PCF – Vie du Parti – CN
CN du PCF des 24&25/09/2016. Analyse d’Emmanuel Dang Tran. Choisir de temporiser, de rester dans l’impasse politique, de tenir les communistes à l’écart: pourquoi?
Conseil national du PCF des 24 et 25 septembre 2016. Compte-rendu et analyse d’Emmanuel Dang Tran, fédération de Paris.
Le CN des 24 et 25 septembre 2016 était principalement consacré à la stratégie pour les élections de 2017. Je suis intervenu le 24, mon intervention valant explication de vote contre le « relevé de décisions » (de non-décisions) final. J’ai été, à ma surprise, le seul à voter contre (72 pour, 7 abstentions) malgré la méthode antidémocratique et l’impasse politique que traduit ce texte. A noter que mon camarade Cyril Morlot, qui siégeait à mes côtés, aurait voté contre mais, invité en tant que secrétaire de la fédération de la Haute-Saône, il ne pouvait pas prendre part au vote. Au dernier congrès, en mépris du respect proclamé de la « diversité », la direction a éliminé du CN tous les autres militants et responsables d’organisations du Parti qui ont défendu la motion « Reconstruisons le Parti de classe ! Priorité au rassemblement dans les luttes ».
Comme ces camarades, je ne me sens absolument pas tenu de participer à une unité de façade derrière les choix de Pierre Laurent, d’autant moins, sur le sujet, après sa décision unilatérale de janvier dernier d’inscrire le Parti dans la logique des « primaires ». Comme mes camarades, je ne conçois pas non plus la prudence et l’attentisme de certains, soucieux de préserver des positions électives octroyées par le PS.
Ceci étant rappelé, j’en viens au CN lui-même. La session des 24 et 25 septembre a été particulièrement navrante tant la décision imposée était justement de ne pas prendre de décisions, de les retarder au maximum. Le choix, puisqu’on est dans l’impasse, c’est de rester dans l’impasse. Le processus statutaire de consultation des communistes n’est pas enclenché d’ici la convention nationale du 5 novembre. Il y a de forts risques que celle-ci ne décide de rien non plus. Les communistes sont seulement autorisés à discuter dans le vide. Les pénibles séances de fin 2006, lorsque la direction d’alors négociait la candidature des « collectifs antilibéraux », en tenant les adhérents du Parti à l’écart, reviennent en mémoire. En pire !
Cette méthode ne tient pas de la maladresse. Non, elle est le reflet d’une ligne politique impossible à assumer, tant elle est suicidaire et contraire à la raison d’être de notre parti, aux attentes de l’avant-garde des travailleurs en lutte. Ce que le congrès précipité, bâclé – avec un texte de la direction délibérément nul et illisible -, avec une stratégie réelle définie a posteriori hors des débats de congrès, a tenté de masquer, apparaît au grand jour. La seule perspective offerte par la ligne de Pierre Laurent, c’est de mettre, contre une certaine rétribution, la marque historique PCF au service d’une recomposition de la gauche réformiste, susceptible de recréer des illusions et de canaliser la protestation populaire avant ou, plus probablement, après l’alternance de 2017. L’attention appuyée de la direction nationale à l’égard de « personnalités », mouillées jusqu’au cou dans le social-libéralisme et l’opportunisme, tour à tour Duflot, Montebourg ou Taubira constraste avec le mépris à l’endroit des communistes.
Le mot « rassemblement » a été omniprésent dans les interventions et l’est dans le « relevé de décision ». Mais rassemblement de qui ? De ces personnalités, de leurs partis bidon, sans réalité sociale, d’une large frange du PS, voire de tout le PS sauf Hollande, Valls et Macron ! L’Huma est même prête à faire passer Hidalgo, championne de la spéculation immobilière à Paris, pour une tenante de l’aile gauche ! L’inquiétude légitime devant la poussée de l’extrême-droite et de la droite est dramatisée et instrumentalisée pour justifier cette imposture, cette logique mortifère du moindre mal. Les luttes, notamment la mobilisation contre la loi El-Khomri, sont réduites à des illustrations, à un mythe fondateur de ce pauvre « rassemblement ». Tout au contraire, conscients de l’opération politicienne, nous devrions y voir une base et agir pour une montée générale des luttes sur une perspective de rupture, objectivement non électorale pour l’instant…
Mais comme d’habitude, de l’action du Parti dans les luttes, et dans leur avant-garde, il n‘a point été question au CN. La seule initiative avancée – la plupart des membres du CN reconnaissant le peu d’enthousiasme des camarades – est le questionnaire démagogique « Que demande le peuple », digne de ce que les sociétés de marketing appellent un (mauvais) « sondage charriot ».
La perspective d’insertion – jusqu’à effacement total – du PCF dans cette recomposition politicienne est aussi indéfendable, dans le Parti et publiquement – que le fond réformiste qui va avec. La référence de Pierre Laurent, c’est le Parti de la gauche européenne, la politique de Tsipras, son asservissement à l’UE, son hyper-austérité ! Les électeurs « de gauche » sont pourtant bien refroidis maintenant. Que le « Brexit », vote de classe, ne trouve pas suffisamment de relais politiques en Grande-Bretagne est une chose à constater et analyser. Mais la direction du PCF et le PGE choisissent de désavouer le vote des Britanniques (au passage contredisant nos camarades anglais, gallois et irlandais). Chez les travailleurs en France, même dans le « peuple de gauche », il ne se trouve pas grand monde pour croire que quelques économistes sauront subvertir, de l’intérieur, les orientations de la Banque centrale européenne pour réorienter vers le bonheur cette construction capitaliste antipopulaire !
Tout ce contexte, ces non-dits, expliquent l’indécision choisie des groupes dirigeants du Parti et les « hypothèses » soumises par le « relevé de décision » à des débats à la cantonade d’ici le 5 novembre. Comme un camarade de bon sens l’a dit au CN : il serait plus correct d’indiquer aux communistes une date où ils pourraient réellement se prononcer en connaissance de cause, même si c’est après la primaire du PS (et de la gauche) en janvier.
D’ici là, les dirigeants du PCF sont dans la spéculation. Est-ce que ce sera Hollande ? Et dans ce cas-là, il y a de la place pour un ou plusieurs candidats de la « gauche de la gauche ». Si c’est Montebourg ou Hamon, on pourra plus facilement s’effacer et négocier pour les législatives. La cote de Mélenchon, le lièvre de la fable, peut varier considérablement selon ces scénarios et il peut devenir autant un tremplin qu’un boulet électoral… Tout cela pour ceux qui aiment la politique façon sciences-po !
Enfermées dans ces considérations, dans cette conception fausse et politicienne du rassemblement, les trois options proposées par le « relevé de décisions », exclusives ou complémentaires, sont mauvaises.
Le choix de se ranger derrière Mélenchon était inacceptable pour moi avant 2012. Il l’est toujours. Je me suis amusé d’entendre des camarades du CN s’offusquer de son populisme, de son bonapartisme, de sa démagogie. Mélenchon n’a pas changé. Les mêmes me sifflaient lorsque je citai, avant 2012, dès 2008, tous les exploits de ce politicien mitterrandien.
Aux camarades qui sincèrement, sans ignorer ce qu’ils appellent pudiquement « les défauts » du personnage, considèrent qu’il est le seul à pouvoir faire gagner une option de « gauche » aux élections, je réponds qu’ils se font des illusions, qu’ils tombent dans le piège de la présidentialisation que le Parti n’a cessé de dénoncer, qu’ils ne prennent pas en compte les dangers profonds du discours de Mélenchon. Son populisme inachevé risque – et la démonstration a été faite dans le Pas-de-Calais déjà – de servir de marchepied au FN. Puisqu’il est beaucoup question en ce moment du sulfureux conseiller fasciste de Sarkozy, Patrick Buisson, il n’est pas inutile de rappeler que Mélenchon et lui entretiennent une vieille amitié politique.
Devant l’insatisfaction des communistes, leur frustration devant cette ligne d’impuissance, certains proposent – c’est une des options mises en débat – une vraie-fausse candidature, un leurre pour tenter d’exister dans le débat médiatique (avec un « appel à candidatures » dans le « relevé de décisions » borné par l’acceptation de la stratégie de « rassemblement » politicien). Puis, cette candidature, on la retirerait en janvier ! Ceux qui prônent ainsi une déclaration de candidature de Pierre Laurent dès maintenant ne lui font pas un cadeau. Il serait littéralement massacré dans les sondages ! Et le Parti avec ! Un candidat communiste sur la ligne de Tsipras, sur une ligne pro-UE, un candidat qui ne cesse de rechercher le rassemblement le plus large « à gauche » et donc de se dévaloriser lui-même !
Si jamais le PS et le système décidaient de maintenir Hollande candidat, pour mieux recomposer la gauche après son échec électoral cinglant, et que Pierre Laurent présente effectivement sa candidature, le pire est à redouter. Souvenons-nous de ce que représentait le PCF début 2002 et de ce qu’il a représenté ensuite, après la bérézina de Hue aux présidentielles (3,37%).
Pour certains, dans un premier temps, la candidature-leurre pourrait être portée par une personnalité plus consensuelle, plus pateline, celle d’André Chassaigne. Mais l’expérience a été faite depuis 2011 de ses conceptions. En 2011, il se présentait pour donner le change et cautionner Mélenchon. Depuis, comme avant, il est, dans le « Front de gauche » et à l’Assemblée, l’un des plus chaleureux partisans du rassemblement de toute la gauche, avec presque tout le PS. Les cheminots n’auront pas oublié que cela l’a amené à ne pas s’opposer en commission parlementaire aux pires articles de la « réforme » ferroviaire en 2014, dont la dissolution de la SNCF.
Reste la 3ème hypothèse proposée : celle d’attendre pour mieux attendre, y compris le 5 novembre. C’est celle qui traduit le plus sincèrement l’état d’esprit du CN. Peut-être même que, dans l’intérêt du parti, vu l’état de la direction, si l’on attendait mai 2017, ce ne serait pas plus mal. Une membre du CN a d’ailleurs fait remarquer, à juste titre, que pour les législatives, ramené localement, on n’a pas trop de mal à imaginer des accords à gauche…
Mais, par rapport à ce que représente et doit encore représenter notre Parti, par rapport aux attentes des communistes, ce choix de résignation est tout aussi inacceptable. Et je ne l’accepte pas.
Dans cette situation difficile et navrante, que bien des camarades, nous ne découvrons pas, il me semble que le plus important reste, plus que jamais, de faire s’élever la lucidité, de se débarrasser des illusions et d’aller à l’essentiel : sauver notre parti de ces stratégies suicidaires, en le faisant vivre, dans le plus d’entreprises, de villes et de campagnes, sur des bases de classe. Autant que possible, aussi, dans les campagnes électorales dans un maximum de circonscriptions aux législatives.
Ne laissons pas réduire à prétextes électoraux décoratifs les mobilisations contre la loi El-Khomri, contre la répression antisyndicale, contre l’état d’urgence (approuvé par Chassaigne et Laurent !), contre la guerre impérialiste, contre la casse des services publics et de la Sécurité sociale ! Développons les arguments, les campagnes, les luttes, les perspectives de rupture contre cette politique, contre la politique du capital, mise en œuvre par une démocratie bourgeoise aux abois, prête à recourir au fascisme et coordonnées par l’UE et le capitalisme international.
C’est l’option que nous allons faire entendre le plus fortement possible, en faisant jouer tout ce qu’il peut y avoir encore de démocratique dans les statuts actuels du PCF, et l’engagement sincère de milliers de communistes.
Emmanuel Dang Tran, 29 septembre 2016
CN du PCF du 15 avril 2016 (Primaires/congrès) – Intervention d’Emmanuel DANG TRAN
Conseil national du PCF, 15 avril 2016, intervention d’Emmanuel DANG TRAN, fédération de Paris
J’ai lu attentivement la résolution de 4 pages qui nous a été envoyée hier soir. Le congrès n’a pas encore commencé que ses conclusions sont déjà écrites ! Il aurait été plus correct que ce dernier texte constitue le projet de « base commune de discussion » proposé par le Conseil national à la discussion des communistes plutôt que le long texte verbeux adopté en mars pour diluer le débat.
Plus de 1000 communistes ont utilisé l’appel dont je suis l’un des initiateurs : « Pour la sortie immédiate du PCF du processus des primaires, pour que cette démarche politicienne ne phagocyte pas le congrès ». Nos trois sujets d’inquiétude se trouvent malheureusement pleinement confirmés.
D’abord, avec les primaires, vous entraînez le Parti dans un cycle de combinaisons et de marchandages politiciens qui sont exactement la « façon de faire de la politique » que les travailleurs, la population qui a le plus intérêt au changement, et parmi eux le grand nombre des communistes, rejettent le plus et à raison. Peu importe que le mot « primaires », la référence au modèle (anti)démocratique américain, soit affublé de l’épithète « citoyennes » ou rebaptisé « votation citoyenne » ou encore « processus collectif réellement citoyen, loyal et transparent ». Cette dernière expression indique a contrario exactement ce que sera le processus : un sac d’intrigues politiciennes entre noms de personnalités ! [Elle a finalement été ôté du texte final…].
Les communistes ont apprécié les épuisantes et stériles expériences précédentes dont les « collectifs antilibéraux » de 2006/7. Cela s’annonce bien pire pour 2017 puisqu’avec les primaires, on va jusqu’à Cohn-Bendit !
Le lobbying pour le renouvellement de l’expérience Mélenchon, face à une candidature non annoncée d’un Monsieur X ou Madame Y, issue du PCF relève exactement de la même logique délétère que le processus « primaires » proprement dit.
Deuxième motif de rejet total des primaires : elles accentuent la focalisation sur les présidentielles et la personnification de la politique que nous déclarons tous combattre. Une illusion tous les cinq ans pour mieux retomber dans le désarroi et la résignation ensuite ! Il n’est pas question pour moi de dire que nous devrions nous désintéresser des présidentielles mais elles ne doivent pas être structurantes de nos choix politiques. A nouveau, vous prenez les choses à l’envers. Notre action dans la lutte des classes devrait conditionner notre approche des présidentielles, en temps voulu, c’est-à-dire dans six mois, et indépendamment des grenouillages politiciens exposés complaisamment par l’idéologie dominantes. Je constate le contraire, la recherche obsessionnelle d’une place dans ce système politicien. Tout doit être fait par les communiste pour ne pas laisser cette démarche être sinon fatale, du moins très lourde, pour le Parti.
L’alignement sur Mélenchon en 2012 a considérablement affaibli le PCF. Du haut de ses 3,9 millions de voix, Mélenchon a su joué son rôle, dès le soir du 1er tour de meilleur rabatteur pour Hollande…
La fièvre qui traverse la direction du Parti, comme maintenant tous les cinq ans, avant les élections présidentielles, les illusions de camarades, impatients, devant l’importante mise en scène de cette échéance institutionnelle, me rappellent une citation, non de La Fontaine mais de Goscinny dans « Astérix. Le Devin ». A peine délivrés du charlatan, les Gaulois du Village se montrent prêts à se laisser tromper de nouveau faisant dire au druide Panoramix à Astérix « Incorrigibles, ils sont incorrigibles !».
Troisième grief contre les primaires : elles préparent et structurent une recomposition politique pour après 2017 avec la constitution d’une social-démocratie de substitution, avec effacement du point de vue et de l’organisation communistes.
Tout l’affichage sur le « contenu » n’est que mot, notamment dans la discussion qui va être expédiée au Congrès. Le contenu est défini par l’étendue de la liste participants à la primaire. Il n’y aura sans doute pas Hollande à la fin (on retrouvera tout le PS dès les législatives pour sauver les meubles !). Mais il y a déjà les nostalgiques du programme de Hollande de 2012, ceux qui ont fait sa campagne d’alors, ceux qui ont joué les forces d’appoint extérieur, ceux qui ont collaboré directement aux gouvernements Ayrault et Valls (dont EELV) !
L’anticommuniste Cohn-Bendit est un des inspirateurs des primaires « de gauche » en France. Dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la direction nationale et certaines directions départementales du PCF ont choisi un partenaire d’EELV qui lui correspond. Elles ont choisi de se ranger aux élections derrière Gérard Onesta, corédacteur assumé du projet de « constitution » européenne de Giscard ! Depuis les élections, la plupart des élus PCF rescapés se sont rangés dans le groupe fusionné au Conseil régional, intitulé « Nouveau Monde » et dirigé par Onesta.
Marie-George Buffet est absente depuis longtemps du CN. Sur France 3, en vue du congrès, elle s’est prononcée pour le texte des soutiens à une candidature Mélenchon. Sa référence de « gauche » serait-elle cette bonne vieille « gauche plurielle » où elle-même et Mélenchon étaient ministres ensemble du gouvernement qui a le plus privatisé ?
L’issue du processus, qu’on l’appelle « primaires », « votation citoyenne » ou « jeu de dupes » est incertaine. Eclatement comme en 2007, rassemblement derrière un « frondeur » providentiel ? A ce jeu, dans cette recomposition politique, le PCF sera toujours perdant et avec lui, la classe ouvrière en lutte.
Je ne partage pas du tout les appréciations enthousiastes « sur la façon de faire de la politique avec devant les « Nuits debout » », cela sans ignorer la recherche de certains de perspectives de changement politique. Mais depuis le départ du mouvement sur la loi El-Khomri, les rôles, des organisations syndicales de collaboration, de Martine Aubry et des clans du PS, des pépinières de cadres socio-démocrates que sont l’UNEF et quelques autres orgas de jeunesse, sont distribués, « téléphonés » de façon évidente.
Dans ce processus de recomposition, le PCF, dont tous les anticommunistes de « gauche » repoussent l’histoire, sera encore cantonné au plus mauvais rôle. Pour préserver des places aux législatives, aux sénatoriales, il apparaîtra comme le plus lié à l’appareil PS et en fera les frais. Toute honte bue, des apparatchiks socio-démocrates de toujours comme Mélenchon n’hésitent pas à le dénigrer. Il faut dire que les alignements électoraux en 2014 et 2015 sur les socio-libéraux Delanoë et Hidalgo à Paris, Bartolone en Ile-de-France n’aident pas !
Ce n’est pas l’ordre du prioritaire du CN aujourd’hui, mais la priorité du Parti devrait être de travailler à la convergence des luttes, notamment des cheminots en grève « carrée » le 26, des fonctionnaires, avec la suite du mouvement des salariés, avec l’appoint des jeunes, le 28 contre El-Khomri. Loin de toute instrumentalisation du mouvement à des fins politiciennes pour 2017, mais pour gagner le retrait maintenant.
Pour le congrès, maintenant les choses sont claires. Elles doivent l’être pour tous les communistes dans les semaines qui viennent. Le choix se situe, d’un côté, entre les divers versions et habillages de l’intégration et de la dissolution du PCF dans une recomposition politique à gauche et, de l’autre côté, le signal de la reconstruction du Parti de classe avec priorité au rassemblement dans les luttes.
CN du PCF du 15 avril 2016 (primaires/congrès) – Intervention de Dominique NEGRI
Conseil national du PCF, 15 avril 2016, intervention de Dominique Negri, fédération de l’Isère
La résolution que vous allez adopter nous enfonce dans le piège des primaires. Elle prépare de nouvelles divisions entre communistes tout en évacuant les débats dont ils auraient absolument besoin, dans le cadre d’un congrès digne de ce nom, notamment sur le bilan de la stratégie mise en œuvre avec le Front de gauche depuis 2008 et 2012.
Avec de ce débat qui prend toute la place, cette impasse politicienne pour le PCF, le congrès est confisqué aux camarades.
Les communistes n’ont pas besoin d’écuries pour 2017, mais de mobilisation immédiatement dans les luttes. Contre le projet de loi El-Khomri, notre objectif ne peut être que son retrait ouvrant à une remise en cause de toute la politique du gouvernement de « gauche » et de ses relais. Il passe aussi par la construction de convergences de lutte avec les cheminots et les fonctionnaires notamment. Je pense notamment à cette administration, les finances publiques, au cœur des attaques des politiques d’austérité, des menaces que font peser les perspectives du prélèvement à la source et de la fusion, voulue par les « frondeurs » de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Contre le projet El-Khomri, les travailleurs ont besoin d’une victoire !
C’est sur ce plan que je situe l’espoir et non dans la construction politicienne d’un « processus », de « primaires » ou peu importe le nom qu’on lui donne. Même si l’ordre du jour de ce CN n’est pas prioritairement là, je trouve que nos échanges sur les primaires, s’ils étaient retransmis, pourraient décourager les travailleurs…
Certaines voies qui peuvent paraître comme des boulevards n’en sont pas moins des impasses. Remettre en selle Mélenchon maintenant, éternel homme providentiel, la personnalité qu’il faudrait pour en finir avec le pouvoir personnel, en est une sacrée d’impasse. Celui qui a appelé à voter Hollande comme pour le lui-même, qui conspue les communistes, qui copine avec Dassault et multiplie les sorties nationalistes ? Une fois, ça suffit ! ça déjà été de trop ! Une candidature issue du PCF, dans le cadre d’un rassemblement « primaires » à la Tsipras, allant jusqu’à Cohn-Bendit ! Elle n’aura plus rien de communiste et ne peut qu’entraîner le parti à un nouvel échec d’autant plus grave que le « Front de gauche », les compromis d’hier et d’aujourd’hui avec le PS, ont encore terriblement affaibli structurellement et sur le fond le Parti.
La résolution d’aujourd’hui nous promet une conférence nationale sur les présidentielles ? Oui, mais avec le choix des primaires, imposé en marge du congrès des communistes, elle sera complètement faussée et condamnée à s’enfermer dans ce cadre.
C’est ce qu’avec 1000 communistes, je refuse à travers l’appel pour la sortie immédiate du Parti du processus des primaires.
La préparation de ce congrès est délibérément précipitée et détournée de son objet. Il n’est que plus important de ne pas laisser faire en utilisant le texte alternatif, « Reconstruisons le Parti de classe ! Priorité au rassemblement dans les luttes » comme base de débat, et moyen d’enrayer le scénario mortifère pour le Parti que les primaires annoncent.
37e Congrès – Texte Alternatif – VI: Reconstruire le parti de classe, redevenir le parti de la classe ouvrière
37ème congrès du PCF – Texte alternatif » PCF: Reconstruisons le parti de classe! Priorité au rassemblement dans les luttes ».
Lien vers la page de présentation du texte – Lien vers le texte intégral en PCF
99% de la population mondiale possède autant que l’autre 1%. Le chiffre affiché par l’ONG multinationale Oxfam fait florès. Il traduit symboliquement, moralement, au-delà de la méthode de calcul, la dynamique profondément inégalitaire du capitalisme. Ce n’est pas non plus une découverte.
Que 99%, peut-être même 100%, certains à leur insu, des femmes et des hommes vivraient mieux sous un autre système que le capitalisme, c’est probable. Le slogan « l’humain d’abord » traduisait cette indifférenciation. Même Serge Dassault est humain après tout.
Mais que 99% aient également intérêt et soient également en situation d’agir pour combattre et renverser le capitalisme, c’est évident que non. Penser le contraire, c’est penser un parti petit-bourgeois sous l’emprise de l’idéologie dominante.
Quand le Front de gauche réalise des résultats électoraux supérieurs dans des arrondissements bourgeois de Paris que dans des villes à tradition ouvrière de banlieue ou de province, cela pose question. Comme beaucoup de communistes, nous sommes sidérés devant les explications de dirigeants qui estiment que le message « exigeant » du Front de gauche est mieux compris par les couches plus éduquées et plus « politisées ».
Quelle amnésie (volontaire?) concernant notre propre histoire !
Une force historique de notre parti est d’avoir été le Parti de la classe ouvrière, d’avoir été l’outil d’une intervention politique directe et de haut niveau de centaines de milliers de ses représentants, ouvriers, employés, paysans, femmes au foyer.
Cette originalité unique dans notre pays est pratiquement effacée. L’évolution des conditions d’exploitation, des formes de travail, de la vie sociale y sont pour quelque chose. Le travail de destruction de la direction du PCF depuis la « mutation » de 1993 en est grandement responsable avec la suppression formelle – après avoir cessé d’alimenté leur activité – des cellules, de l’activité à l’entreprise, aussi de la plupart des CDH et de la remise de carte annuelle etc.
Nous nous sommes sans doute trop interrogés, à partir des années 70, sur les contours de la classe ouvrière alors que le capital faisait évaluer rapidement les conditions du travail proprement ouvrier en France. Avec le renforcement de l’institutionnalisation du Parti et son premier affaiblissement cela constitue un ensemble, une histoire que nous devons étudier.
Mais pour nous aujourd’hui, sans nier le besoin d’une actualisation théorique, il est clair que la classe ouvrière, suivant la mise en évidence de son rôle historique par Marx, se définit, parmi ceux qui n’ont que le travail pour vivre, par un niveau d’exploitation, un niveau objectif d’intérêt à renverser le capitalisme, par une position dans la création de plus-value, par des formes de travail plus propres au développement de la conscience de classe.
Reconstruire à la base, au plus près des problèmes et des luttes
A ce 37ème congrès, nous voulons faire connaître et partager des expériences de sections du PCF, un peu partout en France, qui s’efforcent de faire vivre, revivre ce parti de classe, de reconstituer des cellules, c’est-à-dire de reconstruire le PCF, conformément à ce qu’il continue à représenter dans le pays, dans son histoire, dans son inconscient collectif, tel que de plus en plus de travailleurs, de syndicalistes, de jeunes l’attendent et le recherchent.
La question de forme, de structure est indissociable de la question de fond, des positions politiques. On comprend aisément que l’on ne conçoit pas le même parti dans une réunion le soir sur la répartition des places aux régionales entre composantes du Front de gauche et une discussion le midi, brève et furtive bien que patiemment organisée, au self sur la situation de son entreprise.
Reconstituer le Parti dans les quartiers, ce n’est pas – du moins pas seulement – venir en tant qu’élu ou candidat offrir sa compassion ou mieux son aide, certainement pas non plus utiliser le clientélisme façon PS.
Reconstituer le Parti à l’entreprise, ce n’est pas jumeler, suivant une courroie de transmission qui n’a pas lieu d’être, directions réformistes du parti et du syndicat. Les travailleurs en lutte ont raison d’utiliser toutes les tribunes. Mais l’instrumentalisation des luttes dans les meetings électoraux « pour faire bien », ou de certains militants recrutés sur les listes relève de la démagogie et du mépris. Le recul du point de vue communiste pèse lourdement sur l’orientation des syndicats de tradition révolutionnaire. Les bons militants communistes marchent sur deux pieds le syndical et le politique, c’est bien connu. Le renforcement et la diffusion d’analyses de classe communistes sont une priorité, y compris dans notre conception du mouvement syndical, de son rôle spécifique et de son indépendance.
Ce que les communistes peuvent et doivent développer, aussi pour se renforcer pour faire adhérer sur des bases de classe, c’est en priorité la traduction politique des préoccupations immédiates, la prise en main collective des problèmes, la construction de luttes, même petites. Dans les grandes entreprises et les services publics, un début de fonctionnement en réseau entre camarades (et sympathisants) commence à se réinstaurer pour diffuser des analyses de lutte. Les nouveaux moyens de communication permettent d’échanger plus facilement des tracts, des journaux de cellule ou de quartier, des modèles d’affiches. Nous voulons donner une nouvelle impulsion à ces échanges à l’occasion du congrès.
Il est significatif qu’il faille remettre aujourd’hui dans un texte de congrès national le contenu de ce qui était historiquement des formations élémentaires et fédérales du Parti. La formation des communistes est capitale. La demande est forte des jeunes adhérents et d’autres. La liquidation de nos outils, exceptionnels, de formation dans les années 90 a été scandaleuse. Des expériences nouvelles de formation se développent. Il faut les valoriser, en particulier celles qui font le lien entre nos fondamentaux théoriques et les luttes présentes. C’est une préoccupation majeure pour l’avenir du Parti.
Exiger des dirigeants de notre parti et de nos élus qu’ils mènent la lutte des classes à leur niveau
Ce travail de reconstruction du PCF peut-il se faire dans l’indifférence devant la gouvernance de l’appareil par la direction et ses dérives réformistes et politiciennes ? Bien sûr que non !
C’est pour cela notamment que nous intervenons à ce congrès pour sortir le parti du scénario mortifère des primaires. A trois reprises en dix-huit mois, notamment grâce aux interventions des initiateurs de ce texte, les communistes ont évité le pire.
En juin 2014, alors qu’André Chassaigne avait approuvé les amendements à la « réforme » ferroviaire et s’était abstenu sur l’article le plus grave de la loi, une pétition rapide a garanti un vote contre de la part des députés communistes. Sinon, le PCF risquait d’être totalement discrédité dans cette entreprise capitale dans la lutte des classes en France.
En juillet 2015, P. Laurent et A. Chassaigne annonçaient leur intention de voter au parlement pourle plan antisocial imposé par l’UE et Tsipras au peuple grec. En partie grâce à une pétition en deux jours, leur vote s’est heureusement inversé. Comment lutter contre l’austérité en France quand on l’approuve en Grèce ?
En novembre 2015, la forte réaction des communistes après l’adhésion des mêmes dirigeants à l’union sacrée après les attentats, état d’urgence compris a infléchi le vote de certain sur sa prolongation puis la position contre la déchéance de nationalité.
Faire vivre, renforcer le PCF doit se faire avec, sans ou même contre sa direction, comme l’avait exprimé le grand résistant André Tollet à une conférence de presse en 2000. C’est toujours et plus que jamais notre conviction.
Être le parti d’avant-garde socialiste ne se décrète pas mais c’est un objectif, même exigeant. Lorsqu’une lutte échoue, nous ne disons pas que c’est la faute des travailleurs (combien de fois pourtant l’entendons-nous ?), mais nous nous demandons ce que nous n’avons pas réussi à faire et comment nous pourrons faire mieux pour la suite.
Au 36ème congrès, un mouvement s’est fait entendre pour la préservation du symbole du Parti, celui des travailleurs, la faucille et le marteau. Nous avions dénoncé leur suppression des cartes du Parti, transformées en carte du PGE (alors que les adhérents du PCF ne sont pas membres personnellement du PGE). La direction a été bien en mal d’expliquer aux médias la mise au placard du symbole historique. En 2014, faucille et marteau sont réapparus, même si c’est en minuscule, sur les timbres de cotisants.
Communistes, sachons utiliser cet identifiant fort en grand.