Après leur vote pour la « contre-réforme ferroviaire », le numéro des députés PS « aubryistes » fait un flop !
PCF Paris 15, 7 juillet 2014
On allait voir ce qu’on allait voir. On allait entendre ce qu’on allait entendre.
Depuis les désaveux électoraux cinglants du PS aux municipales et aux européennes, certains courants et personnalités du PS s’efforcent d’incarner une critique de « gauche » de la politique menée par leur président et leur gouvernement.
Quelques-uns se sont dits « atterrés » ou « affligés ». Mais les chefs de file du mouvement se plaisent plutôt à être qualifiés de « frondeurs » par les médias : de quoi donner – espèrent-ils – une image de « rebelles » à ces cadres de la politique soucieux de passer des cabinets aux premiers postes.
Ils ont ourdi leur plan de bataille dans les couloirs et les antichambres de l’Assemblée et du Sénat. Ils ont aiguisé leurs armes dans les restaurants en compagnie de politologues avisés. Ils les ont testées dans des réunions de clubs politiques.
L’attaque héroïque était programmée dans la discussion à l’Assemblée à partir d’une série d’amendements techniques au projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Ils espéraient voir chaque soir au JT la carte, avec de petits drapeaux, de leurs avancées parlementaires, gagnées, pied à pied, par quelque entremise judicieuse à la buvette de l’hémicycle. Des conjurés, de tout le pays, par dizaines, retenaient déjà leur souffle, se préparaient à dévoiler leur sympathie pour la rébellion dans un bulletin d’élu local.
Mais voilà, la lutte, la vraie, celle des cheminots a grippé l’opération médiatique calculée.
La détermination des cheminots à s’opposer à l’éclatement de la SNCF, à l’une des contre-réformes structurelles les plus lourdes de conséquences du pouvoir PS, a dépassé les attentes du pouvoir. La réalité du projet de loi a été démasquée. Le mouvement social a retrouvé un repère. La grève des cheminots s’est prolongée jusqu’au « vote solennel » à l’Assemblée, le 24 juin, lendemain du début de la « joute parlementaire » sur le budget rectificatif.
Quand la lutte des travailleurs s’intensifie contre la politique « ultra-libérale » pilotée par l’UE du capital, les députés PS sont obligés de faire front. « Indignés, affligés, frondeurs » : pas une voix de député n’a fait défaut contre les cheminots. Cela aurait été trop risqué pour le pouvoir de faire passer sa « réforme » avec des voix de droite et d’en trahir encore plus ouvertement la nature. Dans les circonscriptions desdits « frondeurs », les cheminots en lutte ont été frappés par la méconnaissance crasse de la « réforme » par les députés ou par leurs attitudes évasives et dilatoires : « Nous nous prononcerons en fonction des amendements adoptés » (ex : le député Christian Paul de la Nièvre). On a vu !
Du coup, les numéros des quelques députés frondeurs sur le budget, en nocturne devant quelques collègues à l’Assemblée, ont fait un véritable four.
Une seule chose est restée – la plus significative - : leur vote final POUR le budget rectificatif, les mesures du « Pacte de responsabilité » conforme au vote à celui de leurs camarades PS « orthodoxes » ! Cette chute était évidemment programmée d’avance. Mais bien loin d’apparaître comme le résultat d’acquis dans la bataille d’amendements, ce vote faire ressortir crûment le caractère réel de la démarche des « frondeurs » : l’hypocrisie.
La suite de leur agitation politicienne sur le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale – où là Valls les autorisent à s’abstenir – ne changera plus rien l’image justement lamentable que donnent ces politiciens.
Le calcul du pouvoir PS avec ses « frondeurs », jouant comme toujours sur ses « courants » aux contours mouvants, est limpide depuis le départ.
Le PS poursuit loyalement, avec zèle, la politique au service du capital. Dans le système d’alternance, il lui revient notamment de démolir les services publics et le financement de la Sécurité sociale que la droite a historiquement bien plus de mal à imposer.
Le désaveu populaire est inévitable. Il atteint des sommets en période de crise.
La fonction première des « frondeurs » pour le compte du PS, mais surtout du système, est de canaliser « à gauche » une partie de cette colère, des désillusions. Il faut faire croire que le PS reste un parti de « gauche », même s’il mène une politique de droite… Il faut faire croire que la perspective de rupture peut se jouer dans une recomposition parlementaire, voire dans des primaires de la gauche avant 2017, et non à partir des luttes sociales présentes.
Leur deuxième fonction est d’accompagner la politique actuelle du gouvernement en prétendant pouvoir l’amender dans le détail pour mieux en valider le fond. La levée du gel des plus petites pensions était déjà prévue par Valls : elle ne change rien au scandale de la perte de pouvoir d’achat générale des retraites et des allocations. Les « frondeurs » ne contestent pas le principe des milliards d’euros de cadeaux au profit capitaliste contenus dans le « pacte de responsabilité » mais seulement leur fléchage. Et plus pro-UE qu’eux, c’est difficile à trouver.
Leur troisième fonction est de préparer l’après-Valls, en 2017, ou possiblement avant. Avec sa politique encore plus violemment antisociale, Valls se prépare à rejoindre Hollande en termes d’impopularité. Son contrat de mission est de faire passer en force et vitesse certaines contre-réformes structurelles fondamentales comme la « réforme ferroviaire », le « pacte », tout ou partie de la « réforme territoriale ». La relève se prépare pour quand Valls sera grillé. Objectif : adopter une posture de gauche pour mieux entériner les mauvais coups passés de Valls et Ayrault mais aussi pour passer à l’étape suivante de la politique commanditée par le patronat.
Martine Aubry, ou Arnaud Montebourg, assistés de politiciens qui se replacent comme Cécile Duflot après son départ du gouvernement, pourraient être les personnalités à même d’incarner cette nouvelle phase.
Les « frondeurs » préparent le terrain.
Aucune illusion n’est permise. Dans leur « Appel des 100 », ces socialistes se réclament du président du Conseil italien social-libéral Mattéo Renzi.
En fait de soutien à la « consommation », Renzi met en œuvre une flexibilisation sans précédent du droit du travail, un nouveau programme de privatisation et une remise en cause complète de la fiscalité progressive.
Les lieutenants de Mme Aubry, responsable et coupable, au nom des « 35 heures », des pires mesures – jusqu’à présent – de flexibilisation du temps de travail et d’exonération de cotisations sociales patronales, portent une nouvelle et profonde contre-réforme : la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Le Medef appelle de ses vœux les plus chers cette proposition de Hollande qui finirait de couper le lien entre la CSG et les salaires, qui exonérerait encore davantage les patrons du financement de la sécurité sociale. Les « frondeurs » proposent aussi le financement de 300.000 contrats « aidés ». Rien de nouveau là non plus : souvenons-nous des emplois jeunes d’Aubry. Il s’agit toujours de livrer une main d’œuvre encore meilleur marché au patronat et de tirer l’ensemble des salaires vers le bas.
Le petit jeu des Aubryistes ne prend pas pour l’instant, grâce à la montée des luttes. C’est doublement tant mieux !
Leurs tentatives de trouver des cautions de gauche, les tentations de recomposition politique à gauche, sont également mises en échec.
Les députés communistes notamment ont finalement voté contre la « réforme ferroviaire », du bon côté de la barricade, face aux « frondeurs ». La perspective promue par Pierre Laurent d’un « Front du peuple », suivant l’étonnante expression utilisée pour désigner l’assemblage de courants politiques du PS, d’EELV, du FdG…, est disqualifiée d’avance. Au meeting des clubs socialistes « un monde d’avance », à la tribune duquel avait pris place Pierre Laurent, le soir même de la réunion du Conseil national du PCF le 14 juin, la majorité des orateurs étaient contre les cheminots en lutte…
Une personnalité « montante » du PS, courant « frondeur », est Jean-Marc Germain, député, très proche collaborateur de Martine Aubry. Il aura autant de mal à se faire faire une figure de « gauche », lui qui, l’an dernier encore, était rapporteur parlementaire d’une loi de Hollande qualifiée « d’historique », arrangée entre le gouvernement et le Medef avec la complicité de la CFDT à laquelle Germain n’aura cessé de rendre hommage dans les débats parlementaires : la loi de « sécurisation de l’emploi », autrement la transposition de l’ANI, l’accord pour faciliter les licenciements…
Les cheminots ont ouvert la voie : la rupture politique ne pourra venir que des luttes et de leur convergence ! Et c’est la place de notre parti, le PCF, sa raison d’être, d’y contribuer, loin des combinaisons politiciennes, sans issue pour les travailleurs, suicidaires pour notre Parti.