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Installation de la nouvelle Assemblée de Corse et rapport de force avec l’Etat français (Michel Stefani – PCF Haute-Corse)

Installation de la nouvelle Assemblée de Corse et rapport de force avec l’Etat français

Repris du blog de Michel Stefani, Conseiller à l’Assemblée de Corse , 19 décembre 2015

Passation de serment, Dio vi salvi régina, l’intronisation des présidents de l’exécutif et de l’Assemblée de Corse a eu lieu sous le regard ému du père spirituel du nationalisme contemporain dont l’acte fondateur, nous dit-on, a eu lieu à Aléria le 22 aout 1975. La Collectivité territoriale de Corse a donc vibré ce 17 décembre aux accents du nationalisme victorieux après 40 ans de lutte contre « l’Etat français colonial ». Le discours du nouveau président de l’Assemblée de Corse, prononcé en Corse sans traduction, en était imprégné.

Parsemée de nombreux assassinats, plasticages et autres dérives pas toujours distinctes du banditisme, cette période de la violence indépendantiste, au-delà de l’engagement militant et désintéressé de certains, fut effectivement douloureuse pour la Corse et son peuple. Avec insistance, il a été fait rappel que les indépendantistes ne cesseront jamais de réclamer l’indépendance même si cette revendication ne figure pas au « contrat de mandature » établi au moment de la fusion des deux listes indépendantiste et autonomiste.

La passation de serment renvoie elle à un exercice des fonctions électives proche de l’esprit anglo-saxon mais pas forcément républicain au sens de la souveraineté populaire. Tout le monde aujourd’hui s’accorde, à tout le moins dans le propos, s’agissant de l’éthique, de la transparence, du bon usage de l’argent public, de l’honnêteté… mais le contrôle démocratique et citoyen reste indispensable à plus forte raison quand se dessine la création d’un pouvoir unique sans consultation des Corses.

La référence à la « Giustificazione della Rivoluzione di Corsica » de don Grégorio Salvini, interpelle car elle ne peut être, au détour d’une phrase, extraite du contexte de l’époque (1729 1764) et maladroitement située dans la Philosophie des Lumières alors qu’elle s’inspirait de la pensée de Saint Thomas d’Aquin en prônant, non l’égalité, mais le maintien des droits de noblesse tout autant que la fin de la domination génoise.

Pour ce qui est de l’émancipation du peuple, se placer sous la protection de la vierge Marie ne semble pas être le chemin le plus approprié pour s’émanciper du droit divin. Quant à la domination on ne peut interpréter les choses qu’avec la symbolique donnée à cette installation et l’objectif de faire abstraction d’une partie de notre histoire en occultant le 9 septembre 1943 et par la même le choix du peuple corse confirmant celui de Pascal Paoli le 30 novembre 1789 « notre adhésion à libre Nation française n’est pas servitude mais participation de droit ».

Le paradoxe est bien celui là désormais pour les élus nationalistes d’exercer des fonctions exécutives dans une institution de la République française tout en rejetant celle-ci. De fait, dans un hémicycle où théoriquement la pluralité des opinions se traite avec égard, les usages républicains, cette installation l’a montré, n’ont été respectés que partiellement même si la stricte conformité au code général des collectivités territoriales a prévalu.

Cette volonté hégémonique dès le début de la mandature, repose sur une vision politique déformante de la légitimité du suffrage universel, indiscutable certes, mais limitée somme toute à une majorité relative. Deux votants sur trois n’ont pas voté nationaliste le 13 décembre et ceux-ci peuvent en effet se sentir déconsidérés à l’issue de cette installation officielle, historique pour le nationalisme corse et sans doute pour l’institution elle-même qui n’a jamais connu ça depuis sa création en 1982.

Toute en faisant la part des choses, nous ne pouvons que partager l’inquiétude de nombreuses personnes, qui ressentent le discours du président de l’Assemblée de Corse, non comme la « main tendue » à celles et ceux dont les origines sont autres, mais au sens contraire. C’est d’autant plus justifié que Corsica libéra a indiqué dans sa campagne : « la seule communauté de droit sur la terre corse est le peuple corse ». Cela est complété par la revendication d’un statut de résident assorti d’obligations telles que la résidence depuis dix ans et la maitrise de la langue corse. En résumé le droit du sang.

Nous pourrions également égrener les propositions libérales qui mises en cohérence, structurent un programme anti France, appuyé sur les quatre décennies écoulées et la promesse « d’un rapport de force avec l’Etat français ». Nous restons convaincus que la perspective de progrès, économique, social, écologique et démocratique se situe ailleurs, dans une France solidaire, respectueuse de l’originalité de la Corse dans toutes ses dimensions. Cela implique d’écrire une autre Constitution pour sortir de la sclérose actuelle et promouvoir la République sociale, comme Jean Jaurès l’imaginait, pour « l’avènement d’une société plus harmonieuse et plus juste ou le travail sera souverain ».

Michel Stefani

Secrétaire de la Fédération de Haute-Corse du PCF

Lire aussi: Un point de vue sur la situation politique en Corse après les élections territoriales : celui de Michel Stefani, secrétaire de la fédération du PCF de Haute-Corse

Corse : les contradictions du Front de gauche commencent à éclater.

Vivelepcf, 14 août 2013

Une élue Front de gauche participe aux journées nationalistes de Corte. Des communistes ne laissent pas passer. Lire ci-dessous la tribune de Francis Riolacci (adjoint PCF-Front de gauche à Bastia).  

 

En quelques semaines cet été, plusieurs contradictions fondamentales du Front de gauche en Corse sont apparues au grand jour.

Aux élections régionales de 2010, un accord politique, allant bien au-delà d’un arrangement électoral de 2nd tour, a été signé entre Paul Giacobbi, héritier d’une longue dynastie de notables de Haute-Corse, chef d’une liste radicale-dissidente-PS et Dominique Bucchini, tête de liste du Front de gauche. L’alliance, regroupant deux autres formations, a gagné les élections face à la droite et aux nationalistes (autre droite…).

A Bucchini, le poste de Président de l’Assemblée de Corse, très symbolique mais principalement honorifique. A Giacobbi, la présidence du Conseil exécutif et le pouvoir régional. Le Front de gauche participe avec deux membres au Conseil exécutif.

Nombre d’observateurs avaient jugé ce partenariat « contre-nature ». Giacobbi, homme du patronat local, s’était montré un sympathisant quasiment avoué de Sarkozy. Bucchini est une figure historique du mouvement communiste en Corse-du-Sud (sans que nous oubliions ses prises de position « rénovatrices » anti-Marchais des années 80).

Dans la lignée de ses positions, Giacobbi vient de lancer une nouvelle provocation en juillet. Il se prononce pour un droit de propriété dérogatoire en Corse, opérant une distinction entre « résidents » et « non-résidents ».  Des responsables du PCF ont réagi vivement. Ange Rovere, adjoint au maire de Bastia dénonce une proposition « attentatoire au principe d’égalité devant la Loi, voulant institutionnaliser le communautarisme ». Ils démontent le prétexte de « lutte contre la spéculation » : « Qui vend la terre ? Des Corses ! Qui spécule ? Des Corses ! » ou bien d’autres de toute l’UE et d’ailleurs à travers des prête-nom.

Etape par étape, depuis des décennies, les « radicaux-libéraux », « sociaux-libéraux », « libéraux » et les « nationalistes » travaillent à saper en Corse les acquis sociaux et démocratiques nationaux au profit des milieux patronaux, financiers, sinon mafieux. L’Europe des régions, l’Union européenne sont leurs premiers alliés dans cette besogne, en Corse comme ailleurs. Les gouvernements français accompagnent. La population résiste comme en 2003 quand elle a fait gagner le NON au référendum supprimant les départements.

« L’Europe des régions », les bourgeois « nationalistes » n’ont qu’elle à la bouche aux « journées de Corte » qui réunissent chaque année les mouvements similaires de toute l’Europe. Voilà que cette année, la conseillère exécutive Front-de-gauche (non PCF), également adjointe au maire d’Ajaccio, Mme Maria Guidicelli choisit d’apporter sa caution à ce mouvement en participant à ces journées. Cette décision personnelle, mais prise par l’intéressée au nom du Front de gauche, suscite la profonde colère de nombreux communistes. Mme Giudicelli est-elle naïve ou cynique quand elle prétend « présenter et défendre une approche résolument sociale qui place l’humain au cœur » à des personnalités « nationalistes » comme Jean-Guy Talamoni ?

Francis Rioalacci, adjoint PCF au maire de Bastia, syndicaliste CGT, a vivement réagi. Il n’accepte pas une attitude qui « fait fi des différences fondamentales entre les indépendantistes et les communistes ».

Et quelle rupture avec le libéralisme imaginer en intelligence avec les ultra-libéraux nationalistes et européens ?

Nous reproduisons ci-dessous, de notre propre initiative (passages soulignés par la rédaction), le message de Francis Riolacci. Pour nous, en Corse comme partout ailleurs, des clivages fondamentaux entre l’engagement communiste et la ligne portée par le choix stratégique du Front de gauche ne manqueront pas d’apparaître.

 

MESSAGE DE FRANCIS RIOLACCI (Lire la suite…)