Questions de société

Légalisation de l’avortement. 26 novembre 1974 : intervention, au nom des députés du PCF, de Gisèle Moreau

Rappel, vivelepcf, 30 novembre 2014

On commémore largement l’adoption, il y a 40 ans, de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse.

Les positions défendues alors de longue date par le PCF sont largement ignorées quand elles ne sont pas scandaleusement déformées. La gentille actrice Emmanuelle Devos, qui vient d’incarner Simone Veil dans un téléfilm sur cet épisode, a malheureusement repris, sur France Inter, la diffamation anticommuniste selon laquelle « des communistes » se seraient opposés au projet de loi avec une « bonne partie de la droite réactionnaire ». Non ! Le groupe des députés PCF est le seul qui a voté pour à l’unanimité de ses membres. Les orateurs communistes ont développé des propositions beaucoup plus avancées sur le plan social que le contenu du projet de Mme Veil. Nous reproduisons ci-dessous et diffusons le texte de l’intervention à la séance de l’Assemblée du 26 novembre 1974 de Gisèle Moreau, alors députée PCF de Paris.

Les positions du PCF sur l’avortement n’avaient pas été rédigées de la veille mais elles résultaient d’une longue formulation faite avec les intéressé-e-s, depuis des décennies, mettant les intérêts et les libertés des femmes, notamment des femmes des classes laborieuses, au centre.

En juillet 1920, les députés Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier, qui allaient être fondateurs du PCF quelques mois plus tard, votaient contre la loi interdisant et punissant l’avortement.

Dans les années 50, sous l’impulsion notamment de Jeannette Vermeersch, les congrès du PCF actent un changement de position sur le contrôle des naissances auquel le Parti est désormais hostile. Celui-ci est considéré comme une diversion bourgeoise aux luttes des travailleuses et des travailleurs pour des conditions sociales permettant d’élever convenablement leurs enfants. Cette position n’a cependant jamais détourné le PCF de sa revendication de l’abrogation de la loi de 1920, de levée de toutes les dispositions répressives contre les femmes ayant eu recours à l’avortement. Elle est rapidement abandonnée.

Les parlementaires communistes ont déposé plusieurs propositions de loi légalisant l’avortement bien avant le projet de 1974. Gisèle Moreau le rappelle.

Son intervention dans la discussion parlementaire permet de resituer le contexte politique. Les progrès électoraux de la gauche, l’évolution de l’état de l’opinion publique poussent le pouvoir à reculer, à lâcher du lest sur une question de société comme l’avortement, même à mécontenter une partie de sa base. Mme Veil est envoyée au feu par le pouvoir. Elle essuie courageusement les attaques provenant de son propre camp. Mais l’essentiel de l’action politique qui a abouti à la libéralisation de l’avortement a été accompli ailleurs et avant, singulièrement par les militantes et militants communistes.

Pour les communistes, le droit de ne pas avoir d’enfant est indissociable du droit de la femme et du couple à en avoir et à pouvoir les élever dignement. Les revendications sociales ne se limitent pas au souci humanitaire. L’approche des communistes, partant de la situation des travailleuses, est aussi différente de celle du féminisme bourgeois et ne hiérarchise pas de la même façon les préoccupations. « La loi du profit, la domination des sociétés industrielles et financières tirent avantage de la situation d’inégalité faites aux femmes » : Gisèle Moreau rappelle notre grille d’analyse.

L’accès effectif à l’IVG (comme à la contraception) est une revendication également essentielle du PCF en 1974. La réaction recule sur le droit mais tend à faire de l’avortement une nouvelle source de profit – légal – pour des cliniques privées. « Le non-remboursement est, selon vous, madame le ministre, une mesure dissuasive. Qui dissuadera-t-elle ? » demande Gisèle Moreau à Simone Veil. Il faudra attendre pratiquement 10 ans avant d’obtenir le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale.

Sur bien des points, la position défendue par le PCF en 1974 reste tristement d’actualité tant les intérêts capitalistes et les mouvements réactionnaires se confondent pour faire pression, aujourd’hui toujours, sur le droit à l’avortement.

 

2ème séance de l’Assemblée nationale, 26 novembre 1974

Intervention de Gisèle Moreau, PCF, dans la discussion sur le projet de loi relatif à l’IVG

Mesdames, Messieurs,

La façon dont se trouve posé dans notre pays le problème de l’avortement clandestin est intolérable pour les femmes et pour l’opinion publique qui, dans sa majorité, demande des changements dans ce domaine.

C’est d’ailleurs bien ce qui a conduit le gouvernement à soumettre au Parlement le projet dont nous discutons.

Ce que veulent les femmes, c’est, à la fois, maîtriser leur fécondité et pouvoir élever les enfants qu’elles ont ou qu’elles souhaitent avoir. Il n’y a aucune contradiction dans cette double volonté, car celle-ci résulte de la prise en compte des possibilités nouvelles qu’offrent notre époque : les progrès des sciences et de la médecine permettent aujourd’hui de réaliser pleinement le premier élément de cette volonté ; l’essor de la productivité rend possible le second.

De nos jours, l’angoisse que peut faire naître une maternité non désirée comme l’angoisse d’une mère peut éprouver au sujet de l’avenir de ses enfants ne devraient plus exister. Nous en sommes loin, hélas ! Ce n’est pas le fait du progrès ou de la civilisation en eux-mêmes : c’est le fruit d’un système en crise, incapable d’assumer le développement de l’économie et de satisfaire les besoins matériels et intellectuels des individus, et singulièrement des femmes.

Le drame de l’avortement clandestin est sans doute l’un des degrés ultimes de la misère et du désespoir auxquels se trouvent réduites des centaines de milliers de femmes. Son ampleur est reconnue par tous, même si l’on peut difficilement l’évaluer ; il est permis de penser que, chaque année, le nombre des avortements clandestin est de 300 000 à 400 000 – ce sont les chiffres les plus couramment avancés ; autrement dit, chaque jour, de 1000 à 1500 femmes ont recours à cette pratique.

L’inadaptation et la nocivité des lois réprimant l’avortement ne sont plus à démontrer. L’injustice sociale est patente, car ce sont des femmes de milieux modestes qui ont recours à l’avortement clandestin, et de la dans les pires conditions. En effet, dans les milieux privilégiés, le problème ne se pose pas ainsi car il est possible d’interrompre une grossesse non désirée, et dans de bonnes conditions.

Qui a recours à l’avortement clandestin ? Principalement des jeunes femmes âgées de vingt à trente ans, déjà mères de famille ; 90 p 100 d’entre elles justifient leur acte en invoquant de graves difficultés sociales.

En examinant le projet de loi qui nous est soumis, nous devons avoir présent à l’esprit le drame que représente, chaque année, l’avortement clandestin pour des centaines de milliers de femmes.

Nous avons-nous-mêmes recueilli des témoignages ; des associations nous ont fait part de ceux qu’elles ont pu connaître : ils montrent que, lorsqu’une femme a décidé d’interrompre sa grossesse, rien ne peut l’arrêter. Le refus d’une grossesse non souhaitée se révèle aussi irrépressible que le désir de maternité. Je n’en prendrai pour preuve que l’acceptation délibérée, par la femme, des moyens atroces employés pour la faire avorter, des risques graves qu’elle encourt, qui menacent sa santé, voire sa vie.

Comment s’expriment-elles, ces femmes ? (Lire la suite…)

Suites du drame de Sivens : prévenir les provocations, d’où qu’elles viennent

Texte collectif, vivelepcf.fr, 11 novembre 2014

La mort dramatique du jeune militant Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive lancée par la gendarmerie, suscite des manifestations d’émotion. Nous les partageons.

Elle renforce le caractère national de l’affaire du barrage de Sivens, déjà totalement disproportionné au regard de la réalité du projet contesté. Rappelons que les zones qui seraient inondées ne représentent que 34 hectares, c’est-à-dire l’équivalent d’une seule petite exploitation agricole dans cette partie pauvre du Tarn. Le coût prévisionnel est 80 fois inférieur à celui du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

Les développements, récupérations et débordements politiques nationaux, parfois inquiétants, les motivations de ceux qui les provoquent, appellent de notre part, communistes une analyse et des réponses précises à tous les niveaux, très différents, de la question agricole locale aux tentatives d’embraser le pays.

1-      Au plan local, la dernière expertise ouvre enfin la voie à une révision du projet de façon à mieux concilier les intérêts et vues qui s’affrontent. La fédération du Tarn du PCF appelait depuis le départ à une étude indépendante et n’a pas soutenu l’option retenue par la majorité du Conseil général. Les évolutions récentes renforcent encore l’obligation d’un supplément de concertation, dans la transparence, dans le souci de la réponse aux besoins des populations.

Les agriculteurs du secteur, soutenus par une large majorité de la population, estiment majoritairement qu’ils ont besoin, pour survivre devant un marché de plus en plus dur, pour maintenir une vie dans les villages, de développer leur production grâce à une meilleure irrigation. Quelques autres ne le pensent pas. Quelques propriétaires s’estiment lésés par le projet. Des écologistes, en général venus d’ailleurs, contestent l’efficacité du barrage prévu et jugent prioritaire la défense du milieu naturel existant.

Il s’agit maintenant de faire en sorte que la révision du projet optimise l’irrigation, en préservant au mieux certaines spécificités du milieu naturel existant, dans la perspective de créer un nouveau milieu écologique harmonieux.

2-      L’occupation de la zone de Sivens a été érigée par certains groupes politiques et lobbys comme le symbole de la lutte contre une agriculture productiviste destructrice. Le symbole est mal choisi. Cette lutte est déplacée ici. Quelques agriculteurs seulement pratiquent des cultures intensives et encore sur de petites surfaces. Non, ce n’est pas la « ferme des mille vaches », ce n’est pas l’Amérique !

Communistes, nous ne nous opposons pas à toute forme d’agriculture intensive, à l’utilisation des progrès agronomiques. Nous sommes opposés aux théories de la « décroissance », du retour réactionnaire à la « terre qui ne ment pas ».

Nous militons en France pour une agriculture raisonnée, basée sur des exploitations familiales et coopératives, visant à répondre aux besoins nationaux, aux besoins de pays moins favorisés par la nature, avec des modes de production respectueux de cette nature, soucieux de la qualité de l’alimentation humaine. A ce titre, nous nous désolons de l’extension de la jachère sur des centaines de milliers d’hectares. Dans le même temps, nous nous battons pour que les paysans puissent vivre de leur travail et vendre leurs productions à des prix rémunérateurs.

Notre bataille pour une agriculture raisonnée, pour la préservation de l’environnement, est indissociable de notre lutte contre le capitalisme, l’agro-business et leurs relais.

Animés de ces préoccupations, nous ne pouvons que rejeter les gesticulations, lourdes de conséquences, des politiciens de l’écologie. Ils soutiennent, comme Bové au Parlement européen, fanatiquement l’UE du capital mais espèrent engranger un peu de la colère que ses dégâts suscitent. La dernière en date : Les députés EELV viennent de voter comme un seul homme le principe de la privatisation des barrages dans le projet de loi en cours d’examen dit de « transition énergétique »…

Pour nombre de politiciens opportunistes, « l’écologie », érigée en question indépendante du système, est devenue le tremplin de leurs ambitions. Mélenchon s’est précipité dans le Tarn. Ségolène Royal, ministre, distille ses positions critiques, espérant tirer son épingle du jeu. A droite, Borloo, maintenant reconverti, était sur le même terrain. Dans le Tarn comme ailleurs, les lobbys du « capitalisme vert » sont impliqués.

Aux militants écologistes sincères présents dans le Tarn, nous proposons de combattre ensemble la politique de l’Union européenne, de la concurrence « libre et non faussée » mondiale, de ceux qui spéculent sur la nourriture, et des politiciens qui les relaient en France en écrasant les paysans.

Aux agitateurs mouvementistes, même ceux qui se disent « d’extrême-gauche », aux touristes politiques en mal de ruralité, nous n’avons rien à dire.

Aux politiciens qui exploitent le filon de l’écologie, nous disons à propos du barrage de Sivens : « un peu de retenue maintenant ! ».

3-      Nous prenons extrêmement garde aux dangereuses instrumentalisations de la mort de Rémi Fraisse. Nous exigeons toute la lumière sur les circonstances de son décès.

Elle est assez dramatique en elle-même, elle pose suffisamment de questions pour ne pas être amalgamée, sans réflexion, à d’autres événements historiques.

A nos camarades et amis qui sont tentés de faire le rapprochement avec, par exemple, le tabassage à mort en 1987 de Malik Oussékine par les sinistres « voltigeurs motocyclistes » de la police, ou les crimes racistes de la police américaine, nous disons que le cas de Sivens ne peut pas et ne doit pas y être assimilé.

Rien ne permet davantage de mettre en parallèle la mort de Rémi Fraisse, comme on peut le lire ici ou là, avec les crimes d’Etat du 17 octobre 1961 ou du 8 février 1962 à Charonne, perpétrés par la police gaulliste pour limiter dans la classe ouvrière française l’impact émancipateur de la défaite devenue inéluctable du colonialisme en Algérie.

Nous alertons sur le danger qu’il y a à dévaloriser ainsi le poids de la commémoration de ces événements historiques.

Oui, il faut rechercher pourquoi Rémi Fraisse a été tué par une grenade lancée par les forces publiques, les causes immédiates comme les causes profondes!

Pour l’instant, on sait qu’il s’est retrouvé au milieu d’un affrontement dur entre gendarmes d’un côté et de l’autre des groupes masqués ultraviolents qui ont investi depuis plusieurs semaines la zone du barrage.

Pourquoi les autorités ont-elles laissé les gendarmes s’affronter à cette heure tardive avec eux alors qu’ils n’avaient – semble-t-il – plus rien à protéger ? En aucun cas la situation ne nécessitait d’utiliser des grenades offensives ou des flash-ball. Il existe des moyens mois dangereux de maîtriser une manifestation qui dégénère.

Mais, par ailleurs, qui anime les groupes d’extrémistes (que nous ne qualifions pas « d’extrême-gauche »,) parfois appelés « Black blocks », qui ont déjà fait dégénérer des manifestations et saccagé des villes comme Strasbourg, Poitiers ou Nantes ? Dans le Tarn – tous les militants sincères de part et d’autre dénoncent leurs agissements: certains éléments sont allés menacer physiquement les agriculteurs partisans du projet. Qui sont leurs commanditaires ?

On ne connaît que trop la capacité du régime à entretenir des provocateurs professionnels et à les faire intervenir notamment dans les mouvements de jeunesse, en complément de la violence policière.

Oui, ces questions nécessitent une réponse.

4-      Dans l’immédiat, analysons à qui profitent la poussée de violence, les actes nihilistes, stupides ou dangereux, spontanés ou calculés, provoqués depuis la mort de Rémi Fraisse dans plusieurs villes, à qui profiterait un plus large embrasement national.

Certains misent sur l’émotion, sur le rejet de l’oppression policière vécue, pour déclencher un mouvement de protestation local et même national, notamment dans la jeunesse, révoltée par la mal-vie et l’absence de perspectives sociales. Au-delà, suivant l’exemple des groupes violents de la zone de Sivens, certains tentent d’entraîner à des violences urbaines comme déjà dans les villes du Tarn mais aussi à Nantes, Rennes ou Saint-Denis, dans le souvenir de l’embrasement des banlieues en 2005.

Ces mouvements, sans organisation, ne portent pas de revendications concrètes, pas même celle de la défense des zones humides de la vallée du Testet, si éloignée des réalités des manifestants, et surtout pas de revendications sociales et politiques. Ils laissent toute la place aux provocateurs de toute espèce. Rapidement, le mode d’action est la violence – contre la violence policière – et elle tient lieu de cause au mouvement.

On ne voit que trop évidemment qui tire le profit politique principal de tels événements, à commencer déjà dans le Tarn. Ils jettent les populations, les travailleurs dans les bras du parti de l’ordre, des partis politiques, y compris les plus dangereux, qui s’en réclament, des tenants du système. En contrepoint des politiciens écologistes, Valls adopte la posture de la fermeté. Le FN est aux aguets.

Communistes, il n’y a pas lieu pour nous d’exagérer les risques d’embrasement. Mais il y a lieu de travailler à éviter les diversions, y compris les pires, auxquelles le système sait si bien recourir. La violence policière, les provocateurs sont des outils à la disposition du système mais c’est le système lui-même que nous combattons.

Promouvons les luttes sociales et politiques ! Lors de la grève des cheminots en juin, Valls était à deux doigts de lancer les CRS et la police.

Dans l’affaire du barrage de Sivens, contribuons à éteindre les braises, à trouver les solutions politiques  locales les plus équilibrées. Prévenons toutes les provocations, d’où qu’elles viennent !      

« Simplifier » la médecine du travail : jusqu’à finir de s’en débarrasser ?

« Simplifier » la médecine du travail : jusqu’à finir de s’en débarrasser ?

PCF Paris 15, 30 octobre 2014 – Lien vers le dossier PCF Paris 15: « médecine du travail, santé au travail »

Après son ministre Thierry Mandon, le Président Hollande a annoncé le 30 octobre une deuxième série de 50 « simplifications » administratives.

Les sujets sont multiples. Les mesures en elles-mêmes restent floues comme leur mode d’adoption : loi, décret, ordonnance ? Mais le président du Medef, Pierre Gattaz, manifeste déjà bruyamment sa joie. On le comprend.

Les gouvernements de droite et de « gauche » se suivent et se répartissent les rôles pour abattre minutieusement les acquis sociaux des travailleurs. Par exemple de la médecine du travail. Le gouvernement annonce – parmi ses « simplifications » – encore un nouveau relâchement des obligations en la matière. La visite médicale périodique pourrait ne plus être effectuée par un médecin spécialiste en médecine du travail, mais éventuellement par le médecin traitant ou un « collaborateur » du médecin du travail.

On se souvient comment, dans un contexte entretenu par les pouvoirs successifs de sous-effectif criant, la visite annuelle a été abandonnée dans la plupart des cas. En 2011, sans réussir, malgré bien des efforts, à associer les syndicats de collaboration au projet du Medef, le gouvernement Fillon parvenait à imposer sa loi et la constitution des Services de santé au travail, mettant notamment à la disposition d’organismes contrôlés par le patronat des personnels aux formations inadéquats et dénués de protection juridique.

Le pouvoir Hollande/Valls va plus loin. Un décret dans le sens de sa soi-disant « simplification » a été promulgué en juillet permettant aux collaborateurs médecins des médecins du travail d’effectuer en leur place une partie de leur travail spécifique.

Nos amis du « Groupement Sauvons la médecine du travail » en expliquent les lourdes conséquences dans le communiqué de presse que nous reproduisons ci-dessous. Tous les salariés sont menacés. Les militants syndicaux, notamment, doivent plus que jamais s’emparer de cette question.

Communiqué n° 32 (Groupement Sauvons la médecine du travail)
Un précédent fâcheux

Malgré le rappel du conseil d’Etat du 14 mai dernier à l’article L4623-1 du code du travail, qui exige la qualification en médecine du travail pour exercer ces fonctions1, le premier ministre, par décret du 11/7/2014 (JO du 13), promulgue les dispositions annoncées le 2 juin 2014 par Yves STRUILLOU, directeur général du travail, dans une note intitulée « conditions d’exercice des collaborateurs médecins au sein des services de santé au travail »2.

Il s’agit de permettre aux collaborateurs médecins, le plus souvent des généralistes, d’effectuer les actes médicaux et médico-légaux réservés aux médecins du travail dans l’exercice de leur spécialité. C’est-à-dire de permettre à des médecins non formés, non qualifiés, de prononcer des avis d’aptitude et d’inaptitude au poste de travail.

La question concerne tous les salariés, car de ces avis dépendent le maintien du travail ou de l’emploi et les éventuels aménagements des conditions de travail. Ces avis engagent la responsabilité du médecin du travail et celle de l’employeur, qui doit les prendre en compte. Ils peuvent être contestés par l’employeur comme par le salarié auprès de l’inspection du travail, avec des conséquences légales et réglementaires.

L’existence des collaborateurs médecins en santé au travail date de la loi du 20 juillet 2011, qui a créé ce « statut ». Selon ses promoteurs, qui ne sont pas à un mensonge près, « le collaborateur médecin [serait] une « passerelle vers la médecine du travail à améliorer » [...] « dans un contexte de démographie médicale défavorable à la spécialité ». En fait, l’âge moyen des collaborateurs médecins ne rajeunit pas la profession, et la passerelle existe depuis fort longtemps3. Elle permet déjà aux médecins généralistes ayant plus de 5 années de pratique de rejoindre la formation du DES de médecine du travail avec un cursus de 2 ans.

Dans l’état actuel du droit, l’article L. 4623-1 du code du travail réserve l’exerce des missions du médecin du travail aux médecins qualifiés dans cette spécialité. Le collaborateur médecin exerce 5 années avant d’être éventuellement qualifié. Jusqu’au 13/7/2014, il ne pouvait qu’assister le médecin du travail dans certaines de ses tâches dans le cadre de protocoles écrits. Les textes lui permettaient cependant de remplacer un médecin du travail en arrêt de travail « lorsque la durée de l’absence est inférieure à trois mois » (Art. R. 4623-15) ou « dans l’attente de la prise de fonction d’un médecin du travail » (Art. R. 4623-28). Mais il ne pouvait « exercer pleinement les missions de médecin du travail » qu’au titre d‘un remplacement. Par lui-même, il « ne peut pas prendre de décisions médicales, assignées par le code du travail aux médecins du travail, qui sont susceptibles de faire l’objet de contestation »4.  En effet5, le collaborateur médecin « ne dispose ni de la protection contre la rupture de son contrat de travail, ni du libre accès aux lieux de travail, dispositions réservées au médecin du travail »6 qualifié.

L’article 2 du décret du 11 juillet 2014 modifie les articles R 4623-1 et 2 du code du travail en précisant que « le collaborateur médecin remplit les fonctions que lui confie le médecin du travail qui l’encadre dans le cadre de protocoles écrits […] ce protocole définit les examens […] auxquels le collaborateur médecin peut procéder […] dans ce cas les avis prévus à l’article R. 4624-34 [avis d’aptitude et d’inaptitude] sont pris par le médecin du travail sur le rapport du collaborateur médecin ».

Ce texte viole l’article L. 4623-1 du code du travail et les principes réglant l’exercice d’une spécialité médicale, qui veulent que pour l’exercer légalement, il faut en avoir la compétence reconnue par sa qualification. Il contrevient également à un principe fondamental de tout exercice médical, qui exige du professionnel qu’il l’exerce personnellement. Ainsi, nul médecin ne peut signer un avis médical sur le rapport d’un confrère.

Mais quels sont donc les attraits du collaborateur médecin pour que trois ministres se moquent à ce point des fondements de la déontologie médicale ?

A la différence du médecin qualifié par le DES de médecine du travail, dont l’accès se fait par concours ouvert sur titres universitaires, celui du collaborateur médecin dépend de son embauche par un Service Interentreprises de Santé au Travail (SIST), qui le choisit et finance sa formation. La formation du DES comprend au moins quatre stages pratiques de 6 mois à plein temps dans des services indépendants des SIST, celle des collaborateurs un seul stage de 3 mois dans un de ces services. Le reste des 5 années s’effectue dans le SIST. Elle dépend d’un maître de stage désigné par le SIST (médecin du travail sans la formation ni les moyens nécessaires). La qualification de spécialiste est « de droit » pour les DES ; pour les collaborateurs médecins, elle dépend de la décision de la commission de qualification de l’ordre des médecins, sur dossier personnel.

Le médecin du travail qualifié dispose d’une protection contre les pressions, le licenciement et les mutations arbitraires. Le collaborateur médecin n’a pour toute protection que la rédaction de l’article R. 4623-25-2 : « il ne peut subir de discrimination en raison de l’exercice de ses missions »

En autorisant le collaborateur médecin à exercer par délégation les prérogatives du médecin du travail dûment formé et qualifié dans sa spécialité, le ministère du travail fait trois erreurs graves :

  • il confie des responsabilités de spécialiste à des médecins non qualifiés dans cette discipline, ce qui viole les principes de la spécialisation en médecine ;
  • il charge de tâches médico-légales des médecins dépourvus des garanties d’indépendance et des moyens nécessaires, ce qui méprise l’obligation déontologique de moyens ;
  • il fait émettre des avis médicaux par le médecin du travail sur rapport du collaborateur médecin agissant par délégation, ce qui contrevient au principe de l’exercice personnel, fondement de toute pratique médicale (article 69 du code de déontologie médicale.)

Si le gouvernement persiste dans cette direction, il faudra qu’il revienne à une rédaction républicaine de l’article R. 4623-2 du code du travail définissant les diplômes requis pour exercer la spécialité, indépendamment du contrat de travail. Il faudra également modifier les textes pour conférer aux collaborateurs médecins les mêmes droits d’indépendance et de moyens d’investigation que ceux du médecin du travail. Il faudra qu’il explique aux autres médecins pourquoi ce type de contournement de la spécialisation médicale ne peut toucher que la médecine du travail.

Le 15 septembre 2014


  1. A l’occasion d’un projet de décret modifiant les articles R 4623-25-1 et R. 4623-25-2 du code du travail présenté par le ministère
  2. Note du 2 juin 2014 de Yves STRUILLOU, directeur général du travail
  3. Filière dite du Concours « européen »
  4. Circulaire du 9 novembre 2012
  5. Communiqué SLMT n° 30 du 10 novembre 2013
  6. Circulaire du 9 novembre 2012

NON à l’extension du travail du dimanche – pétition

FETE DE L’HUMA 2014 – en PDF

PETITION (à MM. Hollande, Valls et Fabius en qualité de président de la République, de Premier ministre et de ministre responsable du toursime):NON à l’extension du travail du dimanche !

La droite en rêvait mais n’avait pas osé. Le gouvernement de MM. Hollande, Valls et Fabius se préparent à généraliser le travail du dimanche, du moins à l’étendre.

Ce gouvernement est en train d’opérer le plus grand transfert – 41 milliards d’euros par an – des dépenses publiques et sociales vers le profit capitaliste avec les mesures de son « pacte de responsabilité ». Malgré l’impopularité et les sanctions électorales successives, il poursuit sa mission de casse sociale commanditée par le patronat. Le pouvoir profite de l’impasse politique institutionnelle, bien organisée, qui ne laisse comme perspective qu’une alternance droite/ « gauche » basée sur une politique économique et sociale identique coordonnée par l’Union européenne.  L’extrême-droite vient jouer son rôle de diversion et de repoussoir. Le PS dégage médiatiquement une partie de ses apparatchiks pour tenir une posture plus « à gauche ».

Le gouvernement charge la barque en s’efforçant d’éviter toute convergence des colères et des luttes. Les mauvais coups succèdent aux mauvais coups sur les travailleurs et l’ensemble de la population.

Pourtant les luttes se développent. Après la tromperie et les illusions propagées sur l’alternative électorale de 2012, la réplique dans la perspective de 2017 ne prend pas. C’est maintenant et dans les luttes que le changement, la résistance au quotidien pour nos droits, pour défendre nos conditions de vie se joue.

Tout est lié. Chaque lutte est décisive, contre la casse de la SNCF, l’augmentation des tarifs de l’électricité, la fermeture des hôpitaux, les délocalisations des usines, la suppression des départements etc.

L’extension du travail du dimanche fait partie de ce sombre volant de mesures.

Le repos dominical est une tradition culturelle et historique. Il représente, pour l’ensemble de la vie sociale, pour les familles, pour la culture un moment structurant, irremplaçable. Le travail du dimanche ne peut être qu’une exception, liée à la continuité des services d’urgence, de cette vie sociale (hôpitaux, transports etc.). Il doit être dûment compensé.

Nous savons bien ce que cherche le patronat quand il revendique la banalisation du travail du dimanche. Cela n’a rien à voir avec la « croissance ». Qui peut imaginer qu’avec les mêmes salaires et pensions, nous allions dépenser plus parce que les grands magasins seraient ouverts le dimanche ? Dans le même temps, le gouvernement ferme les bureaux de poste, les perceptions, les agences de la Sécurité sociale, ouvertes en semaine…

Non, le patronat veut continuer à démolir le code du travail, bénéficier d’une main d’œuvre corvéable tous les jours et la nuit en la payant le moins possible. Il veut étendre en même temps la précarité, les contrats anormaux etc. La concurrence exacerbée, notamment dans le commerce, se ferait au détriment des plus petits, des marchés locaux, des épiceries etc.

Pour des millions de travailleurs, l’extension du travail du dimanche peut avoir des conséquences immédiates graves sur la famille, le rythme de vie. Pour les salariés les plus précaires, les étudiants obligés de travailler pour financer leurs études, le travail du dimanche est une fausse solution. Les quelques avantages qui subsistent en faveur des travailleurs du dimanche sont condamnés par cette banalisation.

Salariés, retraités, jeunes, nous sommes totalement opposés à l’extension du travail du dimanche. Nous n’acceptons l’hypocrisie à la « compétivité «  ou à « l’emploi » de nulle part.

 - Nous demandons par cette pétition au président et au gouvernement de renoncer à toute extension du travail du dimanche dans son projet de loi relatif – soi-disant – « à la croissance et au pouvoir d’achat ».

- Nous demandons, à l’opposé, un encadrement beaucoup plus restrictif du travail du dimanche, basé sur l’utilité sociale et accompagné de compensations légitimes.