Grève dans le rail confirmée en Belgique ce 30 juin pour défendre les acquis sociaux des cheminots
2005: dissolution de la Société nationale des chemins de fer belge, éclatement en trois entités, SNCB dédiée à l’exploitation, Infrabel aux infrastructures, SNCB-Holding pour donner l’apparence d’une unité du groupe et gérer l’évolution vers le privé de services communs. 2014: dissolution de SNCB-Holding, dont les activités sont majoritairement reprises par SNCB ou démantelées. Le schéma de privatisation de SNCB, sous le pilotage de l’Union européenne, est prêt de son terme, sans parler de la multiplication, déjà, des filiales de droit privé et des sous-traitants privés depuis 2005, dans toutes les activités. 2014: création de Human Ressources Rail, filiale commune de SNCB et Infrabel qui gère le personnel pour le compte des deux entités. Hors de l’activité ferroviaire, cet « employeur unique » s’applique, dans le cadre de plus en plus concurrentiel, à dégrader et éliminer les acquis sociaux restant du statut du cheminot belge. Les conséquences de cette politique pour le service rendu et pour les conditions sociales sont désastreuses. La grève du 30 juin 2014 le dénonce et va contribuer à essayer d’inverser le processus de casse.
Toute ressemblance avec la « réforme ferroviaire » française est tout sauf une pure coïncidence!
Nous reprenons l’article d’Anthony Crézégut publié sur le site de http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Grève dans le rail confirmée en Belgique ce 30 juin pour défendre les acquis sociaux des cheminots
L’été sera chaud sur les rails, pas seulement en France mais aussi en Belgique où le principal syndicat cheminots, la CGSP, a lancé un appel à la grève nationale pour le 30 juin pour lutter contre la politique de casse du service public du rail SNCB.
Les cheminots français ne sont décidément pas seuls. Mais les travailleurs du rail belges ne se contentent pas de messages de solidarité, effectivement envoyés à leurs camarades français. Place à la solidarité de fait, avec une journée de grève générale dans le secteur pour le 30 juin.
36 jours de congé en retard par an et par cheminot en Belgique !
Un mouvement de grève lancé par la CGSP – la centrale des services publics de la FGTB (proche des socialistes historiquement) –, alors que la CSC Transcom et la SLFP, respectivement syndicats chrétiens et libéraux du secteur, ont réservé leur participation à l’action.
Si la direction de la SNCB, préoccupée à l’approche des vacances, a tenté une ultime conciliation ce vendredi par l’intermédiaire de son nouveau gestionnaire du personnel, HR-Rail, la CGSP a considéré qu’aucune concession n’avait été faite sur les revendications des salariés de la SNCB.
La revendication numéro un, souvent la seule relayée par la presse belge, c’est la régularisation des « jours de liberté », de repos, accumulés mais non octroyés aux salariés de la SNCB : en tout 1 million de jours pour les 35 000 cheminots, soit 36 jours de congé en retard par personne !
Les « réformes ferroviaires » depuis 2005 : précarisation du personnel, privatisation de la SNCB, dégradation du service
Toutefois, la colère des cheminots belges va au-delà de cette question. Elle remet en cause les « réformes ferroviaires » qui ont touché le secteur depuis 2005 et n’ont contribué qu’à précariser le personnel, dégrader le service public, et progressivement casser la SNCB.
Les craintes des syndicats cheminots portent avant tout sur le recrutement du personnel de la SNCB, tant en quantité qu’en qualité.
En quantité, car les effectifs de la SNCB fondent depuis une dizaine d’années, ce sont en moyenne 500 à 1 000 emplois qui sont perdus cette année. De 2004 à 2014, on est passé de 40 à 35 000 employés à la SNCB.
En qualité également, avec le développement des emplois non-statutaires dénoncés par les syndicats depuis des années, qui se sont nichés dans les filiales de la SNCB, et qui remettent en cause le statut unique du cheminot qui est la norme d’emploi dans l’entreprise publique.
Les secteurs pionniers de cette filialisation ont été, comme ailleurs : la logistique-l’entretien (« B-Logistics »), le fret (« B-Cargo »), sans oublier l’essor des activités de consulting liés aux projets informatiques (« Ypto »).
Or, ce processus de dégradation des conditions d’emploi est indissociable de la casse de la SNCB, but ultime des différentes « réformes ferroviaires » menées depuis 2005.
L’éclatement de la SNCB, un cas éclairant pour la France
Une réforme en deux phases.
En 2005, la SNCB a été éclatée en trois groupes, avec la séparation de l’infrastructure, coûteuse et confiée à l’entreprise publique « Infrabel », et de l’exploitation du réseau, laissée entre les mains de la SNCB, se préparant à l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs intérieur.
Trois groupes car une troisième entité avait été créée, chapeautant les deux autres, la « SNCB Holding », propriétaire du patrimoine immobilier, employeur de l’ensemble du personnel et chargée de coordonner les efforts entre les trois entités.
Cette troisième entité, « SNCB-Holding », avait été présentée comme une contre-partie aux syndicats, une façon de garantir le maintien d’un statut unique des cheminots, et d’une structure unifiée dans la nouvelle SNCB.
L’évolution des conditions d’emploi à la SNCB a prouvé que ceci n’était que poudre aux yeux : l’éclatement de la SNCB en trois entités a été le point de départ de la casse du statut par la filialisation accélérée, concurrence intégrée au sein même de l’entreprise publique.
En 2014, ces trois entités ont été officiellement fusionnées en deux : la SNCB Holding était ré-intégrée à la SNCB, opérateur historique du réseau, tandis qu’Infrabel restait à la tête de l’infrastructure …
Ce qui n’empêche pas la création d’une nouvelle troisième entité, HR-Rail gérant l’ensemble du personnel. L’usine à gaz dénoncée avec l’éclatement de la SNCB en trois continue.
Le faux argument de la dette, prétexte à l’éclatement de la SNCB
L’argument avancé alors en 2005, et encore en 2014, pour la séparation de l’infrastructure et de l’opérateur est celui de la dette du ferroviaire : 4 milliards d’euros en 2014.
Là encore, un argument de la dette qui ne tient pas à l’analyse, même sommaire. Dernier scandale en date, le service de la SNCB dédié à la liaison avec l’aéroport de Bruxelles et construit en PPP (Partenariat public-privé) entre Infrabel et l’entreprise privée Diablo.
Diablo a financé 300 des 678 millions d’euros du projet en échange de la propriété du projet pendant 35 ans.
Entre la rente payée par Infrabel (9 millions par an), la taxe sur les billets versée par les voyageurs (4,40 € par ticket), et même un montant forfaitaire par billet vendu par la SNCB (0,5 % de tous les billets) : c’est 922 millions d’euros assurés pour Diablo, soit trois fois l’investissement initial !
Comble de cette chère politique de privatisation, Infrabel a intégré une clause qui lui permet de poursuivre la SNCB et de récolter 1 milliards de dommages si le nombre de voyageurs par an est inférieur à 4,5 millions. Actuellement, il peine à dépasser les 3,5 millions de voyageurs par an.
Un hold-up sur le dos du contribuable qui pourrait faire passer la dette du ferroviaire de 4 à 5 milliards par an.
« Plan transport 2014 » de la SNCB : les usagers, premiers pénalisés
Le prétexte de la dette légitime dans le « Plan de transport 2014 » de la SNCB une dégradation inédite du service public du rail.
C’est d’abord la suppression de centaines de trains – notamment les premiers et derniers, mais aussi la quantité de trains aux heures de pointe –, la hausse des tarifs et des trains aux trajets toujours plus longs. Un exemple, le Bruxelles-Namur mettait 48 minutes en 1938, contre 51 minutes aujourd’hui !
Les usagers sont les premiers pénalisés par les réformes ferroviaires et la casse de la SNCB : le taux de ponctualité des trains est passé de 93 % en 2004, contre 86 % en 2012.
Les cheminots belges, comme ceux français, se battent non seulement pour défendre leurs droits, leurs conditions de travail mais aussi le droit des usagers à un service public de qualité et accessibles.