Un relent d'ancien régime...

Vivelepcf, 28 mai 2014

Faute d’alternative politique réelle, Hollande et Valls utilisent leurs défaites électorales pour accélérer leurs contre-réformes et même pour charger la barque.

A côté de l’annonce de 11 milliards d’euros par an de cadeaux supplémentaires au patronat, dans le cadre du « pacte de responsabilité », ils programment des fusions de régions et la disparition des départements.

Sarkozy en avait rêvé mais n’avait pas osé l’entreprendre. Hollande se sent en état de précipiter le démantèlement de la démocratie locale que le rapport Attali de 2008 et la Commission Balladur préconisaient.

L’objectif est plus que jamais de détruire l’échelon qui porte historiquement l’égalité des territoires : le département, de constituer de grandes féodalités, « métropoles », ou eurorégions, en concurrence les unes avec les autres, directement liées à l’Union européenne.

Les coupes budgétaires annoncées dans les dotations aux collectivités locales atteignent 11 milliards d’euros par an, soit 15% de leurs dépenses d’investissement. Elles vont de pair avec les objectifs de casse structurelle.

Le comblement des déficits publics – que les gouvernements creusent eux-mêmes -, l’allègement du soi-disant « millefeuille territorial » servent de prétextes à la contre-réforme. Des dizaines de milliers d’emplois, les services publics et sociaux remplis par les collectivités sont directement menacés.

Mais la pénurie de moyens servira aussi à accroître les inégalités entre les nouvelles collectivités et leur dépendance au patronat, aux banques, à l’Union européenne.

Le pouvoir sait quelle est la profondeur de l’attachement populaire aux départements, même aux régions. Il louvoie.

Il s’y prend en plusieurs étapes en attaquant d’abord les conseils généraux (conseils départementaux), seule institution départementale ayant une légitimité démocratique propre. Hollande et Valls veulent les priver tout de suite de leur « compétence générale » qui leur permet d’intervenir sur toute question relative à la vie départementale, même hors de leurs prérogatives spécifiques. Ensuite, ils veulent carrément les supprimer et supprimer les cantons, les élections cantonales. A terme, l’administration départementale – préfecture, sous-préfectures, directions départementales etc. – tomberaient d’elles-mêmes.

Les populations peuvent mesurer le danger. Leur attachement aux départements est bien plus que « sentimental », tel que le refus de la suppression des numéros de département des plaques minéralogiques l’avaient montré.

En Martinique, en Guadeloupe en 2003, en Haute-Corse et Corse-du-Sud en 2003, dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin en 2013, à chaque fois, les électeurs ont voté NON à la disparition de leur département.

Aussi, la ministre Lebranchu exclut d’emblée toute consultation populaire, tout référendum cette fois-ci. Elle indique que les départements pourraient ne pas être supprimés tous en même temps, ni suivant les mêmes modalités : les uns seraient intégrés à des métropoles, d’autres à des régions, d’autres maintenus un temps.

Les agissements du mouvoir traduisent combien les forces existent pour mettre en échec sa « réforme » territoriale. Pour nous communistes, la bataille pour la défense des départements, avec toutes ses contradictions, s’intègre dans les luttes immédiates prioritaires pour commencer à faire reculer la politique au service du capital.

 

Nous reproduisons ci-dessous l’analyse du rapport Attali que nous faisions en février 2008, toujours aussi actuelle.

Pourquoi Attali (et d’autres) veulent-il abattre le département ?

 

Les élections cantonales approchent. Sarkozy a dû désavouer une des propositions du rapport Attali. Difficile en effet de faire élire des conseillers généraux UMP aux assemblées départementales tout en se prononçant pour la suppression des départements. Mais tout laisse entendre que ce n’est que partie remise. D’ailleurs Attali a donné dix ans pour une disparition progressive.

L’attaque contre l’échelon gouvernemental ne date pas de ce gouvernement.

 Son prédécesseur avait tenté de s’attaquer à ceux qu’il considérait comme des maillons faibles.

Il a échoué devant la résistance populaire et perdu les référendums visant à supprimer les départements des Antilles et de Corse. Sur un autre plan, avec la complicité de
l’Union européenne, le pouvoir s’attaque à un autre symbole fort : la référence au département sur la plaque d’immatriculation qui devrait être abandonnée à compter du 1
er janvier 2009. Là encore, l’opposition des Français est manifeste.

 D’où vient cet acharnement des représentants du capital contre le département ?

 Les gouvernements ont conféré de façon assez arbitraire depuis la décentralisation de 1982 un certain nombre de compétences aux départements, notamment en matière d’action sanitaire et sociale (RMI, aide aux personnes âgées…), de culture et d’éducation (collèges), de transports et d’aménagement du territoire. Une remise en cause du département permettrait de revenir sur un certain nombre d’acquis sociaux dans ces domaines.

Mais les raisons principales sont plus fondamentales. L’attaque contre les départements  s’intègre dans la remise en cause des fondements de l’Etat républicain. Le département, créé en 1790 par l’Assemblée constituante, a rompu avec les particularismes et aberrations territoriaux d’origine féodale. Comme division administrative, bien au-delà des prérogatives des conseils généraux, il porte une conception de l’égalité des territoires et des citoyens devant l’Etat.

L’amélioration des transports et des communications n’a pas modifié ce caractère structurant de l’unité du pays. Elle a davantage fait du département, des préfectures et sous-préfectures, un maillage de proximité des services de l’Etat et des services publics. Sur cet aspect, on voit comment la volonté de supprimer le département s’apparente à celle de
supprimer, par exemple, les tribunaux, avec la « réforme » de la carte judiciaire de Rachida Dati.

Construit par l’Histoire, l’attachement des citoyens au département correspond à une forme d’adhésion au modèle républicain national.

Objectivement celui-ci est devenu un obstacle au capitalisme. La Nation en général, la nation française en particulier avec son héritage révolutionnaire et ses acquis démocratiques, l’égalité républicaine, la conception du citoyen, la laïcité… représentent une résistance au développement de la mondialisation capitaliste.

Pour la combattre sur le plan des territoires, ses serviteurs s’emploient à renforcer deux échelons:

- d’une part l’UE, entité lointaine, incohérente, niant la réalité des peuples et donc leur expression démocratique, correspondant naturellement à la domination des multinationales.

- d’autre part les régions, voire les « euro-régions », dont ils sont prêts à inventer de toutes pièces des particularismes identitaires. Entités inégales, nouvelles féodalités, les régions sont conçues en opposition, comme contre-pouvoirs à l’Etat-nation démocratique que l’on veut dévitaliser devant l’UE.

Les départements français sont trop petits pour constituer des régions de ce type. Leur histoire comme leur réalité d’aujourd’hui les rattachent indissociablement au modèle républicain et à l’Etat-nation.

Pour les Attali, Sarkozy, Barroso : il faut détruire les départements !