Repris de PCF Paris 15, 18 août 2014

L’esbroufe du ministre Montebourg peut passer pour clownesque. Elle a son utilité dans la politique violemment antisociale du gouvernement.

Il en est ainsi de ses rodomontades à propos du « patriotisme économique ». Montebourg s’est fait faire – à pas cher : un maillot – une image de défenseur de l’industrie en France grâce à la complaisance des médias mais aussi à l’insuffisance de la riposte syndicale et politique.

Cela a contribué à faire passer paisiblement un double mauvais coup dans l’affaire Alstom.

Après quelques semaines d’animation médiatique, avec Siemens comme sparring partner, le gouvernement a réussi à faire passer la prise de contrôle du groupe français – du moins des activités qu’il convoitait – par l’Américain General Electric. Le plan était préparé depuis longtemps par la direction d’Alstom. Ses conséquences en termes de remise en cause d’activités, de sites de production et d’emplois se feront immanquablement sentir, mais plus tard.

En attendant, l’Etat a lourdement mis la main à la poche, officiellement pour préserver la production en France et un droit de contrôle, en réalité pour faire passer l’opération capitalistique et, en prime, pour faire un cadeau à l’ami de tous les gouvernements, l’ami Bouygues, à qui l’Etat rachètera ses actions, à hauteur de 20% du capital, au meilleur prix légal possible.

La « nationalisation Montebourg », c’est la même que la « nationalisation Sarkozy » (Alstom 2004) ou – en petit – la nationalisation Obama : elle est partielle, temporaire, dédiée aux intérêts capitalistes.

Mais, ce n’est pas tout. Le gouvernement a associé l’opération Alstom à un deuxième mauvais coup : une nouvelle phase dans la privatisation de GDF. Prétextant la nécessité de contenir le déficit budgétaire – décidément utile à toutes fins -, le pouvoir a décidé de financer l’entrée de l’Etat dans le capital d’Alstom, pour plus ou moins 2,5 milliards d’euros, en partie par la cession d’actions GDF-Suez.

Le gouvernement a vendu 83 millions d’actions, soit 3,45% du capital du géant de l’énergie. Il a fait passer la part de l’Etat dans le capital du groupe de 36,70% à 33,25%, en-deçà du seuil de 33,33%.  Lors de la privatisation de GDF entre 2006 et 2008, la droite avait tenté de rassurer les salariés et l’opinion en assurant que l’Etat conserverait une minorité de blocage dans le capital de GDF-Suez. Montebourg et la gauche la font sauter subrepticement.

Des décisions stratégiques de la multinationale, telles que des fusions, rachats ou même déplacement du siège social et remise en cause des statuts, ne nécessiteront plus l’accord de l’Etat français.

Fausse nationalisation partielle d’Alstom d’un côté, vraie nouvelle privatisation de GDF-Suez de l’autre ! Cela mérite d’être dénoncé !

Bien sûr, en système capitaliste, l’Etat ne conçoit la nationalisation que dans l’intérêt du capital. Cependant, il doit tenir compte du rapport de force et de l’état de la lutte des classes dans le pays. C’est à cela que l’on doit les grandes avancées des nationalisations de la Libération, sans cesse remises en cause depuis.

Aujourd’hui, à Alstom, la CGT porte un projet fort de nationalisation démocratique, établissant des liens avec d’autres entreprises publiques du transport et de l’énergie. Mais il est clair que cela demandera une lutte de longue haleine pour faire prévaloir cette perspective dans l’entreprise et dans l’opinion, d’autant qu’Alstom est très internationalisée, avec une minorité de salariés en France et qu’aucune menace imminente de fermeture d’usine ne guette.

Dans cette situation, Montebourg ne prend pas de risque et peut se permettre de miser sur la confusion entre son opération et une véritable nationalisation. Il convient surtout de ne pas rentrer dans son jeu.

GDF conserve beaucoup d’éléments d’un service public. Les usagers et la population lui restent attachés comme tel et sont très sensibles aux évolutions tarifaires. Les salariés sont fortement organisés. Dans cette situation, la minorité de blocage de l’Etat dans le capital de GDF-Suez peut représenter un point d’appui pour les luttes contre la poursuite du démantèlement du service public, un moyen de peser politiquement. Voilà pourquoi Montebourg et le gouvernement s’en débarrassent discrètement.

Citons pour finir une autre entreprise symbolique de l’industrie nationale qui vient de connaître une profonde restructuration, synonyme de fermetures d’usine, de milliers de suppressions d’emploi, de compression des conditions de travail et de rémunération des salariés restants : PSA. L’Etat vient de rentrer dans le capital, là aussi pour couvrir le plan de restructuration et l’opération capitalistique – augmentation du capital – liant PSA au groupe chinois Dong Feng.

Pour le même prix en 2012, l’Etat aurait pu prendre directement le contrôle de PSA et imposer d’autres choix. Il y avait des luttes dans toutes les usines, un soutien dans les bassins d’emploi, chez les sous-traitants. L’industrie automobile reste emblématique dans le pays. Pourtant, communistes, nous avons été bien seuls à porter une perspective de nationalisation de PSA, solution que le gouvernement a pu complètement esquiver.

Alstom, GDF, PSA : avec les salariés, les organisations syndicales, en partant des expériences récentes, approfondissons les conditions et perspectives de la lutte pour la défense et le redéveloppement de l’outil productif répondant aux besoins !