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Face à la politique du nouveau gouvernement : rassembler sur des positions de rupture

Aujourd’hui, on se demande qui peut bien nourrir encore des illusions sur un changement de cap, même modeste, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir.

Les 20 milliards d’euros d’aides publiques nouvelles au patronat, par an, annoncés à la suite de la publication du rapport Gallois, dépassent en montant toute mesure particulière de l’équipe Sarkozy-Fillon. Pour les financer, Jean-Marc Ayrault annonce une augmentation de l’impôt le plus injuste, la TVA, exactement celui auquel Sarkozy voulait recourir. On avait bien noté aussi que le nouveau gouvernement s’est bien gardé de remettre en cause l’augmentation du taux intermédiaire de Fillon.

Seul l’emballage des mauvais coups au monde du travail a changé. A l’arrogance de son prédécesseur, François Hollande a substitué la présidence lénifiante. Le nouveau gouvernement a remplacé au volontarisme affiché de l’ancien l’amateurisme que raille la droite, déjà dangereusement remise en selle, sans parler du lit fait à son extrême.

Déjà pendant la campagne électorale, Hollande et le PS avaient fait attention de ne promettre qu’une austérité « équitable », au nom de la gravité de la « crise » et des engagements européens. Aujourd’hui, tout est mis en scène pour montrer l’impuissance à « gauche ». Le nouveau secrétaire du PS, Harlem Désir résume en conclusion de son discours d’avènement les priorités de l’engagement à gauche du gouvernement : le non-cumul des mandats électifs, le serpent de mer du droit de vote aux étrangers, le mariage pour tous. L’économie, ils n’y peuvent rien. Ayrault fait une vraie-fausse sortie sur une remise en cause des 35 heures. C’est habile. Cela permet de multiplier les déclamations sur le cœur que l’on ne touchera pas, malgré la crise, malgré la droite, à ce « marqueur » de gauche (la retraite à 60 ans, elle, est bien enterrée). Pour notre part, nous n’oublions que les soi-disant « 35 heures » de Mme Aubry, contre un avantage précaire à une partie des salariés, largement repris depuis par le patronat, a offert à ce dernier un premier « choc de compétitivité » avec la flexibilité généralisée et 22 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Aucun économiste bourgeois n’ose avancer un chiffre sur le nombre de créations d’emploi qu’elles auraient permises. Là aussi, ça en dit long sur les annonces actuelles de Ayrault.

Et puis, le gouvernement est quand même allé chercher les conseils d’un « patron de gauche », M. Gallois, celui du plan antisocial « Power 8 » à EADS en 2009, impartial comme un Mario Monti à la française.

Si, il reste une différence entre la gauche et la droite dans ce schéma de l’alternance que nous connaissons en France comme dans les autres pays. Les rôles sont répartis. Là où la droite détruit les prestations de la Sécurité sociale, la gauche sape son financement solidaire, « assouplit » les règles du marché du travail. Là où la droite s’attaque frontalement à l’éducation nationale, la gauche marchandise discrètement les transports, etc. Le tout de concert avec l’UE du capital.

Face à cette politique, il y a trois attitudes possibles « à gauche ». Les deux premières sont celles du Front de gauche. La troisième doit être celle du PCF.

La première, c’est de hurler son indignation, voire de la vociférer comme l’a fait et le refait Mélenchon après s’être mis en sourdine le temps de l’élection de Hollande et des négociations électorales avec ses anciens camarades. On canalise, à « gauche », la colère, dans le vague.

La deuxième, parfaitement compatible, c’est de prétendre « tirer à gauche » le PS avec des propositions plus réformistes que lui. Le programme du Front de gauche, « l’Humain d’abord » a cette philosophie. Demander la création de « pôles publics », aux compétences extraordinaires, permet de s’exonérer de la défense des services publics nationalisés ou municipalisés, des monopoles publics. Faire des équations incompréhensibles pour la modulation des aides publiques et des cotisations sociales patronales, selon les politiques d’emploi des entreprises, c’est rentrer, malgré soi, dans le dogme de la baisse du coût du travail. Prétendre que le Pacte budgétaire européen aurait dû être renégocié, « comme l’avait promis Hollande », c’est reconnaître sa validité, celle des traités et directives, malgré leur totale illégitimité depuis le référendum de 2005.

Le gouvernement et le rapport Gallois laissent une porte ouverte à ce réformisme en associant les syndicats à leur politique, en proposant l’entrée de représentants des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, suivant la cogestion à l’allemande.

Le troisième choix, ce doit être le choix des communistes, c’est de mettre en avant, de mobiliser et rassembler, à partir du puissant mouvement de contestation et des luttes, sur des choix de rupture.

Les millions qui ont participé à la « votation pour la Poste » en 2009, plutôt qu’être renvoyés à une perspective électoraliste, auraient dû et peuvent constituer une force pour remettre en cause la privatisation, la mise  en concurrence du courrier et l’application en France des directives européennes.

Les millions de salariés, de retraités, de jeunes qui ont manifesté pour défendre la retraite ne se sont pas heurtés à la « surdité de Sarkozy ». Ils constituaient une force, n’en déplaise aux dirigeants du Front de gauche, pour obtenir le retrait de la loi Woerth et le retour aux 37,5 annuités de cotisation. Ils constituent aujourd’hui une force, si les communistes le mettent en avant, pour refuser de façon intransigeante toute remise en cause du financement de toutes les branches de la Sécurité sociale par la cotisation sociale, pour en finir avec les allègements qui vont dans les poches des actionnaires.

Face à la casse de l’appareil industriel, un rapport de force existe pour s’emparer des pouvoirs, c’est-à-dire gagner une propriété publique, démocratique, nationaliser. Le scandale des milliards d’euros d’aide publique, l’importance de secteurs comme l’automobile, la sidérurgie, la pharmacie, l’énergie appellent des mobilisations à cette hauteur.

Et sur l’Europe, si l’on considère que le TSCG, reprise des critères de Maastricht, remet en cause de façon inacceptable la souveraineté populaire, comment ne pas poser la question de la sortie de la France de l’Euro, de la reconquête d’un pouvoir national sur une donnée économique essentielle, la monnaie, donc de l’abandon de l’euro ?

Voilà les choix de rupture dont les communistes doivent discuter et qu’ils doivent et peuvent largement partager !

Emmanuel Dang Tran

Remaniement ministériel : Robert Hue finalement recalé !

Robert Hue devra se contenter de son siège de sénateur (élu en 2011 sur la liste PS/Front de gauche), son mouvement, le MUP du siège de député du Val d’Oise que le PS vient de lui octroyer. Finalement, il ne figure pas dans la liste des nouveaux du 21 juin.

Sa nomination au gouvernement Ayrault était annoncée. Mais il semble qu’il ait souffert de la contrepartie de qualité principale pour le PS.

Avec son passé d’ancien secrétaire national du PCF, Robert Hue aurait apporté une caution « communiste » au gouvernement.  Mais son image est restée trop proche du PCF. Or la direction du Parti s’est trouvée, après son échec électoral, dans l’obligation d’adopter une posture plus à gauche dans la majorité et de décliner l’offre de rentrer au gouvernement.

L’arrivée de Hue au gouvernement aurait gêné le Front de gauche, un allié qui s’est avéré efficace pour Hollande et qui pourrait être amené à contenir à gauche les réactions que la politique d’austérité du gouvernement Ayrault ne manqueront pas d’entraîner.

Voir notre article sur R. Hue en lien.  

Le rejet de la participation du PCF au gouvernement Ayrault ne peut pas être une décision tactique

Le second tour des élections législatives a strictement confirmé les tendances du premier. L’abstention atteint un nouveau record. La droite est sanctionnée après Sarkozy. Hollande et Ayrault bénéficient d’une majorité à gauche. L’extrême-droite continue à progresser dangereusement dans son rôle de fausse opposition au système. L’essoufflement du Front de gauche ramène le PCF à 7 députés, 2 apparentés (refondateurs) et le PG à 1 député.

 

Pour le PCF, c’est la plus faible représentation à l’Assemblée depuis 1920. Le Front de gauche n’a pas pu masquer le nouveau et grave recul du vote communiste. Cette stratégie, dans la poursuite des mutation, transformation du PCF etc. depuis 15 ans, effaçant l’organisation du Parti, alignant ses positions sur celle de la « gauche » donne les mêmes résultats, élection après élection.

Aujourd’hui, 18 juin 2012, le Conseil national du PCF se réunit avec un ordre du jour lapidaire : « Après les élections législatives, le positionnement et les engagements du PCF dans la nouvelle situation politique. » Aucun document portant une réflexion préalable n’a été mis en discussion des membres du CN, encore moins des communistes.

Pourtant, c’est entre aujourd’hui 18h00 et demain 20h00 que les adhérents du Parti seront consultés sur les conditions d’une éventuelle participation au gouvernement Ayrault.

Nous sommes quelques membres du Conseil national à demander avec insistance depuis des mois (voir les comptes rendus) que ce débat essentiel soit ouvert dans le Parti. C’est une orientation politique essentielle qui ne devait pas être esquivée devant les électeurs. Rappelons que les communistes ont été privés du congrès de 2011 qui aurait dû fixer un programme politique, comprenant les conditions d’une participation à une majorité de gauche plurielle.

La direction du Parti a refusé d’ouvrir le débat, arguant qu’il fallait attendre les législatives.

Le résultat n’était pourtant guère susceptible de changer fondamentalement l’orientation de Hollande et Ayrault ! L’échec historique du PCF, en termes d’élus, sanctionne, entre autres, ce refus de se positionner.

Avant les présidentielles, Mélenchon a pu se poser par sa grandiloquence et ses surenchères en critique de son parti d’origine le PS, bien que ses propositions et le programme « partagé » soient en réalité assez compatibles avec les premières orientations de Hollande.

Le soir du 1er tour, il se rallie « sans conditions » sur Hollande, au nom du Front de gauche, mais sans attendre l’avis des communistes ou des dirigeants du PCF. Objectivement, le Front de gauche a joué un rôle de rabatteur pour le PS.

Entre les présidentielles et les législatives, les dirigeants du PCF ont salué les premières mesures du nouveau gouvernement. Ils ont tendu des perches au PS, augmentation du SMIC, projet de loi sur les licenciements « boursiers », sur ce qui  pourrait représenter une inflexion à « gauche » de la politique de Hollande et une condition d’une entrée du PCF au gouvernement, comme Hollande et Ayrault le proposent.

Il est inacceptable que les communistes, en pleine campagne électorale, aient été réduits à conjecturer, d’après des interviews dans la presse, les intentions de la direction du Parti.

Nous sommes quelques uns au CN du 11 mai 2012 à avoir dénoncé les modalités de la consultation des communistes, sa précipitation. La direction s’est laissé toute latitude pour décider seule. Le principe d’organisation d’un vote n’avait même pas été retenu au CN. Le vote, sur un texte connu au dernier moment, n’a été décidé, sous la pression de la base, qu’ensuite.

On sait que la « Conférence nationale » qui se réunira mercredi pour ratifier la décision est structurellement représentative des directions du Parti.

Pour nous, le résultat des législatives ne changent rien. Mais il affaiblit la position de ceux qui voulaient justifier une participation au gouvernement par la possibilité de « tirer à gauche » le PS au Parlement. Ce n’est plus du tout crédible maintenant. Ce n’est pas le groupe au Sénat, octroyé par le PS, qui pourra peser…

La ligne, érigée en principe dans les années 90 avec la « Mutation », que les communistes sont plus efficaces dans les institutions, a été durement contredite par les faits entre 1997 et 2002, conduisant à l’affaiblissement que l’on sait. On pourrait étudier de même les résultats des participations aux exécutifs régionaux et départementaux PS. Plutôt que de tirer à gauche, le plus souvent, on donne une caution de gauche.

Certains se souviennent de la consultation des communistes de 1997 et de comment la direction d’alors a fait passer la participation au nom d’un accord « secret » avec Jospin qui aurait prévu l’augmentation de 8% du SMIC et l’arrêt des privatisations. Un mois plus tard France Télécom était partiellement privatisé avec l’appui des ministres communistes et le SMIC n’était revalorisé que de 4%.

Les communistes n’accepteront pas la même opération en 2012.

Pour nous, la question de la participation au gouvernement ne peut pas être une question tactique. La question n’est pas non plus de savoir comment le PCF peut soutenir le mieux la majorité, avec ou sans ministres. Mélenchon, ancien ministre, a déjà annoncé que lui-même et le PG refuseraient de participer au gouvernement Ayrault. Mais c’est pour mieux le soutenir de l’extérieur sur un positionnement gauchiste.

Pour nous, il est nécessaire de caractériser la politique de Hollande et ce n’est pas difficile. Le gouvernement mène et mènera une politique d’austérité au service du capital, sous l’égide de l’UE, donnant quelques gages très légers « à gauche », avant d’engager un virage encore plus antipopulaire.

L’heure est à préparer la riposte, lancer de grande campagnes de lutte, ce qui implique évidemment de ne pas participer au gouvernement, mais aussi de ne pas se ranger dans sa majorité.

Nous invitons les communistes à exprimer cette opinion lors de la consultation des 18 et 19 juin. Chacun appréciera si la déclaration qui va être présentée au CN d’aujourd’hui permettra de l’exprimer par un vote.

Robert Hue successeur, 10 ans après, de Mélenchon au gouvernement ?

Robert Hue devrait faire son entrée au gouvernement Ayrault lors du remaniement limité qui aura lieu ces prochains jours. Ce ne serait pas une surprise. Il s’est affiché comme l’un des plus francs soutiens de François Hollande depuis des mois.

Sa nomination attendue devait attendre les législatives dont le résultat allait fixer l’étendue de la caution « communiste » du gouvernement.

Réduit à 7 députés, la direction du PCF a découvert lundi 18 juin que les conditions n’étaient pas rassemblées pour y aller. Du côté des « ex », Patrick Braouezec (de la FASE – 2 députés rescapés) et Jean-Pierre Brard, tous les deux battus dans les circonscriptions dont ils étaient sortants, ne peuvent plus prétendre à rentrer au gouvernement.

Ne reste donc que Robert Hue.

Depuis 2009, il est à la tête d’une nouvelle formation politique groupusculaire, le « MUP », Mouvement unitaire pour le progrès. Mais il continue de se prétendre communiste et doit sa notoriété à son passé de secrétaire national du PCF de 1993 à 2001 (puis président du PCF jusqu’en 2003).

Le PS aide le MUP à avoir une existence minimale en termes d’élus et de moyens. Le successeur de Robert Hue comme maire de Montigny-lès-Cormeille, Jean-Noël Carpentier, vient d’être élu député du Val d’Oise. Il était soutenu par le PS au 1er tour. Le PS avait déjà octroyé au MUP quelques places de conseillers régionaux en 2011.

En revanche, Patrice Carvalho, qui vient de retrouver un siège de député dans l’Oise l’a été sous l’étiquette Front de gauche et non MUP. Il avait adhéré au mouvement de Robert Hue en 2009 puis figuré sur la liste PS aux régionales en Picardie (ni sur la liste Front de gauche, ni sur la liste communiste conduite par Maxime Gremetz). Mais il a choisi cette année de faire campagne pour Mélenchon au 1er tour et, dans sa circonscription, le PS a fini par désigner un candidat « divers gauche » à côté de lui.

On aurait tort de penser que Robert Hue et la direction du PCF n’ont plus du tout de rapport.

Jusqu’il y a quelques semaines, il était encore président de la fondation politique du PCF, la fondation « Gabriel Péri ». En septembre 2011, il était candidat désigné par le Front de gauche et le PCF sur la liste socialiste aux sénatoriales. Sa nomination au gouvernement fera d’ailleurs perdre un siège au groupe CRC-SPG au Sénat.

 

Robert Hue, Marie-George Buffet, Pierre Laurent ont initié ensemble le processus de « mutation » du Parti à partir de 1994 qui s’est poursuivi jusqu’aux transformations actuelles, en passant par la participation au gouvernement Jospin. Après l’effondrement électoral de 2002, la personne de Robert Hue a été disqualifiée, sinon sacrifiée. Après le 1,9% de Buffet en 2007, il a pu resurgir mais plus comme avant dans le PCF.

Buffet a été ministre entre 1997 et 2002. Sans doute au poste de ministre délégué à la formation professionnelle, occupé 10 ans auparavant par Mélenchon, Robert Hue le sera à partir de 2012.

A son tour de bénéficier de la récompense de son action politique !