Héritage du CNR : Les élèves du lycée Buffon ont eu droit à des cours d’histoire vivante

Pcf Paris 15, le 29 mai 2013

Il s’en est passé des choses le 27 mai 2013 devant le lycée Buffon dans le 15ème.

Ce n’est pas tous les jours que le lycée est défendu par autant de forces de l’ordre.

Ce n’est pas tous les jours que les lycéens assistent sous leurs fenêtres à un grand match de catch.

C’est certainement la première fois que les plus progressistes d’entre eux (parmi lesquels nos jeunes camarades) sont supporters (dans le spectacle de la bagarre seulement) des … CRS ! Il faut dire qu’en face manifestaient une centaine de provocateurs, extrémistes de droite, au nom de l’opposition au « mariage pour tous ».

L’occasion de ce petit événement a été la venue, discrètement annoncée, du Président François Hollande au lycée pour la célébration du 70ème anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance, le CNR.

Le lieu a été choisi en hommage aux cinq martyrs du lycée Buffon, ces cinq jeunes résistants fusillés il y a 70 ans aussi, auxquels il convient d’associer la mémoire de leur inspirateur, professeur au lycée, sauvagement assassiné par les Nazis en 1944, Raymond Burgard.

C’est peu de dire que les lycéens devront approfondir et débrouiller ce qu’ils ont entendu et vu par des lectures et avec leurs enseignants d’histoire-géo.

François Hollande, qui avait invité plusieurs vétérans de la Résistance, a certes joué au prof devant les media et un parterre d’élèves de 1ère. Mais sa leçon a été voulue superficielle et imprécise, loin d’expliquer le sens et les résultats de la constitution du CNR. Quelques mots consensuels la structuraient : « Liberté », « antiracisme », « confiance en l’avenir »…

Surtout du CNR, Hollande n’a voulu retenir que  « l’unité » nationale. « Ceux qui représentaient les élites et ceux qui représentaient les milieux populaires voulaient ensemble une France plus juste ».

Chez Hollande, comme chez bien d’autres, cette recomposition de l’histoire du CNR n’est pas innocente quand l’idéologie dominante vante l’unité nationale face à la crise. En mars dernier, les sénateurs ont voté à la quasi-unanimité une proposition de loi instaurant le 27 mai comme journée national de commémoration.

Pourtant ce sont les mêmes parlementaires, leurs gouvernements successifs qui s’appliquent méthodiquement à démanteler, sous l’égide de l’Union européenne, les acquis sociaux et démocratiques inspirés à la Libération par le programme du CNR : sécurité sociale, grands monopoles publics, statut des fonctionnaires…

Le CNR a représenté la coordination réelle et effective des organisations de résistance pour la libération du pays. Dans ce combat contre l’envahisseur, on peut réellement parler « d’unité ». Le CNR a été une alliance. D’un côté s’est retrouvée une partie de la bourgeoisie, dont d’authentiques patriotes, qui, à partir d’un moment ou un autre, de Gaulle dès le départ, a refusé la mise sous tutelle allemande de l’impérialisme français puis, pour d’autres plus tard, a compris que l’Allemagne perdrait la guerre.

De l’autre côté s’est retrouvée la principale force de la résistance intérieure, représentante de la seule classe sociale qui n’a pas trahi en tant que classe, la classe ouvrière : le PCF.

Le programme du Conseil national de la Résistance est le résultat d’un compromis. Il a été rédigé pour préparer les conditions du retour à l’indépendance et le relèvement du pays. Il ne s’agit plus là d’un combat commun, comme celui de la lutte armée pour la libération, mais de l’expression d’intérêts de classe toujours aussi contradictoires mais dans un contexte qui a fortement changé en quelques années.

En 1943,44,45, le patronat, les possédants sont disqualifiés dans le pays par leurs responsabilités écrasantes dans la défaite de 1940, leur adhésion large à Pétain et à la collaboration. Les retournements de veste sont trop tardifs. De Gaulle peut certes s’appuyer sur les impérialismes américain et britannique pour prévenir une révolution prolétarienne en France mais ceux-ci lorgnent aussi sur les beaux restes de l’impérialisme français.

De son côté, la classe ouvrière est considérablement renforcée dans ses intérêts par sa forte mobilisation, ses terribles sacrifices dans la résistance, par son outil syndical réunifié, la CGT, par l’autorité de son parti d’avant-garde, le PCF, le Parti des fusillés. Il est frappant de constater combien le programme du CNR reprend les analyses de l’appel de Thorez et Duclos du 10 juillet 1940, loin de l’appel à l’armée et à l’Empire coloniale de De Gaulle le 18 juin.

Les victoires, l’héroïsme, les sacrifices, dans la lutte antifasciste, donnent à l’URSS, patrie du socialisme, un prestige immense qui irrigue et renforce les militants ouvriers du monde entier.

Le programme du CNR est le compromis issu de ce nouveau rapport de force, aussi bien dans ses orientations les plus progressistes allant jusqu’à l’affirmation de la nécessité de « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », que dans ses limites.

Dans la commémoration du CNR, il est complètement erroné et même trompeur de cultiver, hors contexte, la nostalgie d’une « unité nationale », « interclassiste », englobant une bourgeoisie gaulliste, faisant fi des oppositions de classe fondamentale. Allez trouver une ligne du général de brigade sur la retraite des vieux travailleurs avant 1940 !

Les conquêtes de la Libération ont pris appui sur le programme du CNR, vite réduit. Mais elles ont été obtenues avant tout par la mobilisation des travailleurs animés par la CGT et le PCF.

Dès que le rapport de force se dégrade, les acquis sont remis en cause. Dans le climat de guerre froide, PCF et CGT les défendent par des luttes très dures. Et chaque ancien résistant  retrouve son point de vue de classe d’origine et ses anciennes fidélités politiques.

Le CNR n’a rien d’un modèle politique dans la France et la situation européenne d’aujourd’hui !

Evidemment, il n’était pas question d’attendre de François Hollande une analyse telle que la nôtre, même tracée à gros traits. Et on comprend sa timidité vu sa politique actuelle…

La manifestation des groupes nationalistes, au prétexte du « mariage pour tous » souligne encore davantage le souci de la bataille de l’histoire. Scandaleusement, ces héritiers du régime rétrograde, antipopulaire de la collaboration, n’ont pas hésité à reprendre à leur compte l’œuvre du CNR, ce que fait régulièrement le FN.

L’importance de ne pas réduire le contenu et les acquis, ni d’exagérer la forme du CNR et de son programme, est encore plus impérieuse.

Les lycéens de Buffon n’auront pas sans doute l’occasion de réviser l’histoire des CRS. Ce corps aussi est une réalisation de la Libération. Mais rapidement, l’Etat bourgeois consolidé a réussi à en exclure les éléments démocratiques, les communistes, pour en faire après 1947 l’instrument de répression que l’on sait.

Les gouvernements n’en n’ont pas encore fini, pour le compte du capital, avec la Sécurité sociale, les nationalisations, les statuts des travailleurs…

Dans les luttes qui s’annoncent, la force de l’organisation révolutionnaire des travailleurs sera déterminante pour renverser le rapport de force, comme celle qui, pendant la dure période de guerre, a permis les avancées du CNR.