Conseil national du PCF du 21 novembre 2012

Sur le projet de changement des statuts au 36ème congrès, intervention et analyse d’Emmanuel Dang Tran  

Je me suis toujours opposé aux statuts réécrits complètement au Congrès de Martigues. Ils ne correspondent pas un ceux d’un parti communiste. Les modifications proposées ne les améliorent pas au contraire.

Ajoutons que les statuts, actuels comme modifiés, sont presque incompréhensibles tant leurs dispositions sont tordues. S’ils devaient inspirer les rédacteurs d’un projet de constitution d’une 6ème  république, ce serait beau !

Il faudrait une refonte totale des statuts – je sais qu’elle n’est pas l’ordre du jour – en reprenant et, évidemment actualisant les statuts de 1979.

Je comprends les changements proposés comme la volonté de la direction sortante de légaliser a posteriori toutes ses atteintes à ses propres statuts ces dernières années, de serrer encore les vis pour empêcher toute remise en cause par la base.

Après la suppression des cellules comme lieu de souveraineté en 2000, c’est maintenant les sections qui sont remises en cause dans leur autonomie. Leur part dans la répartition des cotisations passeraient de 50% à 33% [sachant qu’elles sont exclues des reversements des indemnités d’élu]. La proximité n’a de sens que pour la « démocratie cause toujours » et tant que le centre décide.

Pour imposer ou soutenir des candidatures Front de gauche à différentes élections, les directions n’avaient pas hésité à faire pression sur les sections et à violer les statuts actuels. Demain, le Conseil national aura le dernier mot pour les candidatures dans les circonscriptions législatives, à la place actuellement des conseils départementaux, et aux municipales dans les communes de plus de 20.000 habitants à la place des communistes de la ville… On n’est jamais trop prudent !

Derrière les modifications du paragraphe « cotisations », il n’est pas difficile de voir une volonté des directions d’encore mieux contrôler les consultations et votes des adhérents.

Que ces votes soient liés au paiement de la cotisation et que le principe du barème de 1% soit rétabli ne posent pas de problème. Mais dans les faits, les adhérents, qui ont la chance – pour certains certes relative – de payer l’impôt sur le revenu, seront remboursés des 2/3 par l’Etat. Ils s’acquitteront donc en fin de compte d’une cotisation équivalant à 0,33%.

Pour les plus pauvres, ce sera 1%, trois fois plus.

Pour les camarades connaissant des difficultés, un régime spécial est établi – c’est la moindre des choses – mais « avec une base forfaitaire annuelle de 12 euros jusqu’à 10 euros mensuels » (sic). Décidée par qui ? Par les directions départementales, pardi. A la tête du client!

Un suffrage censitaire ou clientéliste !

Décidément allergique à la contestation, même réduite à portion congrue par les statuts actuels, la direction sortante veut verrouiller encore un peu plus la préparation du congrès.

Elle ne touche pas à la périodicité des congrès, tous les trois ans au maximum, qu’elle n’a pas respectée puisque le dernier congrès remonte à quatre ans et demi.

Elle ne touche surtout pas au mode de filtrage des délégués au congrès national par les congrès départementaux, refusant la proposition de certains camarades qu’ils soient désignés par les sections.

En revanche, elle limite considérablement les possibilités d’élection aux conseils départementaux et au conseil national via les « listes alternatives », ce qui l’obligeait à un certain respect des voix discordantes. Il faudra maintenant l’accord de 20% des délégués au congrès départemental et de 10% au congrès national, au lieu de 5%, pour présenter une liste.

La direction maintient le système bâtard des « bases communes alternatives ». Ce ne sont pas des motions de congrès ou des alternatives permettant discussions et votes clairs des communistes. Je le rappelle et le constate cette année de façon encore pire qu’aux congrès précédents.

D’un côté, il y a le texte de la direction bénéficiant d’une légitimité de fait, d’une publicité maximale par les instances du Parti et par l’Huma.

Ensuite, il y a les textes « alternatifs » tolérés, parce qu’ils cautionnent la stratégie de la direction en l’occurrence, la logique du Front de gauche. C’est le cas cette année de celui du groupuscule trotskyste, transfuge du PS, la « Riposte » ou de celui des groupes et notables « gauche communiste+ réveil communiste + Front de gauche Béziers etc. ».

Puis, il y a les thèses qu’on étouffe, relègue, stigmatise…

Ce système entérine la suppression du centralisme démocratique, mode de fonctionnement des (vrais) partis communistes. Il prend soin d’éviter la démocratie « bourgeoise » qu’appliquent les partis socio-démocrates. Il assure le centralisme hypocrite.

Dans la discussion sur les statuts, le problème majeur du fonctionnement du Parti dans la période  est totalement esquivé : celui du Front de gauche. Toutes les décisions stratégiques sont prises dans les structures informelles, occultes, du Front de gauche, sa « coordination », son « conseil national ». Les « partenaires », dont la direction du PCF, se sont réunis le 19 novembre. Ils ont décidé d’une campagne de « votations citoyennes » contre l’austérité, comme le révèle le journal Le Parisien du 22 novembre. Mais le CN du PCF du 21 n’en a même pas discuté, sinon été tenu informé…

Le Front de gauche décide, impose sa ligne réformiste. Les statuts, aggravés, du PCF étouffent la voix des communistes et enferment la dynamique communiste.

Mais quand on a tellement peur des militants, de ce que représente le PCF dans le pays, dans ces temps de vive contestation du capitalisme, ce n’est pas un signe de force !

Bertold Brecht a bien écrit : « Si le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple »…