PCF Paris 15, 25 octobre 2013

Sans surprise, la direction du PCF 75 a fait ratifier son choix pour les municipales à Paris lors de sa consultation interne des 17,18 et 19 octobre.

La signification de cette décision dépasse largement l’importance modeste de la fédération de Paris dans le PCF. Elle illustre au grand jour l’impasse de la stratégie poursuivie par la direction nationale, son éloignement du mouvement des luttes, de la construction de la riposte à la politique au service du capital. Elle laisse voir la menace portée sur l’avenir même du Parti.

57% des votes des adhérents collectés par les directions de section sont allés vers la présence dès le 1er tour sur les listes du PS derrière Anne Hidalgo. 43% sont allés vers des listes autonomes au 1er tour, avec le Front de gauche, suivant Mélenchon.

Ce résultat a été préparé des mois durant. La consultation interne a été décalée de juin à octobre à cette fin.

Entre temps, l’équipe d’Anne Hidalgo et la direction du PCF Paris se sont accordées sur une répartition des places de conseillers de Paris (sur les dépouilles prévisibles d’EELV). Hidalgo assure à l’appareil du PCF-Paris 13 places de conseillers de Paris, soit 5 de plus que les élus de 2008*, avec les postes d’adjoints et de collaborateurs correspondants. Cela a constitué l’argument décisif mis en avant par les futurs élus et la direction du PCF 75.

Mélenchon et ses amis n’ont pas été en reste dans la période. Ils ont soigneusement multiplié les agressions et les insultes à  l’égard de la direction du PCF et des communistes, localement et nationalement. Leur discours promettait à Paris d’interminables négociations de boutiquiers, dignes de ces vétérans de l’UNEF-ID, toujours pour des places. Tout pour rendre indésirable toute alliance avec eux !

L’impact de cette décision est national pour trois raisons. 1° Paris est la capitale. 2° Delanoë et Hidalgo pratiquent le social-libéralisme le plus proche de celui de François Hollande (leur suivisme sur les rythmes scolaires vient de confirmer cette proximité). 3° Pierre Laurent a cru bon de s’engager personnellement, publiquement et avec insistance pour le choix retenu, ce que n’a pas manqué d’utiliser Mélenchon.

Ce choix montre un PCF inféodé à la social-démocratie, des dirigeants, comparables à ceux des autres partis, avides de places. L’image est déplorable. Rien n’est venu la corriger. Les mois passés n’ont pas été utilisés pour pousser le débat sur le fond. Un vague programme est arrivé, par internet, le lendemain de la désignation des chefs de file par arrondissement, de la répartition des places éligibles, le 7 septembre. Aucun bilan des mandatures Delanoë-Hidalgo et des positionnements des élus Front de gauche n’a été soumis à la discussion. Juste des affirmations verbales relevant de la méthode Coué.

Tout vérifie déjà que les futurs élus PCF-FdG vont continuer à jouer le rôle de caution de gauche de l’équipe Hidalgo. Ian Brossat, chef de file des candidats PCF-FdG, intégré avec flatterie dans l’équipe, se prévaut d’un accord avec le PS dont le point principal est un objectif de 30% de logements sociaux … en 2030. Même le moins renseigné sait que l’on vote pour une mandature allant jusqu’en 2020 !

Depuis 2001 et 2008, les conditions de logement des travailleurs parisiens se sont encore dégradées, pas seulement bien sûr du fait de la municipalité. Mais cela implique d’être objectif et non électoraliste.

Sur les 70.000 logements sociaux que la municipalité sortante se prévaut d’avoir « produits », une grande partie existait déjà et a été rachetée au prix cher. Bien souvent, il ne s’est agi que du conventionnement de logements dont les loyers étaient déjà modérés. En revanche, les programmes d’aménagement publics ont laissé la part belle au logement privé et à la spéculation. Nommé président de la Sempariseine en 2012 par Delanoë, M. Brossat couvre deux des opérations spéculatives des plus indéfendables, les Halles et Beaugrenelle. Il avait déjà mouillé la chemise pour défendre l’arrangement entre Delanoë, l’UMP et Jacques Chirac à propos des emplois fictifs.

Cet article n’a pas pour objet d’établir le bilan exhaustif des mandatures Delanoë. Il est incontestablement plus « libéral » que « social ».

L’engagement des directions nationale et locale du PCF derrière le PS à Paris occulte la diversité des configurations dans les autres villes. Il montre, à l’occasion des municipales, l’absence de cohérence politique nationale du PCF, du moins de cohérence compréhensible, sinon avouable, de la cohérence nécessaire pour la riposte à la politique du capital.

Cette situation, ces embrouilles politiciennes interminables, discréditent gravement notre Parti. D’autant plus que la poursuite de la stratégie du Front de gauche continue d’être mise à l’ordre du jour, comme Pierre Laurent ne cesse de le réaffirmer.

La direction du PCF a inventé la formule du Front de gauche en 2008, après l’échec des collectifs anti-libéraux, pour poursuivre le processus d’effacement du Parti et de ses positions révolutionnaires, entamé au moins depuis la « mutation » des années 90. A cette fin, elle a choisi alors d’aller chercher Jean-Luc Mélenchon avant de l’introniser à l’élection présidentielle.

Avec la préparation des municipales, les conséquences de cette stratégie mortifère éclatent.

Par intérêt et par anticommunisme latent, Mélenchon et les autres partenaires du Front de gauche ne font pas de cadeau à l’appareil du PCF. Au contraire, ils l’attaquent impitoyablement. Mélenchon vient de traiter allègrement Pierre Laurent de « menteur » (sur ITV le 20 octobre). Suivant l’exemple de son mentor Mitterrand, il se livre au débauchage public des électeurs et des adhérents du PCF. Il se joue de toutes ses contradictions, dont le maintien d’un grand nombre d’élus communistes dans le pays.

Depuis les années 90, la direction du PCF a délibérément fait le choix de donner la priorité à la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes, aux dépens de l’organisation de classe. Cette ligne politique a considérablement renforcé la place des élus dans le Parti, devenue prépondérante structurellement, la satellisation au PS, aussi le dévoiement de la conception du rôle des élus communistes. Au bout de 20 ans de ce processus, on se retrouve avec de jeune gens comme Ian Brossat devenu président de groupe au Conseil de Paris sans jamais avoir été secrétaire d’une cellule… Mais dans le même temps, la masse des élus reste issue du parti de masse, dépositaire de l’œuvre du PCF dans les municipalités.

Le sénateur PS honoraire Mélenchon ou la bruyante ex-adjointe de Delanoë, Clémentine Autain, sont les plus mal placés pour donner des leçons de morale politique sur le thème des compromissions électoralistes. Mais il en faut davantage pour les gêner !

La direction du PCF s’est mise dans la nasse. Qu’elle le veuille ou non, Mélenchon incarne le Front de gauche. Marie-George Buffet, Pierre Laurent, Francis Wurtz récoltent ce qu’ils ont semé en 2008, peut-être ce qu’ils ont cherché.

Pour Mélenchon, la pratique de la vocifération, les positionnements gauchistes permettent de masquer dans quelle perspective politique s’inscrit sa mégalomanie: la recomposition politicienne de la gauche avec la constitution d’une deuxième social-démocratie, le changement de premier ministre de Hollande… Il fait des avances aux dirigeants d’EELV, Joly, Mamère, Cohn Bendit, les plus pro-européens…

Cette perspective, c’est celle de toutes les composantes du Front de gauche. Pierre Laurent multiplie également les appels du pied à « l’aile gauche » du PS, mais sans trouver de Mélenchon de remplacement. Dans le Front, le PG compte bien faire porter à la direction du PCF l’intégralité des compromissions avec la social-démocratie et le système et retirer les avantages politiciens des illusions gauchistes propagées par les médias, ainsi que quelques profits électoraux.

Le PG, la FASE et cie… savent que la direction du PCF n’a pas de formule de rechange au Front de gauche pour continuer la mutation réformiste et européenne du Parti, la réduction de l’influence communiste dans le mouvement syndical. Elle ne peut pas se permettre un nouvel échec cuisant comme celui de Robert Hue en 2002 ou des collectifs antilibéraux en 2007. Voilà pourquoi, envers et contre tout, les principaux dirigeants affichent leur attachement au Front de gauche.

A Paris, le suivisme derrière le PS a suscité des états d’âme chez certains, une profonde colère chez d’autres que nous partageons. Ils n’ont eu aucune possibilité de s’exprimer réellement lors du vote interne, limité à deux choix.

Les dessous du vote à Paris laissent apparaître que l’option « Front de gauche » a été défendue par des dirigeants du PCF qui sont loin d’être les moins compromis avec le PS mais figurent parmi les partisans les plus convaincus de la disparition du PCF. Parmi eux, par exemple, Patrice Cohen-Seat, théoricien des « valises de plomb » que traînerait le Parti de la classe ouvrière. Il faut dire que la répartition des places était déjà faite et que l’issue du vote ne faisait de doute à aucun observateur averti ! La répartition des rôles pouvait suivre pour canaliser l’expression des camarades.

La stratégie du Front de gauche précipite le PCF et le mouvement social avec lui dans le mur. Les directions réformistes du PCF disent : « ENCORE ». Camarades, disons : « STOP » !

A Paris, nous avons refusé le choix entre la peste et le choléra. L’option que nous avons portée dès le début, celle de listes de rassemblement, à l’initiative du PCF, sur la base d’un bilan et d’un programme soumis par les communistes a été écartée par les directions, au prétexte que les mêmes l’avait exclue d’emblée de la discussion ! Ce n’est pas tant le score que cette option aurait obtenu qui les gênaient que l’existence pour l’avenir d’une autre perspective que la résignation à l’effacement du PCF.

Le PCF continue de représenter un repère politique, historique, irremplaçable. Le rôle de caution de gauche dont Delanoë et Hidalgo se servent, comme le rôle inversé de repoussoir que lui donne Kosziusko-Morizet, l’illustrent à nouveau.

Mélenchon utilise la contradiction entre ce que représente le PCF et la ligne de sa direction actuelle pour le réduire, utilisons-là pour le faire vivre et le développer ! C’est notre démarche depuis des années.

Pour les municipales, à défaut de cohérence nationale, nous ne préjugeons de rien, a priori, sur les situations locales. A Paris, nous poursuivrons, pendant la campagne, nos luttes locales, notre expression sur le logement, la santé, l’école, tous les services publics, les conditions de travail des personnels, les aides au patronat même lorsqu’elle s’affronte, c’est le cas général, à la politique de Delanoë-Hidalgo.

Toutes les composantes du Front de gauche, dont les Maastrichiens, seraient prêtes à se réconcilier pour défendre une opposition complaisamment critique envers l’Union européenne, juste après les municipales. Il n’est pas question pour nous que les communistes, le pays, se fassent voler le débat, se laissent empêcher de prolonger les positions historiques du PCF  contre l’UE du capital. Ne laissons pas le système canaliser l’opposition de classe à l’UE par le FN, la caricaturer, la dissocier des luttes !

Face à la politique poursuivie, profil bas, par Hollande et son gouvernement, exprimons-nous, agissons, luttons pour des propositions de rupture, pour s’opposer la contre-réforme ferroviaire, pour opposer la nationalisation démocratique à la casse de la sidérurgie, de l’automobile, de l’agro-alimentaire, pour gagner le maintien du financement solidaire de la sécurité sociale etc. en partant du vécu, salaire, chômage, pouvoir d’achat.

Tout appelle à être toujours et mieux communiste, donc à défendre et à reconstituer notre organisation de classe et de masse, loin de tout arrangement avec la démocratie bourgeoise et ses tares.

*En 2008, parmi les huit élus membres du PCF figuraient M. Pierre Mansat, élu dans le 20ème, adjoint de M. Delanoë, qui a aussitôt quitté le PCF avant d’être nommé par M.Sarkozy « président de l’atelier international du Grand Paris », M. Alain Lhostis, élu du 10ème, qui a rejoint dès le début l’équipe de campagne d’Anne Hidalgo, M. Jean Vuillermoz, adjoint de M. Delanoë, qui soutient aussi depuis le départ Mme Hidalgo. La réélection de ces trois sortants est-elle comprise dans les 13 places octroyées par le PS ?