SNCF: le point avant la grève du 9 mars contre la casse du statut social, nouvelle étape de la contre-réforme ferroviaire et de la privatisation
Nouvelle étape de lutte contre la « réforme » ferroviaire
Projet de « décret socle » = abattre les acquis sociaux des cheminots contre l’emploi, la sécurité, le service public national!
Pas un seul recul sur le contenu du statut-SNCF n’est acceptable !
Vivelepcf (Rail Rouge), 3 mars 2016
Le pouvoir a engagé la deuxième étape de sa « réforme ferroviaire » visant à l’éclatement de la SNCF et à la privatisation du rail. Il a lancé, en rendant public le 18 février son projet de « décret socle », la casse des acquis sociaux du statut des cheminots SNCF que doit poursuivre l’intégration des entités SNCF à une convention collective avec le privé.
Mais la puissance et le niveau de conscience de la lutte des cheminots au printemps 2014 ont déjoué ses calculs. Les cheminots n’ont pas gobé la fable selon laquelle le « décret socle » serait la garantie par l’Etat du maintien des dispositions du statut SNCF. La formule « décret socle » servait à faire passer la pilule de l’abrogation du statut et de la dissolution de la société historique SNCF. Des syndicalistes et politiciens réformistes s’étaient rendus complices de l’entourloupe en vantant des « avancées » grâce à de bons « amendements » à l’Assemblée. Ils sont heureusement sortis disqualifiés.
Sans surprise, l’avant-projet de « décret socle » dévoile une attaque sans précédent, gravissime, contre les conditions de travail, notamment les jours de récupération, les horaires des personnels roulants et sédentaires, les réglementations dénommées à la SNCF RH 77 et RH 677.
Un cheminot averti en vaut deux, disent certains camarades syndiqués ! Depuis le vote de la « réforme », il est clair que la suite de la défense du service public du rail passe par la lutte pour le maintien intégral du contenu du statut des cheminots-SNCF, son extension à toute la branche, et son inscription comme « décret socle ».
La combativité des cheminots en 2014 oblige le gouvernement à louvoyer, notamment avec le calendrier. Il a pris du retard. Ce n’est pas un hasard.
Le gouvernement ne pouvait pas lancer l’attaque contre le régime social cheminot avant les élections professionnelles de novembre 2015. Toute la campagne se serait transformée en mobilisation des cheminots contre son plan. Les syndicats de collaboration et de résignation, sur lesquels il compte plus que jamais maintenant, auraient été laminés. Si cela n’a pas été le cas, les syndicats qui se sont opposés jusqu’au bout en 2014, CGT et SUD, ont conservé une majorité absolue et c’est un point d’appui important pour la nouvelle phase de la lutte.
Le gouvernement ne pouvait pas non plus sortir son « décret socle » avant les élections régionales. Les transports sont la première prérogative des régions. Concurrence et privatisation des trains de voyageurs doivent commencer par les TER. Les cheminots auraient pu imposer le débat public sur l’avenir de la SNCF dans la campagne, en lien avec la dégradation du service. Les présidents de régions élus, anciens ou nouveau, de droite et de « gauche », sont à nouveau les fers de lance de la propagande pour la concurrence et/ou la constitution d’opérateurs régionaux. Ils se répandent en dénigrement contre le service public SNCF et les cheminots. Ils pratiquent un jeu de ping-pong vicieux avec la direction de l’entreprise. Les effets négatifs du processus de privatisation servent d’argument pour l’accélérer !
Depuis 2014, l’article de la loi Macron permettant la concurrence déloyale des autocars (dont les Ouibus de la SNCF elle-même!) est venu compléter le travail de sape des lignes TER-SNCF. Bonjour la pollution ! Spécifiquement en Ile-de-France, la constitution d’un CE régional de SNCF-Réseau fait dangereusement écho aux prétentions d’élus politiques de la Région ou du Grand Paris demandant à évincer la SNCF et à prendre le contrôle d’une structure ferroviaire intermédiaire entre l’autorité de régulation et des exploitants privés.
La « réforme » ferroviaire se confirme être tout le contraire d’une « réunification de la SNCF » mais bien l’instrument de son éclatement. Qui aurait dit, il y a 20 ans, que GDF allait disparaître englouti dans une multinationale ?
La défense des dispositions du statut cheminots-SNCF, de toutes intégralement, est aujourd’hui la riposte primordiale à cette politique. Il ne peut pas être question de couper la poire en deux plus ou moins bien (avant de recouper la poire en deux au moment de la rédaction de la convention collective) !
Le projet de « décret socle » porte des reculs sociaux inacceptables mais pas seulement. Il représente une menace directe sur des milliers d’emplois. On travaillerait plus mal, plus longtemps, sans être payé plus, mais aussi en étant bien moins nombreux et c’est le but. La SNCF accélère son plan de suppressions d’emploi : 1150 programmés pour 2016. Elle doit annuler des trains, en Picardie ou en Lorraine, parce qu’il n’y a plus assez de conducteurs ! Mais loin de vouloir former et embaucher, elle entend faire travailler plus ceux qui restent, continuer à supprimer des postes, des trains et des lignes.
La dégradation des conditions de travail signifie aussi directement une menace sur la qualité du service rendu et la sécurité avec des agents moins nombreux, plus pressurés. Les leçons du drame de Brétigny ne sont pas encore connues mais les économies sur le personnel ne peuvent pas ne pas avoir joué. Cet automne, un TER n’a pas pu circuler dans les Deux-Sèvres à titre de précaution parce qu’il y avait des feuilles mortes sur les voies… On continue dans ce sens ?
Enfin et peut-être surtout, comme dénominateur commun de ces reculs, la casse du régime social des cheminots SNCF est une condition de la poursuite de la privatisation du secteur. Comme, à l’inverse, son extension à tous les salariés du rail est le moyen de circonscrire voire de supprimer le secteur privé encore très minoritaire (22.000 salariés sur 170.000). Le patronat privé n’arrive qu’appâté par les perspectives de profits maximum, d’exploitation (de liquidation aussi). Celui du ferroviaire (UTP) estime entre 15 et 18% le surcoût (= le manque à profiter) induit par la réglementation sociale SNCF par rapport au simple droit du travail (que le Medef et la ministre El Khomri veulent encore réduire) et encore sans parler des différences de rémunération. Déjà, malgré les faveurs du gouvernement, les trains internationaux de voyageurs, marché « ouvert » à la concurrence ne se sont pas avérés assez profitables pour le privé.
Partant de cette analyse, communistes, cheminots ou non, nous relayons auprès de nos collègues, de nos voisins, des usagers l’appel intersyndical à la grève à la SNCF le 9 mars. Nous reprenons ces slogans :
Maintien intégral des dispositions du statut des cheminots-SNCF ! Extension à tous les travailleurs du rail ! Défense et reconquête du monopole public national SNCF du transport ferroviaires !
D’autres actions sociales sont programmées le 9 mars. La coïncidence avec la SNCF est tout sauf fortuite. Les agents de la RATP se mobilisent pour l’emploi, les conditions de travail et les salaires qu’un « socle commun » en Ile-de-France pourrait servir à attaquer encore. Tous les salariés et les jeunes sont appelés à combattre le projet de loi El Khomri qui vise directement le « socle » social minimum que représente le droit du travail. Avec les agents des hôpitaux, de la fonction publique territoriale etc. que l’ont veut faire travailler plus gratuitement, les convergences sont également évidentes.
Dans tous les pays d’Europe, en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne…, devant la colère des usagers, l’incurie du privé, le processus de marchandisation est remis en cause par des luttes rassembleuses. Les directives européennes sont rejetées, disqualifiées. En Grèce, elles ont conduit à la braderie actuelle par le gouvernement Syriza-Anel de la société nationale Trainose (sur laquelle lorgne la SNCF !). Au Portugal, les cheminots et leurs syndicats de lutte ont gagné qu’elles ne s’appliquent pas. En France aussi, les forces existent pour gagner.