Conseil national du PCF, 15 avril 2016, intervention d’Emmanuel DANG TRAN, fédération de Paris

J’ai lu attentivement la résolution de 4 pages qui nous a été envoyée hier soir. Le congrès n’a pas encore commencé que ses conclusions sont déjà écrites ! Il aurait été plus correct que ce dernier texte constitue le projet de « base commune de discussion » proposé par le Conseil national à la discussion des communistes plutôt que le long texte verbeux adopté en mars pour diluer le débat.

Plus de 1000 communistes ont utilisé l’appel dont je suis l’un des initiateurs : « Pour la sortie immédiate du PCF du processus des primaires, pour que cette démarche politicienne ne phagocyte pas le congrès ». Nos trois sujets d’inquiétude se trouvent malheureusement pleinement confirmés.

D’abord, avec les primaires, vous entraînez le Parti dans un cycle de combinaisons et de marchandages politiciens qui sont exactement la « façon de faire de la politique » que les travailleurs, la population qui a le plus intérêt au changement, et parmi eux le grand nombre des communistes, rejettent le plus et à raison. Peu importe que le mot « primaires », la référence au modèle (anti)démocratique américain, soit affublé de l’épithète « citoyennes » ou rebaptisé « votation citoyenne » ou encore « processus collectif réellement citoyen, loyal et transparent ». Cette dernière expression indique a contrario exactement ce que sera le processus : un sac d’intrigues politiciennes entre noms de personnalités ! [Elle a finalement été ôté du texte final…].

Les communistes ont apprécié les épuisantes et stériles expériences précédentes dont les « collectifs antilibéraux » de 2006/7. Cela s’annonce bien pire pour 2017 puisqu’avec les primaires, on va jusqu’à Cohn-Bendit !

Le lobbying pour le renouvellement de l’expérience Mélenchon, face à une candidature non annoncée d’un Monsieur X ou Madame Y, issue du PCF relève exactement de la même logique délétère que le processus « primaires » proprement dit.

Deuxième motif de rejet total des primaires : elles accentuent la focalisation sur les présidentielles et la personnification de la politique que nous déclarons tous combattre. Une illusion tous les cinq ans pour mieux retomber dans le désarroi et la résignation ensuite ! Il n’est pas question pour moi de dire que nous devrions nous désintéresser des présidentielles mais elles ne doivent pas être structurantes de nos choix politiques. A nouveau, vous prenez les choses à l’envers. Notre action dans la lutte des classes devrait conditionner notre approche des présidentielles, en temps voulu, c’est-à-dire dans six mois, et indépendamment des grenouillages politiciens exposés complaisamment par l’idéologie dominantes. Je constate le contraire, la recherche obsessionnelle d’une place dans ce système politicien. Tout doit être fait par les communiste pour ne pas laisser cette démarche être sinon fatale, du moins très lourde, pour le Parti.

L’alignement sur Mélenchon en 2012 a considérablement affaibli le PCF. Du haut de ses 3,9 millions de voix, Mélenchon a su joué son rôle, dès le soir du 1er tour de meilleur rabatteur pour Hollande…

La fièvre qui traverse la direction du Parti, comme maintenant tous les cinq ans, avant les élections présidentielles, les illusions de camarades, impatients, devant l’importante mise en scène de cette échéance institutionnelle, me rappellent une citation, non de La Fontaine mais de Goscinny dans « Astérix. Le Devin ». A peine délivrés du charlatan, les Gaulois du Village se montrent prêts à se laisser tromper de nouveau faisant dire au druide Panoramix à Astérix « Incorrigibles, ils sont incorrigibles !».

Troisième grief contre les primaires : elles préparent et structurent une recomposition politique pour après 2017 avec la constitution d’une social-démocratie de substitution, avec effacement du point de vue et de l’organisation communistes.

Tout l’affichage sur le « contenu » n’est que mot, notamment dans la discussion qui va être expédiée au Congrès. Le contenu est défini par l’étendue de la liste participants à la primaire. Il n’y aura sans doute pas Hollande à la fin (on retrouvera tout le PS dès les législatives pour sauver les meubles !). Mais il y a déjà les nostalgiques du programme de Hollande de 2012, ceux qui ont fait sa campagne d’alors, ceux qui ont joué les forces d’appoint extérieur, ceux qui ont collaboré directement aux gouvernements Ayrault et Valls (dont EELV) !

L’anticommuniste Cohn-Bendit est un des inspirateurs des primaires « de gauche » en France. Dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la direction nationale et certaines directions départementales du PCF ont choisi un partenaire d’EELV qui lui correspond.  Elles ont choisi de se ranger aux élections derrière Gérard Onesta, corédacteur assumé du projet de « constitution » européenne de Giscard ! Depuis les élections, la plupart des élus PCF rescapés se sont rangés dans le groupe fusionné au Conseil régional, intitulé « Nouveau Monde » et dirigé par Onesta.

Marie-George Buffet est absente depuis longtemps du CN. Sur France 3, en vue du congrès, elle s’est prononcée pour le texte des soutiens à une candidature Mélenchon. Sa référence de « gauche » serait-elle cette bonne vieille « gauche plurielle » où elle-même et Mélenchon étaient ministres ensemble du gouvernement qui a le plus privatisé ?

L’issue du processus, qu’on l’appelle « primaires », « votation citoyenne » ou « jeu de dupes » est incertaine. Eclatement comme en 2007, rassemblement derrière un « frondeur » providentiel ? A ce jeu, dans cette recomposition politique, le PCF sera toujours perdant et avec lui, la classe ouvrière en lutte.

Je ne partage pas du tout les appréciations enthousiastes « sur la façon de faire de la politique avec devant les « Nuits debout » », cela sans ignorer la recherche de certains de perspectives de changement politique. Mais depuis le départ du mouvement sur la loi El-Khomri, les rôles, des organisations syndicales de collaboration, de Martine Aubry et des clans du PS, des pépinières de cadres socio-démocrates que sont l’UNEF et quelques autres orgas de jeunesse, sont distribués, « téléphonés » de façon évidente.

Dans ce processus de recomposition, le PCF, dont tous les anticommunistes de « gauche » repoussent l’histoire, sera encore cantonné au plus mauvais rôle. Pour préserver des places aux législatives, aux sénatoriales, il apparaîtra comme le plus lié à l’appareil PS et en fera les frais. Toute honte bue, des apparatchiks socio-démocrates de toujours comme Mélenchon n’hésitent pas à le dénigrer. Il faut dire que les alignements électoraux en 2014  et 2015 sur les socio-libéraux Delanoë et Hidalgo à Paris, Bartolone en Ile-de-France n’aident pas !

Ce n’est pas l’ordre du prioritaire du CN aujourd’hui, mais la priorité du Parti devrait être de travailler à la convergence des luttes, notamment des cheminots en grève « carrée » le 26, des fonctionnaires, avec la suite du mouvement des salariés, avec l’appoint des jeunes, le 28 contre El-Khomri. Loin de toute instrumentalisation du mouvement à des fins politiciennes pour 2017, mais pour gagner le retrait maintenant.

Pour le congrès, maintenant les choses sont claires. Elles doivent l’être pour tous les communistes dans les semaines qui viennent. Le choix se situe, d’un côté, entre les divers versions et habillages de l’intégration et de la dissolution du PCF dans une recomposition politique à gauche et, de l’autre côté, le signal de la reconstruction du Parti de classe avec priorité au rassemblement dans les luttes.