4 Mars 2016 , Rédigé par PCF – Section Paris 15ème Publié dans #Histoire – Notre mémoire

L’actualité appelle au souvenir de l’avocat communiste Antoine HAJJE (1904-1941), fusillé par les nazis le 21 septembre 1941 au Mont Valérien. Régulièrement, nous lui rendons hommage, parmi tant d’autres héros communistes, morts en martyrs sous l’Occupation et dans la Résistance. Une toute petite rue porte son nom dans le 15ème arrondissement de Paris.

Avec notamment ses confrères Georges Pitard et Michel Rolnikas, exécutés en même temps que lui, il a essayé de défendre jusqu’au bout, en tant qu’avocat, dans le peu de légalité qui pouvait encore exister, les militants communistes, les résistants de la première heure avant leur propre arrestation le 25 juin 1941.

Il se trouve qu’Antoine HAJJE était, sinon « binational », syrien naturalisé français en 1925. La Syrie, englobant le Liban, était alors sous mandat français. Antoine HAJJE rejoint le PCF en 1932. Il aide déjà le Secours Rouge International (SRI).

Patriote syrien, en lien avec le PCF, la CGTU et le SRI, il contribue à combattre l’impérialisme français et ses relais locaux en Syrie. Il participe à la constitution d’un parti de défense des syndicats syriens. Il ramène de son voyage là-bas en 1932 une série d’articles pour l’Humanité (voir ci-dessous « Comment en Syrie, on assassine les travailleurs »).

Patriote français, il meurt sous les balles de l’envahisseur nazi après avoir écrit au bâtonnier : «Nous allons à la mort satisfaits d’avoir, en toutes circonstances, accompli notre devoir, tout notre devoir (…). Nous mourons prématurément mais c’est pour la France. Nous en sommes fiers. Je dis adieu à une profession que j’ai aimée ; j’aurai été jusqu’à la fin le défenseur de la dignité humaine et de la vérité ».

Un exemple de militant internationaliste.

PCF Paris 15, 2 mars 2016

« COMMENT, EN SYRIE ON ASSASSINE LES TRAVAILLEURS »par Antoine HAJJE, article paru dans l’Humanité du 24 décembre 1932

« En Syrie, l’impérialisme a quotidiennement recours à l’illégalité et au crime, C’est le dernier argument de l’injustice sociale et de la raison d’Etat.

Car, dans ce pays de vieille civilisation, la tyrannie est dénoncée et le prolétariat a conscience de sa misère. Sa rancœur grandit, sa colère monte. La lutte entre les exploiteurs et les exploités se fait de plus en plus âpre: le peuple résiste. Et, pour parachever la spoliation du pauvre, la bourgeoisie et ses agents ne reculent pas devant l’assassinat.

La perception des impôts et des dîmes prend un aspect de pillage : droits de douanes énormes sous prétexte de protéger une industrie nationale inexistante ou une agriculture insuffisante ; droits sur tous les produits ; lourds droits de timbre et d’enregistrement sur tout document écrit. Tous les impôts directs, tous les impôts indirects.

En Syrie, tout est impôt et tout est mis en œuvre pour voler l’argent du prolétaire.

La paysannerie est soumise à une dîme particulièrement odieuse basée sur des évaluations, d’après l’étalon-or, malgré la stabilisation de la piastre-papier à 15 % de ‘sa valeur (0 f’r. 20) et la baisse des cours qui en est résultée.

Sur une récolte valant 200 piastres, le paysan pauvre doit payer :

1° 300 piastres; d’impôt au gouvernement’

2° 100 piastres de fermage au propriétaire terrien qui l’exploite.

Cela revient à dire qu’en définitive le paysan syrien, devenu insolvable, doit payer deux fois plus qu’il ne gagne aux brigands du budget et aux féodaux de sa province. Sa situation est misérable ; il a faim.

Et, dans les campagnes naguère si heureuses de la Syrie, c’est tantôt la jacquerie étouffée par la mitrailleuse, tantôt la désertion collective de la terre, l’abandon de villages entiers dont les habitants retournent à l’état nomade et s’en vont dans le désert demander asile aux tribus de bédouins.

Et c’est, en vérité, un étrange tableau, tout au long des routes asphaltées construites à grands frais pour véhiculer des troupes et des canons. Des deux côtés, s’étendent à perte de vue des terres immenses livrées aux broussailles et aux sables du désert. On aperçoit parfois un village misérable et des paysans en haillons cheminant sur des ânes faméliques ou traînant leurs pieds nus et fatigués vers le vain travail ou vers la chaumière sans pain.

La situation de l’ouvrier n’est guère meilleure. J’ai vu, au col de Beylan, à 1.200 mètres d’altitude, des cantonniers, hommes et femmes (beaucoup de femmes surtout) travaillant de 10 à 12 heures par jour, à raison d’un salaire de 8 à 12 francs. Les ouvriers des villes gagnent encore moins à Antioche, dans les entreprises de sériciculture, un ouvrier est payé de 6 à 10 francs et la situation des dockers de Beyrouth est telle que gagnant de 5 à 12 francs par jour, suivant les saisons, ils doivent se priver souvent du repas quotidien.

Le salaire du tisserand de Damas dépasse rarement 10 francs. Le tisserand ou le tanneur d’Alep, le cigarettier de Bekfayu. le manœuvre de Homs, ne gagnent pas davantage. Comme le paysan, l’ouvrier de Syrie a faim. En hiver, il a froid n’ayant d’autre vêtement que ses loques de travail.

Le chômeur syrien n’est pas secouru, aucune statistique du chômage n’est tenue, mais dans un pays dont l’économie déficitaire est livrée à des malfaiteurs opérant individuellement ou sous le couvert de sociétés véreuses, le chômage est un fléau endémique, redoutable, atteignant la moitié au moins de la population ouvrière

Le 19 août dernier, les chômeurs d’Alep sortirent de leurs taudis, et une puissante manifestation se déroula, ce jour-là, groupant quarante mille prolétaires.

Ce sont les tanks et les mitrailleuses qui apportèrent aux affamés la réponse des affameurs. Il y eut des blessés. Et de nombreux ouvriers furent arrêtés et condamnés en vertu d’un infâme décret du haut commissaire Ponsot sur « la prévoyance des crimes ».

C’est ainsi que l’impérialisme poursuit son œuvre d’extermination. La Syrie est devenue une immense geôle où avec une froide préméditation le peuple est assassiné et meurt lentement de faim et de misère.

D’innombrables enfants abandonnés errent dans les cités syriennes. Il est fréquent de rencontrer la nuit, dans les rues des grandes villes, voire même aux abords des ministères et des locaux de la police, des enfants de moins de 7 ans, dormant dans leurs guenilles sur le trottoir sale. D’autres, un peu plus grands, pillent, volent, mendient, vivent on ne sait comment, sans parents, sans aide. Des fillettes en haillons tendent timidement la main pour une modeste aumône et offrent parfois au vice du passant leurs corps de prostituées précoces.

(A suivre.)

Antoine HAJJE.