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Royaume-Uni : victoire électorale en trompe-l’œil des Conservateurs mais nouvelles menaces bien réelles pour les travailleurs

Brève, vivelepcf, 10 mai 2015

Le Parti conservateur britannique a remporté la majorité des sièges à la Chambre des Communes à l’issue des élections législatives du 7 mai 2015. Il n’en faut pas plus à certains observateurs et politiciens en France pour vanter un soutien populaire à la politique « néo-libérale » poursuivie par le premier ministre reconduit, David Cameron, et à sa prétendue réussite.

Ce n’est pas – et loin de là – la vérité traduite dans les résultats électoraux en voix.

Les partis de la coalition au pouvoir sortante, le Parti conservateur et le Parti Libéral-Démocrate, avaient remporté 57,3% des suffrages exprimés en 2010. En 2015, ils reculent à 44,7%. La sanction est indiscutable. Mais le PLD s’effondre seul. Il est objectivement victime de l’écart entre ses positions affichées vaguement socio-démocrates et son alignement total au gouvernement sur les Conservateurs.

Le système électoral britannique est l’un des plus iniques. Le mode de scrutin est majoritaire uninominal à un tour dans les 650 circonscriptions découpées dans le pays. Il a permis aux Conservateurs d’obtenir la majorité absolue avec 331 sièges bien que n’ayant obtenu que 36,8% des votes.

Les Libéraux-démocrates sont quasiment rayé de la chambre des Communes, passant de 56 à 8 sièges.

Le parti de Cameron va gouverner désormais seul. Mais il n’a reçu le soutien – en tenant compte de l’abstention (33%)- que de seulement un électeur inscrit sur quatre. On est très loin d’un vote populaire de confiance !

Le Parti travailliste, malgré un léger progrès – il passe de 28,9% à 30,4% – perd 24 députés. Dans le  détail, le Labour gagne des sièges en Angleterre mais en perd 50 en Ecosse, où le Parti national écossais (Scottish National Party – SNP) est arrivé en tête dans 56 des 59 circonscriptions. Avec 4,7% nationalement, le SNP remporte 8,6% des sièges.

S’il est erroné d’interpréter les résultats de ces élections comme un soutien à la politique d’austérité, d’aide effrénée au patronat et à la finance, d’abandon social et de guerre de Cameron, on doit reconnaître que le système et l’idéologie dominante ont su étouffer toute alternative, même éviter toute alternance et su détourner les colères populaires.

Le leader travailliste, maintenant démissionnaire, Ed Miliband a certes infléchi à gauche le programme du Labour, réclamant notamment un renforcement de la fiscalité des plus privilégiés. Mais l’expérience des mandatures de casse sociale de Tony Blair et Gordon Brown, auxquelles il a personnellement participé, est encore très fraiche. Le Labour porte aussi des positions pro-européennes. Les luttes sociales n’ont pas (encore) atteint un niveau amenant le système à recourir à une alternance travailliste.

Le système a réussi à promouvoir plusieurs expressions politiques de diversion.

La poussée de l’extrême-droite nationaliste est peu soulignée dans les médias, elle n’en est pas moins inquiétante. Si le Parti UKIP (« Garder le Royaume-Uni ») ne remporte qu’une seule circonscription, il atteint nationalement 12,6% des voix, en progression de 9,5% par rapport à 2010. UKIP a pris des voix dans les classes laborieuses longtemps acquises aux travaillistes. Son discours xénophobe, violemment anti-immigrés (notamment dirigé contre les travailleurs surexploités d’Europe de l’Est) a pris dans les catégories condamnées aux contrats de travail « à zéro heure ».

Dans les conditions spécifiques du capitalisme financier britannique, UKIP dévoie encore plus facilement que dans les pays du continent, sur un mode nationaliste, le rejet de l’Union européenne du capital. L’annonce confirmée après sa reconduction par Cameron d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne d’ici deux ans est de nature à enfermer tout le débat politique dans le faux dilemme entre les replis nationalistes et la collaboration de la finance britannique (hors zone euro) avec les capitalistes européens continentaux.

Parallèlement, les Conservateurs et la grande presse ont érigé le Parti nationaliste écossais (SNP) au rang d’adversaire privilégié, susceptible de tenir en otage le Labour. Ils ont abondamment fait vibrer la fibre nationaliste « britannique » contre le nationalisme écossais. La tactique a parfaitement fonctionné en Ecosse en faisant perdre la quasi-totalité des députés travaillistes écossais sortants au profit du SNP.

Le SNP est pourtant un parti bourgeois dont le nationalisme modéré masque le soutien aux possédants. Sa rhétorique démagogique consiste à dénoncer violemment la politique antisociale de Londres tout en approuvant exactement les mêmes orientations, mais discrètement, à Edimbourg et à Bruxelles.

A peine les élections passées, le gouvernement autonome écossais, tenu par le SNP, vient d’annoncer une nouvelle étape dans la privatisation des chemins en Ecosse et le passage de « ScotRail » sous le contrôle d’un groupe … néerlandais. Comme quoi, nationalisme bourgeois et souveraineté populaire n’ont pas grand-chose à voir !

Les militants progressistes écossais, notamment syndicalistes, qui s’étaient laissés abusés, lors du référendum, par le mirage d’une alternative sociale avec l’indépendance, dénoncent maintenant heureusement la politique du SNP et rengagent la lutte.

Ecossais, Anglais, Gallois, pour tous les travailleurs britanniques, c’est la seule voie politique contre l’aggravation prévue de la politique de Cameron.  

Elections régionales en Andalousie : percée très relative des opportunistes de Podemos et chute de la « Gauche unie » (Izquierda unida) englobant le PCE. Enseignements.

EDT pour Vivelepcf, 24 mars 2015

Soutien aux communistes espagnols qui veulent libérer le PCE de la "Gauche unie"!

Le 22 mars 2015, les élections régionales en Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne, ont largement déjoué les sondages et les pronostics. Le Parti socialiste (PSOE) reste en tête avec 36% des suffrages, 4% de moins qu’en 2012. Le Parti populaire (droite) subit un violent vote sanction perdant 13% mais reste à la deuxième place avec 27% des voix.

Le tout récent parti à la mode dont tout le monde parle en Europe, Podemos, s’il fait une percée avec 15%, n’est pas en état de renverser la vie politique régionale et ne sera peut-être pas en état de le faire, comme annoncé, aux élections nationales de la fin de l’année.

« Podemos » (« Nous pouvons » suivant le « Yes, we can » d’Obama) est un ovni politicien créé par des professeurs de science politique qui ont modélisé, optimisé suivant une « théorie des jeux », l’opportunisme et le populisme politiques (de « gauche »), surfant sur toutes les vagues et les lunes, notamment celle de « l’indignation », celle de l’écologie durable, celle de la démocratie participative, sur la dénonciation de la corruption, celle de l’austérité, sur toutes les questions de société possibles…

Les instigateurs de Podemos prônent une démocratie directe inédite. En fait, dans leur nouveau parti, celle-ci comporte trois échelons de représentation. Le premier, ce sont les braves gens qui sont tirés au sort par internet pour causer toujours et s’exprimer en votant par internet… C’est la terre. Le deuxième, ce sont ces nouveaux notables qui se cooptent en direction inamovible pour contrôler l’expression du mouvement pseudo-spontané. C’est le ciel. Le troisième, c’est le leader, l’icône médiatique, Pablo Iglesias. C’est Dieu.

Mais cette création politique, à mi-chemin entre le « Mouvement Cinq Etoiles » italien de Beppe Grillo (sans le côté xénophobe) et le parti Syriza grec d’Alexis Tsipras (sans l’origine politique traditionnelle), semble déjà avoir du plomb dans l’aile. Ce serait tant mieux. Les déboires prévisibles de Syriza en Grèce commencent à discréditer ses propositions affichées. D’ailleurs, Iglesias recentrent son discours. Les révélations sur les malversations fiscales du n°3 de Podemos ont aussi fait mauvais effet.

Podemos semble être mis en avant par l’idéologie dominante en Espagne pour être une force de diversion pour le mouvement populaire mais non pour devenir un parti de pouvoir comme Syriza.

Devant les difficultés de la droite au pouvoir et les scandales à répétition touchant le PP, le PSOE et la famille royale, un mouvement centriste est ressuscité, 40 ans après  Adolfo Suarez. Les Ciudadamos d’Albert Rivera font leur entrée au Parlement andalou avec 9% des voix : une sorte de Bayrou 2007, mis en avant par le système pour diversifier et contrôler l’offre politique, en complément de Podemos.

La défaite la plus cinglante est enregistrée par la coalition de la « Gauche unie » – Izquierda Unida, IU qui englobe le Parti communiste espagnol. L’Andalousie est la fédération la plus forte du PCE, représentant autour de la moitié de ses adhérents dans le pays et ses principales positions électives. IU perd 7 des 12 sièges qu’elle avait obtenus en 2012, reculant de 11,3% à 6,9% et passant de la 3ème à la 5ème et dernière place des partis représentés.

Cette chute s’explique aisément. Après 2012, IU, souvent allié local du PSOE dans les institutions, a fait le choix de servir de force d’appoint à la social-démocratie dans l’exécutif régional andalou, en contradiction pourtant avec l’orientation de sa campagne de 2012 qui mettait en cause la gestion du PSOE. Avec l’aggravation du discrédit national du PSOE, le rejet croissant des politiques européennes d’austérité relayées régionalement, devant la poussée médiatisée de Podemos, IU s’est retrouvée dans une situation de moins en moins tenable. Le PSOE décide de rompre l’alliance avec IU et de provoquer ces élections anticipées en Andalousie pour prévenir la poussée de Podemos et retrouver de la légitimité. IU, entre deux chaises, a logiquement payé le prix fort de la rupture de la coalition, plus cher que le PSOE, en récusant le bilan de la politique régionale dont elle était elle-même partie prenante.

IU et le PCE paient à nouveau également leur stratégie d’abandon de l’organisation communiste et des positions révolutionnaires engagée depuis plus de 20 ans. Podemos fait ses vaches grasses des reniements de la direction du PCE. Podemos ne porte pas le poids de ses compromissions électoralistes et institutionnelles. Aux feux de l’idéologie dominante, Podemos, dénué de toute notre tradition communiste, est bien plus apte à séduire sur des positions pro-européennes, des engagements limités aux questions de société sur fond de la dépolitisation générale de la classe ouvrière et de ses organisations syndicales à laquelle a participé gravement la direction du PCE. Stade suprême du masochisme d’IU : l’accueil bras ouvert par les dignitaires du Parti de la gauche européenne des députés européens de Podemos dans le même groupe « GUE-NGL » qu’eux au Parlement européen.

Nous ne pouvons qu’espérer que le choc des élections en Andalousie précipite la réaction et l’organisation des communistes, dans le PCE, pour un changement de cours. Des évolutions prometteuses nous sont relatées venant de plusieurs autres régions et des Jeunesses communistes, avec des militants qui prennent l’initiative dans les luttes, notamment avant la manifestation du 14 avril à Madrid.

Evidemment, l’expérience espagnole nous touche directement dans notre propre expérience française.

Vœux de Hollande : un ton énergique pour mieux endormir !

Vivelepcf, 1er janvier 2015

Dans ses vœux pour la nouvelle année, le Président Hollande s’est voulu énergique, volontariste. Il a dénoncé le dénigrement de la France pour lui substituer un peu de vaine gloriole (« cinquième puissance du monde », « deux prix Nobel cette année »). Contrairement aux années précédentes, il n’a pas pleuré sur la crise internationale qui conditionnerait les choix nationaux. Changement de ton mais non de politique !

Mais pourtant rien ne va ! Hollande n’a pas pu complètement ignorer les difficultés quotidiennes croissantes du plus grand nombre. A nouveau, il a insisté sur sa priorité de réduire le chômage, qui est au plus haut. C’est à se demander si le gouvernement n’entretient pas un haut niveau de chômage pour mieux prétexter sa politique de casse sociale. Poser la question, c’est y répondre. Pas un mot de Hollande sur les salaires, les retraites et la chute du pouvoir d’achat.

Hollande s’est évertué à présenter la « réforme territoriale » et le « Pacte de responsabilité » comme des faits accomplis, dont il se prévaut. Il ne serait plus temps de contester le plus gros transfert – 41 milliards d’euros par an – jamais organisé des salaires et du salaire socialisé vers le patronat et le profit capitaliste. Il indique un chemin de repli à la « gauche » et aux syndicats : « aux entreprises maintenant d’embaucher et d’investir », c’est-à-dire négociez des contreparties au Pacte bien sûr sans le remettre en cause.

On a senti Hollande impatient d’ailleurs que le nouveau cycle de « négociations » pour la « modernisation du dialogue social » aboutisse pour plus et mieux de collaboration de classe.

Toujours rétrospectivement, au titre des « avancées sociales », Hollande a mis en avant le « compte pénibilité », pourtant illisible et qui entretient la pénibilité au travail plus qu’il ne la combat ou la compense, et les « jeunes professeurs mieux formés », mais beaucoup moins payés : ils apprécieront.

Ceci dit pour 2015, Hollande n’a quasiment rien annoncé de précis qui concrétise la nouvelle année de sacrifice promise l’avant-veille dans la presse espagnole par Manuel Valls. Il s’est étendu sur la fumeuse perspective de la conférence climat  à Paris en décembre et a donné le nouveau débat sociétal de diversion de l’année : l’euthanasie.

Mais dans le domaine économique et social,  il n’a insisté que sur le projet de loi Macron « sur l’économie » qui doit être discuté dans les prochaines semaines. Il a osé le présenter comme un « coup de jeune pour la société ».

La loi Macron, très disparate, dont la seule cohérence est la satisfaction des lobbys patronaux, apparaît de plus en plus autant comme un coup politique que comme une somme de  mauvais coups économiques et sociaux. Communistes, il va de soi que nous en combattrons tous les aspects négatifs, dont l’extension du travail du dimanche, la remise en cause des prud’hommes, la privatisation des aéroports, l’extension des transports par car contre le chemin de fer etc.

Mais nous constatons aussi comment le débat public sur la Loi Macron commence à nourrir toute les confusions politiques dans l’opinion. Des corporations marquées à droite, soutenues par la droite (et l’extrême-droite), notaires ou huissiers, apparaissent en pointe. Cette partie du PS, « frondeurs » et Aubrystes, qui a laissé passer le Pacte de responsabilité et voté pour la casse de la SNCF, se refait une virginité en découvrant les vertus du repos dominical et retrouve Mélenchon et ses nouveaux amis « verts ».

Hollande sait ce qu’il fait. Plus que jamais, communistes, nous combattons toute la cohérence de la politique qu’il mène de la même façon que ses prédécesseurs. Nous ne confondrons pas le souci de rassemblement des travailleurs, de convergences avec la remise en selle d’une équipe social-démocrate de recours, avec les politiciens qui ont propagé des illusions avant 2012, qui se réfèrent encore au programme électoral de Hollande et qui adhèrent à la tromperie de l’Union européenne.

2015, pour le système, c’est déjà le dernier virage avant la ligne droite des élections présidentielles de 2017. L’omniprésence médiatique, même sur un mode mineur, du Président contribue à focaliser les esprits sur ce leurre institutionnel, comme la mise en scène des primaires à droite. Hollande a rappelé qu’il serait là « jusqu’au bout » levant toute hypothèse, improbable, d’élection anticipée. Dans ce cadre, à nouveau, il n’a pas manqué hier de raviver le rôle de repoussoir et de déversoir que le système assigne au FN et d’assimiler tout rejet de l’UE du capital au « populisme ».

Se voulant soucieux du chômage, Hollande a pourtant été muet sur la collaboration de son gouvernement à la casse industrielle du pays, dont après Arcelor-Florange, Alstom est peut-être le pire exemple, avec la scandaleuse opération Montebourg. Il a été muet sur les 8000 suppressions d’emplois à La Poste. Il s’est gardé de se vanter de la dissolution de la SNCF avec la « réforme ferroviaire » et de l’opposition déterminée qu’elle suscite. Qui ne dit mot entend continuer sur la même voie, même discrètement.

De même, on n’a rien entendu sur la Sécurité sociale pour 2015. Mais Hollande a présenté honteusement la fin de l’universalité des allocations familiales comme une mesure de justice sociale et s’est félicité de la suppression complète des cotisations sociales patronales pour les salaires au niveau du SMIC avec le « Pacte de responsabilité ». Cela donne une idée des politiques à venir.

La continuité marquera aussi en 2015 la politique étrangère de Hollande au service des impérialismes français, européens et américain. Hollande s’est lourdement réjoui dès le début de son intervention des « succès » de la diplomatie française en omettant cette année de rendre hommage aux soldats français morts. 2014 restera marqué par le soutien inconditionnel à la guerre et aux crimes israéliens à Gaza, au soutien à un coup d’Etat et à des fascistes en Ukraine, à des interventions sans fin en Afrique etc. Mais on continue…

Nous aussi, nous continuons ! La colère sociale gronde. Les luttes se multiplient. La résignation entretenue avec les désillusions d’après 2012 s’estompe. Tomber dans les pièges renvoyant à de nouvelles illusions en 2017, réformistes ou bien pire, fascistes, n’est pas une fatalité.

2015 peut et doit être l’année de grandes campagnes de lutte, précises et convergentes, pour la défense de la Sécurité sociale, des services publics, pour des nationalisations, contre l’alignement sur l’Union européenne, pour la paix, pour commencer à inverser la politique au service du capital. Sans oublier que le Président n’est qu’un rouage du système.