacrée » qui lui reste due.

Le fonctionnaire a rejoint l’ouvrier et l’employé frappés dans leurs salaires. On a fait des économies sur les rations des soldats, l’instruction des enfants et les secours aux malades au profit des munitionnaires…

Une politique conséquente de classe, avide de profits a réduit à la sous-consommation devant des greniers pleins et des celliers bondés les masses laborieuses. La famine a ravagé les colonies et les balles de la répression ont répondu aux ventres qui criaient.

Au moment où Citroën jetait 18.000 ouvriers à la rue, Flandin a jugé politique et prudent d’offrir à quelques milliers d’enfants de chômeurs, sous la surveillance d’une nuée d’inspecteurs de police, des « cadeaux de Noël » – trois bouts de sucre, deux chaussettes et un dé à coudre de confiture dans un très grand carton – qui sont une insultante dérision à leur détresse.

La nuit passée et ce soir, cependant, dans les quartiers riches, des sommes énormes ont été et seront dépensées… Certains réveillons représentent une somme qui aurait permis à toute une famille de chômeurs de vivre pendant un mois…

Les chômeurs – 2 millions et demi pour 400.000 inscrits – n’ont pas réveillonné, les chômeurs n’auront pas de repas de Noël. Les chômeurs, las d’user leurs souliers à la recherche d’un travail qui les fuit, sont restés étendus sous ce qui leur reste de couvertures et ont demandé au sommeil de clamer leur faim, leur froid et leur tristesse.

Et leur réveil de Noël leur a apporté le même angoissant problème pour eux et leurs petits : mangers…

L’image de la joie et des bombances de leurs exploiteurs doit être pour eux un nouveau levier vers l’action.

Que les ouvriers, provisoirement encore au travail, s’unissent à eux pour les aider à faire triompher leurs revendications et que les chômeurs épaulent les ouvriers dans la défense de leurs salaires.

A ce Noël de collaboration de classes que ce gouvernement voulait réaliser pour masquer ses responsabilités dans la misère des masses, qu’ils répondent par un Noël de classe, un Noël de colère.

En vérité, l’on ne peut s’empêcher de penser – quand on a fait la guerre et qu’on voit ce Noël de crise – à ce qu’étaient nos Noëls des tranchées quand, de part et d’autre des fils de fer, des peuples entiers de jeunes hommes, enterrés dans la boue, sous les fusées et les marmites, recevaient la charité du colis de Noël avec sa tablette de chocolat pour cinq et son cigare pour deux, tandis qu’à l’arrière les bénéficiaires du massacre s’empiffraient joyeusement à coup de louis gagnés sur les morts…

Noël de guerre… Noël de crise…

Encore et toujours l’impitoyable lutte des classes !

P. VAILLANT-COUTURIER.