Après la victoire, par défaut, des nationalistes aux territoriales. Repris du blog de Michel Stefani (lien).

A travers toute son histoire le PCF n’a jamais abdiqué

16 décembre 2015

Après l’échec des territoriales les communistes ont devant eux l’exigence essentielle d’agir pour redonner à la gauche son sens politique en Corse comme dans tout le pays. La liste PCF FDG a été la seule, représentant en tant que telle une formation politique, à franchir la barre des 5%.

C’est un point d’appui pour redevenir audibles et crédibles de celles et ceux qui, ces trois dernières années, ont été déçus par la politique sociale-libérale de plus en plus austéritaire et par le spectacle désolant d’une accumulation désastreuse, en particulier à Bastia, d’ambitions et de postures personnelles contraires au service de l’intérêt général et d’autant plus véhémentes que la réforme institutionnelle antidémocratique décuplait les appétits de « pouvoir unique ».

Les résultats du second tour des élections territoriales montrent toute la nocivité de ce mariage catastrophique de la compétitivité low cost, de la gouvernance technocratique coupée des citoyens et de l’opportunisme de quelques-uns. Le total des voix des listes censées être de (ou à) gauche était de 46 246 voix. Trois ne seront pas admises au second tour, deux fusionneront pour n’en recueillir que 42 607 soit 3 639 voix de moins. Sur 2010, le recul de 10 056 voix s’est transformé en rejet.

La campagne de l’entre deux tour, axée sur la compétence n’a pas convaincu et nous pouvons à posteriori mesurer l’intérêt relatif d’avoir durant cinq ans ouvert (ou cautionné) des débats qui sont apparus plus ou moins en décalage avec le vécu quotidien de milliers de Corses en prise avec la précarité et le chômage, la pauvreté et la cherté de la vie, la difficulté à se loger ou à se soigner. Difficile aussi de faire abstraction des choix désastreux mettant en cause la desserte de continuité territoriale dans l’aérien et le maritime au bénéfice des low cost et par la force des choses contre la SNCM et la CMN dans le maritime et contre Air France et Air Corsica dans l’aérien.

Après 25 ans de pouvoir de droite la parenthèse de « l’Alternance » se referme laissant ainsi cinq ans plus tard une gauche en lambeaux.

La droite, lestée par un FN à 10 %, n’en tire pas avantage. Le total des voix de ce « bloc » est de 54 000 voix, plus que les nationalistes à 52 839 voix, mais il est inopérant dans ces conditions. La liste « sarkosiste » LR progresse de 5 820 voix au second tour pour obtenir 40 480 et dépasse légèrement son résultat de 2010 de 715 voix.

On ne peut que constater la progression nationaliste qui s’appuie, après un premier tour en deçà, sur un bon électoral de 15 432 voix au second tour dont on peut considérer qu’il provient pour partie du saut de 7 points de participation et de ce fait du recul de l’abstention et du rejet du modèle politique ancien incarné par les listes conduites par Paul Giacobbi et José Rossi.

16 899 abstentionnistes du premier tour ont voté au second. Pour autant l’engagement de plusieurs maires socialistes ou proches du PS qui ont fait voter nationaliste ont contribué de façon évidente à la victoire nationaliste. C’est vrai à Bonifacio, Monticello, Sisco,Ventiseri, San Martino di Lota…

L’évolution « corsiste » et même « identitaire » affirmée durant les élections départementales se traduit par un gain de 3 500 voix du nouveau maire de Bastia sur le territoire de la Communauté d’agglomération (CAB). Inversement, la défaite de la gauche à Bastia a été déterminante dans ce résultat et ceux qui l’ont trahie portent désormais cette lourde responsabilité d’avoir également facilité la conquête du pouvoir régional par les nationalistes.

Par rapport aux résultats de 2010 la progression de 1 456 voix sur la région reste minime les nationalistes séparément faisaient au second tour un total de 51 383 voix. On note même un recul de 2 920 voix sur la Corse du Sud. Autrement dit un électeur sur trois a voté nationaliste, il est donc exagéré d’affirmer que cette victoire est celle du peuple corse. Elle n’est que celle des nationalistes.

Si la droite en Corse du Sud a su surmonter des divisions affligeantes post départementales, en Haute Corse elle a continué délicieusement à régler ses comptes post sénatoriales. Nolens volens Gilles Siméoni arrive en tête à Borgo, Lucciana, ou selon certains propos Paul Giacobbi devait occuper cette place. Certains s’offusquaient dans ce cas mais acquiescent aujourd’hui en expliquant que l’inverse est justifié. D’autres communes Ville de Pietrabugno, St Florent, Rogliano… ont placé la liste nationaliste en tête.

Contrairement à l’élection de 2010, 5 600 électrices et électeurs (2 600 en Corse du Sud 3 000 en Haute Corse) ont, au premier tour, fait un autre choix que celui du PCF FDG. Ce n’est pas anodin, il s’agit bien d’une sanction qui correspond à ce que nous entendions très souvent avant le premier tour : la question sociale a été trop oubliée dans cette mandature focalisée sur la réforme institutionnelle. Cette sanction s’est répétée au second tour en incluant d’autres critères notamment ceux liés aux instructions judiciaires en cours qui touchent Paul Giacobbi et son entourage.

Les schémas politiques anciens ont été rejetés à plus forte raison quand ils sont interprétés comme les symboles dépassés d’une perpétuation filiale assise sur les vieux clans et des pratiques qui heurtent les aspirations démocratiques et l’éthique politique. Paradoxe s’il en est on peut souligner ici que la politique de père en fils est devenue une qualité pour celui qui est appelé à gouverner la Corse à présent. L’avenir dira si cette consécration est celle d’un clan ou pas.

Cependant nous ne pouvons limiter l’analyse à cela comme à la seule politique de la CTC. La crise est passée par là et la politique du gouvernement Valls plus encore. Election après élection celles et ceux qui ont cru aux engagements de François Hollande ont vu leurs espoirs de vivre mieux s’effacer au fur et à mesure des ses renoncements et de sa connivence avec le MEDEF.

Dans ce contexte, la majorité régionale de 2010 n’est pas apparue comme le fer de lance de la résistance à cette politique gouvernementale désastreuse. Son chef de file d’ailleurs n’a jamais fait défaut à la majorité gouvernementale. Budgets, Pacte de responsabilité, loi NOTRe, loi Macron, alignement sur la politique européenne… Paul Giacobbi a tout voté.

Cela a eu un impact électoral même si à l’Assemblée de Corse les élus communistes FDG ont combattu seuls les choix libéraux de l’Exécutif dans les transports, la déclinaison des politiques européennes, la réforme institutionnelle et la collectivité unique avec en toile de fond le statut fiscal, le statut de résident, la corsisation de l’emploi, la compagnie régionale maritime et enfin la Casse de la SNCM et le retrait programmé d’Air France.

Au sortir de ce scrutin dans le rapport de force tel qu’il est établi que faut-il faire ?

Le devoir d’innovation consiste à relever le défi de la bataille idéologique face au programme de « l’anti France » prôné par les nationalistes, derrière lequel pointe des mesures économiques, fiscales et sociales parfaitement libérales et certaines carrément contraires aux principes républicains d’égalité de droit pour les citoyens et de laïcité comme le statut de résident et son corollaire le droit du sang.

La question du rassemblement, pour enclencher une dynamique d’espoir, doit être travaillée avec l’objectif premier de construire du neuf à gauche et d’imposer une alternative politique fondée sur la promotion du service public et la transition écologique, la solidarité nationale et le progrès social. Dans ce cadre le maintien de l’égalité de droit des citoyens et la justice sociale seront intimement liée au développement économique et à la justice fiscale.

Cette démarche s’adresse aux acteurs du monde associatifs, du mouvement social, aux femmes et aux hommes de gauche, aux progressistes et aux républicains. Les prochaines semaines seront décisives, d’autant plus pour les communistes, qu’ils vont engager la préparation de leur Congrès.

A travers toute son histoire le PCF n’a jamais abdiqué, il a pu se tromper, faire des erreurs mais sa démarche est constante et claire, ses militants intègres et déterminés. Dans l’immédiat les communistes devront tirer les enseignements de cette élection pour appréhender au mieux la situation politique nouvelle qui en découle. « A Corsica in cumunu » résume bien le choix qui est le leur de construire un monde meilleur, celui de « l’Humain d’abord ».

Michel STEFANI