Décès de Roger Garaudy, précurseur de la mutation-liquidation du PCF

Vivelepcf, 29 juin 2012

La direction du PCF n’a pas réagi à la mort le 13 juin 2012, à l’âge de 98 ans, de Roger Garaudy. Cet homme a joué pourtant un rôle non négligeable dans le mouvement communiste, notamment comme membre du Bureau politique du PCF entre 1956 et 1969.

On comprend que la direction du PCF ne s’associe pas aux thèses indéfendables remettant en cause l’existence des chambres à gaz que Garaudy a reprises à partir de 1996. Y-a-t-il continuité, dérive dans les fois successives qu’a embrassées Garaudy du protestantisme à l’islamisme « tiers-mondiste » en passant par le catholicisme sinon, pour lui, par le « stalinisme » et le communisme ? La question de son évolution personnelle n’est pas celle qui se pose d’abord pour nous communistes.

Mais les idées que Roger Garaudy défendait quand il a été exclu du PCF en 1970 annoncent tellement les termes qui ont justifié la « mutation » engagée depuis 1993 et l’avènement de Robert Hue qu’il nous semble encore plus anormal et ingrat de la part de la direction du PCF d’ignorer sa mort.

A ses obsèques à Champigny-sur-Marne,  n’étaient présents que Christian Favier, sénateur PCF, président du Conseil général du Val de Marne, « à titre privé », et Gaston Viens, ancien maire communiste d’Orly, qui a quitté le PCF depuis des années dans la mouvance « reconstructrice/refondatrice ».  Un article du journaliste et philosophe Arnaud Spire a aussi évoqué Garaudy dans l’Huma. C’est tout.

Pourtant au début des années 1990, Garaudy et ses thèses étaient revenus en odeur de sainteté dans la nouvelle direction du PCF. Garaudy était invité par Francette Lazard, une des initiatrices du processus de mutation (liquidation) du PCF, à la tête alors de l’Institut de recherche marxiste. Garaudy était un soutien de Robert Hue en 1995, régulièrement cité dans l’Humanité.

En 1970, Garaudy avait eu le courage d’exprimer à tous les niveaux ses divergences et de s’affronter à la cohésion du Parti telle qu’elle était alors conçue et dont les facteurs étaient un élément de sa force, peut-être aussi de sa faiblesse (c’est une autre question).

Mais Garaudy avait-il raison, contre tous, en tout cas contre ceux qui s’exprimaient, dans ses critiques fondamentales de la forme d’organisation et de la perspective du PCF ?

Pour nous, la réponse est clairement non.

Au nom, déjà, de la « révolution technique et scientifique », de la « cybernétique », il remettait en cause le concept de classe ouvrière et transférait son rôle révolutionnaire à un « bloc historique » indifférencié. En cohérence, il remettait en cause les principes d’organisation du parti communiste, préconisant, avec les mêmes formules creuses cachant le réformisme que celles qui allaient être reprises par la direction ensuite, un parti comme « centre vivant et rayonnant de la vie française dans son mouvement vers l’avenir ». A la recherche d’un syncrétisme entre sa foi religieuse et son engagement politique, il a été de même précurseur d’un « humanisme marxiste » qui annonce l’abandon de la rupture révolutionnaire socialiste, sinon « l’humain d’abord ». Ses critiques du PCF, son exclusion assumée sinon recherchée, ses condamnations de l’Union soviétique lui valurent aussi une utilisation par les media bourgeois contre le Parti et le camp socialiste, sans cependant « qu’il crache dans la soupe » contrairement à d’autres.

Le 12 avril 1995, Arnaud Spire dans l’Humanité estimait que « depuis que Garaudy a été exclu du PCF en 1970, son cheminement singulier, du christianisme à la religion musulmane, n’a pas dévié de la grande route de la libération humaine » (l’humain, déjà, encore !) et lui faisait répondre dans l’interview qui suit qu’il y avait une « constance de principe dans son appel à voter Robert Hue ».

La « constance de principe », le courage d’assumer ses positions, jusqu’à l’inexcusable, sont sans doute ce sépare Garaudy d’intellectuels et dirigeants du PCF qui ont fini par suivre la voie révisionniste qu’il a ouverte dans les années 60.