Culture
Bon 90ème anniversaire ! Mikis Theodorakis : « J’ai passé les meilleures années de ma vie dans les rangs du KKE » (Parti communiste grec)
Le célèbre compositeur et militant communiste grec Mikis Theodorakis a fêté ses 90 ans le 29 juillet 2015. Nous reprenons le compte-rendu de l’hommage que lui a rendu le KKE, en sa présence, le 3 juin dernier. Traduction MlN pour Solidarité internationale PCF.
Le comité central du Parti communiste grec (KKE) a rendu hommage le soir du 3 juin 2015 au grand compositeur grec Mikis Theodorakis pour ses 90 ans. L’événement s’est tenu au théâtre Petras dans la commune de Petroupoli dans la banlieue ouest d’Athènes.
Le secrétaire général du CC, Dimitris Koutsoumbas, a pris la parole au nom du KKE. Le compositeur assistait lui-même à l’événement et a adressé un message de salutation.
“Mikis a apporté une énorme contribution à la culture du peuple.”
Dans son discours, Dimitris Koutsoumbas a souligné, entre autres, combien les chansons de M. Theodorakis avaient touché tous les peuples opprimés et persécutés dans le monde entier.
« Le génie musical de Mikis Theodorakis a contribué de manière décisive à la renaissance culturelle de la Grèce de l’après-guerre. Sa contribution culturelle est toujours restée ancrée dans les luttes et préoccupations de notre peuple (…) ses mélodies et chansons inspirées des plus importants poètes grecs. Dans les temps difficiles, les périodes de luttes rudes contre le fascisme, le capitalisme, les guerres et interventions impérialistes, les coups d’Etat militaires. Dans les périodes du soulèvement héroïque, de la floraison des idéaux révolutionnaires, comme dans les périodes de défaite, de persécutions, d’exécutions, de mesures antidémocratiques, de renoncement, de sacrifices et d’héroïsme sans limite des enfants de notre peuple dans leur combat pour un avenir meilleur, pour le socialisme et le communisme, pour une société débarrassée de l’exploitation de l’homme par l’homme. »
D. Koutsoumbas est revenu de façon détaillée sur l’activité culturelle et politique du grand compositeur, relevant qu’il a apporté récemment son soutien à la manifestation du KKE, place Syntigma, pour l’abrogation de tous les mémorandums et leurs lois de transposition tournés contre les travailleurs, suivant la proposition de loi déposée par le KKE que le gouvernement SYRIZA-ANEL refuse de mettre en discussion au Parlement. Il a conclu par ces mots : « nous célébrons aujourd’hui 90 années de création culturelle de notre peuple, auxquelles Mikis a apporté une contribution énorme, et également sa participation aux luttes historiques de notre peuple. »
M. Theodorakis: « Mon “curriculum vitae” est empli des luttes que j’ai menées dans les rangs du KKE ».
Mikis Theodorakis a pris la parole aussitôt après le secrétaire général du KKE :
« Camarade Dimitris Koutsoumbas, camarades,
Je remercie le secrétaire général ainsi que le Comité central du KKE pour le grand honneur et la joie qu’ils me donnent. Je suis très ému d’être devant vous aujourd’hui parce que j’ai vécu les années les plus intenses et les plus belles de ma vie dans les rangs du KKE. La Résistance nationale, la Guerre civile, les persécutions qui suivirent la défaite de l’Armée démocratique, l’illégalité totale lors de la lutte armée en 1944 dans les rues d’Athènes, noyée dans le sang, la tentative de renaissance avec la Gauche démocratique unie (EDA) et la Jeunesse démocratique Lambrakis [du nom du « Z » du célèbre film – NdT]. L’activité illégale lors de la mise en place du Front patriotique, dix jours après la prise du pouvoir par la junte. Ensuite comme candidat du KKE aux élections municipales à Athènes et enfin avec mon élection comme député du Parti de 1981 à 1985.
Comme vous voyez, mon “Curriculum vitae” est empli des luttes que j’ai menées depuis les rangs du KKE, luttes qui étaient couplées avec mes compositions musicales de cette période, dont les œuvres les plus importantes : « Romiosini » et les « Quartiers du monde », toutes deux sur des poèmes de Yannis Ritsos et la seconde dédiée à mon cher camarade Harilaos Florakis.
Notre grande amitié, qui a commencé en prison, est restée forte et intacte jusqu’aux derniers jours de sa vie. Quand j’étais député, il avait voulu que mon bureau soit installé au 6ème étage de l’immeuble de Perissos, en face du sien. Nous sommes tous les deux sortis, vous voyez, de la fournaise de la Résistance nationale et de la Guerre civile, avant que, dans la période de la Junte, on nous menotte ensemble, main contre main, pour différents transferts de prisons en hôpitaux. Cela nous a liés à jamais.
C’était un communiste loyal et un grand dirigeant, ouvert, sérieux, sage, à l’esprit trempé. Il me manque et je crois qu’il nous manque à tous. Maintenant j’ai l’impression qu’il est présent parmi nous dans cette grande rencontre et cela me remplit d’émotion.
Pour cela, en conclusion de ce message de remerciements, permettez-moi de dédier l’événement d’aujourd’hui à Harilaos Florakis, figure de vrai communiste et de vous remercier à nouveau pour l’honneur que vous me faites et qui représente, dans un sens, la justification de toute une vie ».
Un moment unique.
Ce fut un moment unique et particulièrement émouvant de la soirée quand Dimitri Koutsoumbas, au nom du Comité central du KKE, remit à Mikis Theodorakis une copie sortie des archives du parti du message de Noël que Mikis écrivit en décembre 1969 quand il était interné à la prison d’Oropos.
Un grand concert s’est déroulé ensuite avec plus de 30 chansons connues de M. Theodorakis, jouées par des musiciens réputés.
La vidéo du concert en lien:
Boris Taslitzky: L’insurrection victorieuse de Buchenwald (11 avril 1945)
Interview de Boris TASLITZKY par Jean ROLLIN, L’Humanité, 3 mai 1965
Pour le 20e anniversaire de la libération des camps
B. TASLITZKY a peint :
« L’insurrection victorieuse de Buchenwald »
Boris Taslitzky vient d’exécuter « L’insurrection victorieuse de Buchenwald » (11 avril 1945), pour le musée de Saint-Ouen où cette vaste composition a déjà trouvé place.
— « Si mon tableau a pour sujet cette action et ce lieu, nous a dit l’artiste, il a dans l’esprit de son auteur une valeur plus générale. Il est un hommage à tous les déportés de toutes les nationalités qui se sont battus et ont résisté à l’entreprise d’abaissement, qu’ils aient vu ou non la victoire. Un hommage aux combattants de tous les camps, même si les circonstances de notre vie à tous ont fait que ce jour là c’est à Buchenwald que cette action a eu lieu, a pu avoir lieu. »
— Votre œuvre se signale par un mouvement vraiment extraordinaire. Ce que vous avez représenté avec tant de fougue, c’est bien la ruée des combattants sur les postes allemands.
— Oui, et pour cela, j’ai situé mes personnages dans l’angle visuel des sentinelles, imaginant ce que celles-ci durent voir et non ce que je vis moi-même ce jour-là. S’agissant d’une attaque frontale, c’est esthétiquement une attaque frontale que mon tableau propose au spectateur.
— Vous êtes aussi l’auteur de cent onze dessins faits à Buchenwald et de trois grands tableaux consacrés à la déportation : « Le Wagon des déportés » (musée de Saint-Denis) ; « Le petit camp de Buchenwald » (Musée national d’Art moderne) ; « la mort de Danielle Casanova » (musée de l’Histoire de Montreuil). C’est la douloureuse épopée des camps que célèbre ainsi une partie importante de votre création.
— « Les œuvres que vous venez d’énumérer sont dédiés à la grandeur du martyre et à la dignité des déportés. Dans mon dernier tableau, j’ai voulu clore cette série par l’image d’un haut fait accompli par les internés de Buchenwald le 11 avril 1945, et qui les libéra les armes à la main. Je l’ai fait dans l’esprit qui fut constamment le nôtre du jour de notre entrée dans l’action clandestine à celui de notre libération, c’est-à-dire dans l’optique et l’action du combat. »
— La réalisation de « L’insurrection victorieuse de Buchenwald » coïncide avec le 20e anniversaire de la libération des camps. Une telle circonstance n’est sans doute pas étrangère au choix que vous avez fait de votre sujet ?
— Certainement mais de toute façon j’avais besoin de peindre ce tableau, ne fût-ce que pour rappeler ceci : la déportation ne fut pas seulement l’époque du martyre, mais elle continua à être celle de la Résistance, au cours de laquelle des êtres nus et désarmés surent ne rien céder à leur dignité et, en fin de compte, réussir à vaincre en combattant. J’ai assez de ne voir que des larmes sur notre souvenir. Je tiens à ce que l’on sache et comprenne que, jusque dans le gouffre, nous fûmes des soldats. Que nul ne l’oublie comme nous ne l’avons pas oublié nous-mêmes, ni non plus pardonné, car le pardon ici ne s’adresserait qu’à l’ordre nazi, ce qui constituerait un crime de lèse-humanité. La réconciliation franco-allemande passe nécessairement par le châtiment des hitlériens par le peuple allemand lui-même. »
Jean ROLLIN
Sur une plage de Gaza en 2014: Les poignantes sculptures d’Iyad Sabbah représentent des victimes de la guerre israélienne
Vivelepcf, 21 dimanche 2014
La nuit dernière, pour la première fois depuis la trêve, l’aviation israélienne a à nouveau bombardé Gaza. Il n’y a pas eu de pertes humaines mais on imagine ce que ces bruits et images réveillent de terreur dans une population meurtrie, enfermée dans sa désolation.
Dans sa spirale stratégique de la guerre, l’état et l’armée israéliens ont bombardé, attaqué la bande de Gaza pendant 50 jours et tué 2100 Palestiniens, franchissant un nouveau pas dans la violence et le crime. Cela restera un des événements les plus sombrement marquants de l’année 2014, par sa gravité, son horreur et le rayonnement politique de sa déflagration.
En octobre dernier, un artiste originaire de Gaza a rendu de façon pudique et poignante le drame vécu. Le sculpteur Iyad Sabbah a disposé des statues d’argile dans le faubourg côtier, dévasté, vidé, de Shijaiya. Elles représentent des familles fuyant le feu, exténuées. Les visages sont inexpressifs, les corps tachetés de rouge.
Cette matérialisation est bouleversante. Elle évoque ces moulages des vides laissés par corps des victimes de Pompéi sous les braises et les cendres. Sauf que là, ce n’est pas le Vésuve, ni même la cupidité de quelques promoteurs romains, qui est la cause de la mort. C’est l’impérialisme israélien !
Liberté – Jean Lurçat – Paul Eluard
Jean Lurçat
1943
2,83 x 3,64 m
atelier Picaud, Aubusson
Donation Simone Lurçat, 1988
Sur un fond ocre jaune se détachent, au centre, deux astres passant l’un devant l’autre telle une éclipse. Dans les quatre coins de la tapisserie, on peut lire des extraits du poème de Paul Eluard, Liberté ; les derniers mots du poème viennent s’inscrire dans l’astre solaire :
… Pour te connaître / … Pour te nommer / Liberté
Jean Lurçat et Paul Eluard ont côtoyé une génération d’artistes et de mouvements culturels d’avant-garde comme le Surréalisme. Issus de la même génération, ils ont tous deux traversé deux guerres mondiales, connu un engagement politique fort aux côtés du Parti communiste et pris une part active à la Résistance.
Le questionnement sur la paix et la liberté est au cœur de leurs œuvres.
La tapisserie, composée et tissée clandestinement en 1943, montre qu’une œuvre tissée peut être engagée et peut dépasser sa vocation purement décorative.
Le soleil rayonnant de flammes rouges apparaît comme générateur de vie et figure aussi l’espoir. En contraste, la guerre est peut-être représentée par l’astre sombre placé devant le soleil. Cette ombre contient des figures de crânes éparpillées, images de destruction et de mort. Le coq placé au-dessus du soleil revêt plusieurs significations, comme le coq français. Il est peut être ici une évocation de la victoire, un symbole triomphant de la résistance à l’ennemi.