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Humanité, 25 août 1944 : « Salut aux cheminots parisiens ! » par Benoît Frachon

Le jour de la Libération de Paris, dans l’Humanité, Benoît Frachon, secrétaire de la CGT et dirigeant du PCF rend hommage à la résistance des cheminots de région parisienne et à la contribution décisive de leur grève lancée le 10 août dans le libération de la capitale. (Source Huma, archive privée – retranscription vivelepcf).

Quand la France libérée rendra hommage aux plus valeureux de ses fils, elle réservera une place de choix aux cheminots de la région parisienne.

C’est le 10 août qu’ils ont déclenché la grève qui devait rapidement s’étendre à tous les dépôts et gares de la région et devenir générale.

C’est depuis le 10 août que les hitlériens battus, pilonnés, écrasés en Normandie et en Bretagne par les armées alliées, harcelés par les patriotes sur toutes les routes de France, sont privés de ce nœud ferroviaire essentiel qu’est Paris et sa banlieue. Les cheminots de Paris ont verrouillé les transports de l’ennemi à un des moments les plus décisifs.

Depuis plus de huit jours, Paris et sa banlieue entendent les explosions gigantesques des dépôts boches qui sautent. Des quantités considérables de munitions sont détruites sur place parce que l’ennemi est incapable d’opérer leur transport sur une autre ligne de front. C’est aux cheminots parisiens que revient le mérite de ces pertes irréparables infligées à l’envahisseur. Des trains de ravitaillement ont été bloqués alors qu’ils étaient dirigés à l’ouest et au nord-ouest de Paris. La grande faiblesse des transports ennemis, les cheminots parisiens l’ont transformée en paralysie générale par leur grève.

On ne peut regretter qu’une chose, c’est que ceux qui étaient chargés d’informer les radios alliées ne leur ont rien dit de cet admirable mouvement. Popularisé, il se fût rapidement étendu sur l’ensemble des réseaux.

Malgré ce silence dont ils n’ont pas encore compris la raison, les cheminots de Paris ont poursuivi sans faiblesse le mouvement qu’ils avaient engagé. Ils ont été les pionniers de la grève générale dans la région parisienne.

Mais les fidèles compagnons de Pierre Semard n’ont pas considéré que leur rôle était terminé par l’arrêt total des transports. Ils ont été et ils sont aux premiers rangs de ceux qui combattent les armes à la main pour exterminer l’ennemi. Comment ils se sont armés ? Ils ont pris sur l’ennemi ce qu’ils n’ont pu avoir par des parachutages. Là ils ont pris des revolvers, ici des fusils, ailleurs des grenades. Ils ont attaqué des détachements, tué ou fait prisonniers les hommes et les armes ont changé de main. Ils avaient soif d’armes, ils ne se sont pas lamentés sur le fait qu’on avait négligé de leur en donner. Ils en ont pris à l’ennemi et ce n’est pas sans une légitime fierté que des artilleurs improvisés tirent au canon, un canon conquis de haute lutte, aux Batignolles, sur les voitures boches qui s’aventurent sur le pont Cardinet.

En ces jours mémorables, où le peuple de Paris ajoute un nouveau fleuron à sa couronne, les cheminots ont écrit leurs pages de gloire.

Ils avaient déjà tant donné depuis quatre ans à la lutte pour la libération qu’on n’est point surpris de les trouver héroïques dans le combat ouvert.

Pierre Semard, Wodli, Catelas, l’un fusillé, l’autre pendu par les Boches, le troisième décapité par les traitres de Vichy, ces noms prestigieux sont dans toutes les pensées, le souvenir de ces héros enflamme le cœur des cheminots qui les vengent en libérant la patrie. Chaque coup de feu qui couche un ennemi, c’est un des assassinés d’Ascq, un des fusillés de Rennes qui est vengé.

Mais nous ne sourions rendre hommage aux cheminots parisiens sans parler de quelques-uns de ceux qui ont courageusement organisé et dirigé leur action. Crapier, Tournemaine qui, durant de longues années, ont été les collaborateurs de Semard et qui dirigent aujourd’hui la Fédération des cheminots. Tous deux furent arrêtés avec Semard en 1939 par les agents de la cinquième colonne avec la complicité du traitre Llaud. Tous deux, durant leur détention n’ont eu qu’une idée : s’évader, même au péril de leur vie, pour prendre leur place dans l’activité illégale. Tous deux ont réalisé leur rêve. Ils sont aujourd’hui à la tête de leurs compagnons qui se battent.

Nous ferons plus tard l’histoire du travail illégal chez les cheminots durant toute l’occupation allemande. Nous montrerons le courage, la ténacité de ceux qui n’ont cédé ni devant la police vichyssoise déchaînée, ni devant les tortures et les crimes de la Gestapo. Nous livrerons à la gratitude des foules ces héros obscurs qui ont fait tranquillement leur devoir et qui sont tombés dans la plus dure des batailles.

Aujourd’hui, quand Paris se bat vaillamment, quand il repousse avec mépris les manœuvres des pleutres ou des combinards qui voudraient lui faire déposer les armes, nous avons tenu à saluer ceux d’entre les Français qui ont le plus fait pour l’honneur de la patrie, pour le renom de la capitale.

Salut cheminots parisiens ! Dans sa tombe, Pierre Semard peut être fier de vous.

Benoît FRACHON, secrétaire de la C.G.T.

Noël de guerre, Noël de classe – Paul Vaillant-Couturier, dans l’Humanité, 25 décembre 1926

C’est un de ces jours de Noël froids, douloureux, comme ceux que nous vivions au front dans les tranchées…

Noël d’inquiétude, Noël d’angoisse, Noël de chômage. Noël de vie chère…

Noël de deuil aussi pour la classe ouvrière.

Comme une surcharge accablante au poids quotidien du meurtre à petits coups de l’usine, de la mine, du rail, du chantier, quatre catastrophes se sont abattues depuis un mois, jour pour jour, au Nord, au Sud, à l’Est, au Centre, sur des ouvriers, mettant à l’actif du patronat un tableau de chasse massif.

Le 25 novembre, c’était à Haubourdin, trois morts et trente blessés dans une fabrique d’amidon.

Le 13 décembre, c’était à Saint-Auban, dans une usine de gaz asphyxiants, l’explosion d’une cuve de chlore qui tuait 24 ouvriers et en blessait plus de soixante-dix.

Le 23 décembre, à Pont-à-Mousson, un four à coke, en s’effondrait tuait douze hommes.

Avant-hier à Fontainebleau, dans un atelier d’hydrogène, une colonne de lavage des gaz éclatait, tuant un travailleur et en blessant deux autres.

En un mois, en quatre accidents, quarante ouvriers tués, Français, Italiens, Polonais, Arabes, Tchèco-Slovaques, Russes, Portugais, Autrichiens, toute une internationale de morts…

La responsabilité du patronat? Etablie, écrasante, partout.

Les sanctions? Quelques rentes…

Le remède? Des discours dans le vent, sur des tombes alignées…

Et cela dure depuis que la grande production capitaliste existe.

Et cela est étroitement lié au régime capitaliste.

Des lois ont été édictées pour la protection du travail. Elles demeurent lettre morte: un enfant travaillait 24 heures de suite à Haubourdin; les masques à gaz étaient hors d’usage à Saint-Auban… Démocratie.

Des inspecteurs, payés de façon dérisoire, sont chargés de veiller à l’application des lois er de brandir leurs armes: des amendes de quelques francs!

Hier encore, dans la cellule Thomson-Houston, à laquelle suis rattaché, les camarades me racontaient qu’il n’était pas, dans leur usine, une machine qui fût en règle avec les prescriptions légales de protection et qu’un pont roulant non protégé notamment faisait peser une menace constante et terrible sur un atelier tout entier.

Le patronat, du haut de ses puissants syndicats, se moque d’une légalité dont il sait qu’il reste le maître. Les indemnités qu’il doit payer de temps en temps pour ses victimes lui coûtent moins cher que l’organisation d’une protection efficace.

Il gagne à tuer.

Une fois de plus, ici, apparaît l’implacable, la sauvage lutte de classes.

Il gagne à tuer, le patronat, et il exige que cela continue.

Une preuve?

La bataille engagée par les Chambres de commerce et les syndicats patronaux contre le contrôle ouvrier.

J’ai entre les mains le Bulletin de la Chambre de commerce de Valence et de la Drôme et j’y lis ceci:

« La Chambre de commerce se déclare résolument opposée à la création de délégués ouvriers dans les industries dangereuses et insalubres. »

« L’installation des délégués lui apparaît comme inutile, dangereuse et irréalisable. »

Inutiles? Dangereuse? Les morts de ces derniers mois répondent.

Irréalisable? Les travailleurs réaliseront.

Le contrôle ouvrier, dont le patronat a peur – et que seule la Révolution réalisera pleinement -sera arraché de gré ou de force…

Il n’est qu’un des mots d’ordre dans la bataille qui s’engage entre le capitalisme rationalisateur et le prolétariat révolutionnaire.

Mais les circonstances lui donnent une tragique actualité, en cette fin d’année.

Sans doute, communions-nous aujourd’hui, jour de Noël, dans le souvenir de nos morts ouvriers, sans doute pensons-nous au chômage qui s’étend, à la misère qui vient, aux usines qui débauchent, mais nous nous souvenons aussi, que dans la vieille légende chrétienne, Noël est un jour de naissance, un jour de promesse, un jour d’espoir pathétique, le jour du Sauveur.

Et nous n’oublions pas, nous, les artisans passionnés d’une Révolution inéluctable, que le Sauveur, camarade, c’est toi-même avec ton marteau, avec ta faucille, avec ton fusil.

P. Vaillant-Couturier

Il y a 53 ans, le massacre du 17 octobre 1961

L’Etat impérialiste a recours au crime raciste: souvenons-nous-en et opposons-lui l’unité des travailleurs !

L'Huma du 18 octobre relate les manifestations et la répression policière

Le 17 octobre 1961, dans les derniers mois de la guerre d’Algérie, 30.000 travailleurs algériens manifestent pacifiquement à Paris.

Le Front de libération nationale, le FLN, a organisé cette mobilisation pour dénoncer le couvre-feu raciste instauré à l’encontre des Algériens vivant en région parisienne, pourtant officiellement considérés comme citoyens français par l’Etat colonial.

La manifestation est réprimée avec une violence inouïe. La police frappe, tabasse, roue de coups, tire. Elle jette des centaines de manifestants dans la Seine pour qu’ils se noient. Des milliers sont arrêtés, battus, sinon torturés plusieurs jours durant dans des centres de rétention. Selon les historiens, il y aurait eu entre 100 et 300 morts.

Le déchaînement policier a été minutieusement organisé. Il est directement le résultat de consignes précises de l’autorité, du préfet de police Maurice Papon, celui-là même qui, en tant que secrétaire général de la préfecture de la Gironde, aida à déporter les juifs de Bordeaux sous l’Occupation. (Lire la suite…)

5 août 1914 : le jour où l’Humanité devient un organe de « l’Union sacrée » pour la guerre

Vivelepcf, 4 août 2014

Le 4 août 1914 ont lieu les obsèques de Jaurès. Le même jour, le Parlement vote la mise du pays en état de guerre. A l’unanimité, sans débat : c’est l’Union sacrée.

L’Humanité du 5 août 1914 rend compte avec gravité et grandiloquence des deux événements, mis en parallèle.

En première page, elle titre sobrement : « Les obsèques de Jaurès » sur 5 colonnes et reprend les prises de paroles des officiels et des compagnons de Jaurès en ce jour de deuil et en ce jour de veillée d’armes. En deuxième page, l’Huma relate les débats de l’Assemblée : « A la Chambre, une séance historique. Dans un mouvement unanime, la Chambre rend hommage à Jaurès. Ella acclame la défense nationale, au milieu de l’enthousiasme le plus émouvant ».

René Viviani, président du Conseil, se retrouve cité dans les deux pages comme orateur aux obsèques et comme rapporteur des projets de loi de guerre. Viviani, « socialiste indépendant », fut un compagnon de Jaurès. Il fonda avec lui l’Humanité dont il fut rédacteur en chef. La veille de sa mort, Jaurès avait rendu visite à son ami Viviani pour voir ce qu’il pouvait engager pour la paix.

Les députés et sénateurs socialistes adhèrent à l’Union sacrée avec enthousiasme. L’Huma rapporte : « M. Deschanel prononce à son tour des paroles patriotiques. Il termine en criant : « Vive la France ! Vive la République ». Ces deux cris sont répétés dans une immense acclamation par la Chambre toute entière. Les socialistes répètent à pleine-voix : « Vive la République » ».

Les rédacteurs de l’Humanité s’enflamment : « Quelle séance : les anciens journalistes qui ont vu le 15 juillet 1870, la journée parlementaire où la guerre fut déclarée, disaient qu’aucune comparaison n’était possible entre cette journée et celle d’hier. La raison est simple : en 1870, c’était l’Empire qui faisait la guerre pour son intérêt dynastique ; aujourd’hui, c’est la nation qui se défend. De là viennent cette union, cette énergie digne et mâle qui rappellent les grandes scènes de 1792. Ceux qui ont assisté à la séance d’hier, députés, journalistes, spectateurs, ne l’oublieront jamais. Ils garderont le souvenir de ses émotions uniques : l’hommage unanime à Jaurès, la réparation éclatante au grand citoyen qui, dans cette même enceinte, connut tant de ….. (illisible ndrl), la lecture du message présidentiel, le discours de M. Viviani rappelant les faits, précisant les responsabilités et faisant appel au monde, puis à la fin de la séance les dernières paroles du président du Conseil et du président de la Chambre qui disent leur confiance dans la victoire du droit. Jamais plus belle manifestation d’unité nationale ne fut faite par un pays menacé. C’est au régime républicain, soutenu par le socialisme, que la France le doit » (souligné par nous ndrl).

Une polémique stérile et oiseuse connaît un nouveau développement avec le centenaire : qu’aurait fait Jaurès s’il n’avait pas été assassiné ? Mais il a été assassiné et on ne fait pas parler les morts !

Ce qui est hautement vraisemblable, c’est que ceux qui ont téléguidé les mains de l’assassin redoutaient que l’activisme de Jaurès pour la paix affaiblisse l’impérialisme français dans une guerre déjà décidée.

Ce qui est sûr, c’est que l’assassinat de Jaurès en a fait un immense symbole pour tous ceux qui allaient condamner les guerres impérialistes et leur barbarie, notamment pour ceux qui allaient faire le choix de créer le Parti communiste français.

Ce qui est sûr, c’est que la quasi-totalité des dirigeants du parti de Jaurès, ses plus proches amis politiques, se sont convertis à « l’Union sacrée », dès ses obsèques, et ont trahi, comme la quasi-totalité de leurs homologues allemands, les résolutions de l’Internationale socialiste. Très peu l’ont regretté.

Ce qui est sûr, c’est que le journal de Jaurès, celui qu’il a dirigé jusqu’à sa mort, sa rédaction quasi au complet se sont mis au service de « l’Union sacrée », du nationalisme et de la guerre impérialiste. Dès le 1er jour.

Dans l’histoire, le journal qui a dénoncé et combattu systématiquement la guerre impérialiste ce n’est pas le « journal fondé par Jean Jaurès », c’est « l’organe central du Parti communiste français » qui a pu s’appuyer sur le sacrifice de Jaurès.

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