Agriculture

Filière sucre / Sucrerie d’Origny : comprendre et repousser les menaces entraînées par la fin des quotas voulue par l’UE et le patronat

Analyse tract – section d’Origny-Saint-Benoîte (02) – Repris du site du PCF Saint-Quentin

Fin des quotas sucriers et entrée dans la concurrence mondialisée

En mars 2013, à Bruxelles, les ministres de l’agriculture des pays de l’UE ont décidé la fin, à compter du 1er octobre 2017, du système des quotas sucriers en vigueur depuis 1968.

Désormais, d’une part, les entreprises sucrières européennes peuvent produire autant qu’elles le veulent. D’autre part, les prix minimums garantis de la betterave et des produits transformés sont supprimés. C’est donc à la libéralisation totale du marché européen, à l’établissement d’une concurrence totale, déloyale et faussée, entre producteurs des pays de l’UE auxquels nous assistons. Cette étape accélère l’insertion totale de la filière sucrière française dans la concurrence sauvage mondiale, avant la suppression des droits de douane restants au niveau de l’UE.

Depuis 50 ans, le système réglementé des quotas a permis une relative prospérité au secteur, le développement d’une industrie performante en France (premier producteur européen), une réponse satisfaisante aux besoins (la production couvre grosso modo la demande au niveau de l’UE), une rémunération correcte des cultivateurs de betteraves, l’emploi de 25.000 salariés en France.

Alors qui a intérêt au grand chamboulement, à l’entrée dans une guerre commerciale sans merci?  

Sans être identique, la situation du sucre rappelle celle du beurre. Depuis la fin des quotas et la libéralisation totale du marché, des milliers d’exploitations laitières, des dizaines de milliers d’emplois agro-industriels ont été supprimés, en concurrence avec les producteurs à « bas coûts ». Et maintenant, les spéculateurs organisent la pénurie de beurre en France et la flambée des prix, jouant un marché contre un autre pour augmenter encore leurs profits!

Le marché spéculatif du sucre est tout aussi instable. Les cours mondiaux ont baissé d’un quart, rien qu’au premier trimestre 2017, à la bourse de New York. Ils sont largement inférieurs aux cours européens actuels. Parmi les données principales du marché mondial : Depuis 40 ans, au Brésil, devenu premier pays producteur, les multinationales ont développé une industrie à très bas coût, profitant de plantations de cannes à sucre à perte de vue, de salaires et de protections sociales très faibles, d’une monnaie très dévaluée, etc. Les spéculateurs jouent aussi sur les cours du pétrole qui font évoluer la rentabilité des agro-carburants issus de l’éthanol, l’autre production sucrière, primordiale au Brésil.

Les grands patrons français du sucre réclamaient la fin des quotas. Ils affichent « leurs ambitions de conquêtes de marché, d’implantation à l’international ». Ils annoncent de nouvelles « grandes restructurations » pour gagner en « compétitivité ». Dans ces conditions mondiales !

Salariés, cultivateurs, populations, nous n’avons aucune illusion à nous faire sur les réels objectifs de ces mesures de « libéralisation ».

Les riches industriels, les actionnaires, les patrons, seront les grands gagnants de ces manœuvres, de cette concurrence mondiale. Les multinationales vont pouvoir accroître leurs profits, toujours sur le dos des salariés (plus exploités, plus délocalisés, plus sur le carreau). Le sort de l’emploi ou même de la production «durable», ne les intéressent pas et ne les ont jamais intéressés. Au mieux, ils se seront servis de ces thèmes – temporairement – pour alimenter leurs bénéfices d’un jour et mieux préparer ceux du lendemain (seul objectif qu’ils poursuivent aux dépens de tout le reste).

TEREOS/Origny/Picardie : déjà touchés !

Notre région est la première productrice de betteraves à sucre et concentre la moitié de la production nationale. Autant dire que l’impact de la directive européenne de libéralisation du sucre nous concerne.

Le groupe TEREOS est le 3ème groupe sucrier mondial avec un chiffre d’affaires de 4,8 milliards d’euros. Son siège historique et l’une de ses plus grandes usines sont à Origny-Sainte-Benoîte, avec d’autres dans la région. Mais Tereos a déjà commencé à se transformer en multinationale (1,6 million de tonnes de sucre sur 4,1 produites à l’étranger). Le groupe a développé des filiales en Roumanie et en République Tchèque. Il s’est aussi fortement implanté au Brésil où il est le 3ème acteur du secteur. Autant dire que la firme est prête, avec la fin des quotas européens, à produire plus à bas coût et à vendre depuis les pays de l’Est, y compris pour faire concurrence à sa propre production française, puis prête, dans le développement de la concurrence mondiale, à jouer sur la carte brésilienne.

Les salariés et les fournisseurs de Tereos font déjà lourdement l’expérience de sa stratégie de profit à l’international.

Depuis 2010 et la phase de réduction des quotas européens, Tereos a fermé presque la moitié de ses sites de production français. Celui de Nantes est très menacé. La libéralisation totale du marché sert maintenant de prétexte à ses patrons pour s’opposer aux augmentations de salaires légitimes demandées par les ouvriers de Lillers en 2016, par ceux d’Origny en septembre 2017. La délocalisation forcée, prévue début 2018, de 80 emplois administratifs d’Origny, de 270 de Lille, de 50 d’Alost (Belgique) vers un nouveau siège commercial près de l’aéroport de Roissy est la première conséquence directe de la directive européenne. D’autres emplois, administratifs ou ouvriers, sont menacés partout. Sur les cultivateurs picards, Tereos (comme les autres groupes) commence à mettre la pression en s’appuyant sur la directive européenne : de nouveaux contrats, très courts – deux ans -, des prix d’achat en baisse, une incitation à augmenter la production pour compenser la perte de prix aux dépens des finances et de la santé des agriculteurs.

Que faire ?

L’urgence est à nous organiser pour défendre nos emplois et notre industrie pour la réponse aux besoins. Ne laissons pas faire ce qu’ils ont déjà fait ailleurs !

Exigeons le rétablissement de prix garantis, rémunérateurs, pour les betteraves et les produits transformés! Opposons-nous aux nouvelles tentatives du gouvernement et de l’UE de livrer les producteurs encore davantage au marché capitaliste mondialisé : non aux traités de libre-échange (tournés contre les travailleurs de tous les pays) notamment avec l’Ukraine, le Canada et les Etats-Unis. Maintien des droits de douane sur les produits sucriers : non à la guerre commerciale mondiale, oui à des échanges mutuellement avantageux entre les pays !

Les vies de salariés, de familles entières, de notre village, sont en jeu. Nous n’avons rien à attendre d’eux ni des prochaines échéances électorales. Communistes, nous soutiendrons toutes ces luttes indispensables, la montée de convergences de lutte avec tous les travailleurs de la filière, dans la région et au-delà, avec les populations.

Ils ne reculent que face à la mobilisation. A nous de nous organiser et d’agir.

Crise du lait: LA VRAIE SOLUTION: RÉPONDRE AUX BESOINS DES FEMMES ET DES HOMMES, PAS DES MARCHÉS FINANCIERS

Tract de la section du PCF Mantes-la-Jolie, septembre 2016

Une mobilisation des producteurs pour qu’un groupe (Lactalis) augmente son prix d’achat, un ministre de l’Agriculture qui avoue son impuissance (ou sa soumission?) face aux marchés financiers …. La crise du lait a fait couler beaucoup d’encre avant qu’un accord ne soit trouvé avec un syndicat de droite, la FNSEA.

Mais cet accord ne donne qu’un répit de courte durée à certains producteurs et ne résout rien du problème d’ensemble.

Travailler à perte? C’est la situation que les producteurs laitiers vivent depuis plusieurs dizaines d‘années.

En 15 ans, le nombre des exploitations laitières a été réduit de moitié. Seules les plus importantes d’entre elles ont réussi à s’en sortir.

Et « l’accord » trouvé entre Lactalis et la FNSEA va encore encourager ce processus parce qu’il fixe à nouveau un prix de vente inférieur au coût de production (29 centimes le litre alors qu’il faut 39 centimes pour « commencer à vivre » de cette production).

Seules les exploitations les plus importantes s’en sortiront au prix d’une véritable industrialisation (« hors sol » type ferme des 1.000 vaches).

DES BESOINS MONDIAUX IMMENSES.

Contrairement à ce que nous affirment gouvernement, économistes autoproclamés et dirigeants politiques de droite ou de gauche non communiste, il n’y a pas trop de production de lait.

Bien au contraire, alors que des centaines de millions d’êtres humains meurent ou souffrent de la faim, les besoins n’ont jamais été aussi importants (particulièrement en Asie, Afrique et Amérique centrale).

Mais pour les marchés financiers, ce qui compte ce n’est pas la vie des femmes et des hommes plutôt que leur mort, c’est leur capacité à payer et à permettre la réalisation de profits pour les multinationales.

SORTIR DE LA LOGIQUE DES MARCHÉS FINANCIERS.

Plutôt que de théoriser sa soumission « devant l’Europe », « devant les marchés financiers » …, le gouvernement français devrait jouer tout son rôle.

Les communistes proposent:

. la création d’un office national du lait. Il garantirait à chaque paysan l’achat de sa production à un prix décent et briserait le monopole des multinationales comme Lactalis,

. la construction de coopérations mutuellement avantageuses entre pays plutôt que de s’en remettre pieds et mains liés aux marchés financiers. Alors que chacun reconnaît le besoin d’une agriculture raisonnée, cela permettrait le maintien et le développement d’exploitations à taille humaine. Cela permettrait également de construire de nouvelles coopérations avec d’autres pays (l’Algérie, par exemple, est fortement déficitaire en production de lait mais est aussi un producteur important de pétrole et de gaz) dans le strict respect de la souveraineté de chacun des états.

Dans ce domaine comme ailleurs, répondre aux besoins des femmes et des hommes, c’est avoir le courage de refuser la soumission aux marchés financiers.

PETITION AU MINISTRE DE L’AGRICULTURE DE LA FEDERATION NATIONALE DES JEUNES EXPLOITANTS FAMILIAUX

Les agriculteurs de l’Allier du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF 03) et de la Fédération départementale des jeunes agriculteurs de l’Allier (FDJA 03) sont allés à la rencontre des consommateurs de leur département début février. Ils leur ont expliqué, dans le cadre critique de la crise nationale de l’élevage en particulier, de l’agriculture française en général, leur analyse de l’origine des problèmes et leurs propositions.

Leurs revendications diffèrent largement de celles de la FNSEA par exemple. Au centre, ils appellent à la défense d’une agriculture paysanne et à la mise en place de prix rémunérateurs, c’est-à-dire incluant les coûts de production et la rémunération de l’agriculteur.

Nous reprenons ci-dessous la pétition qu’ils font signer. Elle exige, entre autres, l’extension de l’interdiction des ventes à perte aux exploitations agricoles.  

PETITION (suivez le lien pour une signature par mail) adressée à Monsieur le Ministre de l’agriculture

STOP AUX CONSOMMATEURS MÉPRISÉS ET AUX AGRICULTEURS SACRIFIÉS !

Française, Français, vos agriculteurs vous appellent à l’union.

Les éleveurs et plus généralement les agriculteurs sont en train de disparaître de façon massive, avec l’accord et le silence du gouvernement.

Durant l’été 2015 et ces derniers jours, le gouvernement a fait de grands effets d’annonce, avec un plan de soutien à l’élevage, en jetant des millions d’euros sur la place publique.

6 mois plus tard le constat est amer.

M. le Ministre reconnaît avoir fait machine arrière depuis ses annonces médiatiques. Le gouvernement aurait-il sous-estimé la crise massive que connaît l’agriculture française ?

50 000 agriculteurs se retrouvent en grande difficulté et nos dirigeants politiques ne voulant pas froisser l’industrie agroalimentaire ainsi que les banques, ont fait le choix de nous laisser mourir profitant du grand désarroi et de la résignation de la plupart d’entre nous.

Mesdames, Messieurs, les agriculteurs ont besoin de vous.
Abandonnés par nos politiques nous ne pouvons pas lutter seuls face à ces géants de l’agroalimentaire et du système bancaire.

J’invite chaque citoyen à signer la pétition en ligne.
Pétition qui demande simplement que l’agriculture rentre dans la loi du Code du Commerce articles L 442-3, L442-4 qui interdit la revente à perte.
Loi qui est imposée à toutes les entreprises françaises alors que les agriculteurs en sont exclus.

Votre signature est indispensable pour que nos politiques se décident enfin à écouter son peuple qui refuse la disparition de l’agriculture paysanne au profit d’une agriculture industrielle qui détruit le monde et l’économie rurale ainsi que l’environnement et nos beaux paysages.
Ils n’ont pour ambition que le profit à court terme, quitte à détruire l’intérêt commun.

Nous ne pouvons continuer de manière périodique à injecter dans la profession de l’argent public, pour un résultat qui ne règle rien. Nous ne voulons pas de subventions publiques mais un prix rémunérateur garanti !

Nous ne pouvons plus rester sans réagir quant un agriculteur se suicide tous les 2 jours.
C’est pour cela que nous avons besoin de vous, pour qu’enfin les agriculteurs puissent avoir un prix rémunérateur. Prix qui nous permettra de vivre de notre métier et de conserver votre sécurité et indépendance alimentaire.

En 10 ans les prix ont augmenté de 30% dans les rayons des supermarchés, alors qu’en 30 ans nous n’avons pas touché 1 centime d’augmentation sur le prix de vente de nos bêtes.
Ceci nous démontre qu’il est temps que les consommateurs et les paysans s’unissent pour dire stop à ce système qui nous prend tous en otage.
Nous sommes au pied du mur, nous ne pouvons plus perdre de temps avec des clivages politiques ou syndicaux.

Nous ne pouvons plus rester chacun de notre côté : les consommateurs qui payent toujours plus cher pour des produits dont la qualité est en chute libre pendant que les agriculteurs disparaissent en silence chaque jour avec un travail qui ne nourrit pas leur famille.

Faisons nous entendre tous ensemble pour une juste répartition des marges, pour qu’agriculteurs et consommateurs soient payés et payent un juste prix et non des bénéfices exponentiels aux multinationales qui n’ont que faire de nous.

Cyril ROMERO

Président Fédération Nationale des Jeunes Exploitants Familiaux

Avec les éleveurs face aux profiteurs, et face au gouvernement et à l’UE qui les servent

Vivelepcf, 18 août 2015

Autour de la nouvelle « table ronde » que le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a organisée, les éleveurs ne comptaient guère de soutien réel : pas celui des transformateurs et des distributeurs qui les écrasent pour gonfler leurs marges, pas non plus celui du gouvernement qui adhère plus que jamais aux objectifs européens de développement de la concurrence et des règles du marché capitaliste, pas même celui des principaux syndicats agricoles. Xavier Beulin, président de la FNSEA, bien plus chef d’entreprise que paysan, représente, pour la première fois personnellement, ceux qui profitent du système. Il ne cesse de réclamer un « abaissement des coût sociaux ». Il a d’ailleurs été régulièrement contesté dans les actions des éleveurs.

Le 7 septembre, l’agriculture paysanne ne peut pas s’attendre à davantage de soutien des participants au Conseil européen de l’agriculture, convoqué spécialement à la demande du gouvernement français. Les luttes parallèles de cet été, exprimant la même situation et la même colère, des éleveurs laitiers de Galice en Espagne ou en Belgique notamment, seront aussi mal relayées par les représentants de chaque pays.

Les éleveurs ne relâchent pas l’action dans les régions. Des journées nationales de protestation sont programmées pour le 3 et le 7 septembre (mais sous la coupe de la FNSEA nationale). Cette lutte est décisive. Seule, elle peut et doit porter les revendications fondamentales dans le pays. La rupture avec la « loi » du marché capitaliste est vitale à court terme pour bien des exploitations, à moyen terme pour des filières entières.  

Cet été, le gouvernement a tenté de temporiser pour calmer la colère, sans succès. La crise n’est pas due à des aléas conjoncturels – même si l’embargo sur les ventes à la Russie la souligne – mais à un problème structurel. L’annonce de 600 millions d’euros d’aide d’urgence fin juillet pour soulager les trésoreries a logiquement été mal accueillie. Outre l’insuffisance de la somme, 500 millions ne sont que des reports de paiement et les 100 autres des exonérations qui vont peser sur les régimes sociaux.

Lors d’une précédente « table ronde » sur la viande porcine, le gouvernement avait arrangé un accord bancal comprenant un engagement (moral) des transformateurs et distributeurs à payer à partir de juillet les porcs au prix minimum d’1,4 euro le kg, ce qui correspond tout juste au seuil de survie pour les élevages. L’échec actuel de l’accord est instructif mais le principe, pour une fois, est intéressant.

Depuis une semaine, les deux principaux acheteurs refusent d’honorer leur engagement et bloquent le marché français, arguant que ces cours « artificiels » sont bien trop supérieurs aux cours réels du marché international. Une nouvelle fois de façon cynique, ils exploitent effrontément la détresse médiatisée des éleveurs pour se faire octroyer par le gouvernement de nouvelles aides publiques, alors qu’ils profitent déjà en plein du CICE. On peut parier que c’est ce qui sortira après la table ronde du 17 août, probablement sous forme de déduction de cotisations sociales, contre un engagement précaire à revenir sur le marché réglementé « au cadran ». Les « libéraux », les propagateurs du marché capitalistes, vont utiliser cet épisode pour démontrer qu’aucune entrave à la loi du marché n’est possible dans l’Union européenne et pour pousser à la restructuration de la filière mortifère pour les éleveurs et les conditions sanitaires et sociales.

Mais d’un autre côté, l’idée qu’il y a nécessité à fixer administrativement un prix minimum, un prix rémunérateur minimum, avance. Les éleveurs porcins (pour prendre leur cas) travaillent dur, dans des exploitations familiales dont le modèle est largement approuvé. Ils respectent les normes environnementales. Ils répondent à des besoins du pays et même très insuffisamment puisque 30 à 40% du porc consommé en France est importé. Et pour cela, ils devraient gagner zéro, voire perdre de l’argent et travailler en plus à l’extérieur pour ne pas faire faillite en attendant des jours meilleurs. Pendant ce temps, en aval, les distributeurs en particulier, qui ne produisent pas, empochent des marges conséquentes et sont prêts à saigner encore davantage ceux qui produisent pour les arrondir.

Cette réalité scandaleuse est un argument de poids pour faire avancer et gagner, comme le demande notamment les syndicats agricoles progressistes comme le MODEF, le principe de fixation administrative, après négociation, d’un prix plancher rémunérateur du travail paysan, mais qui s’applique à tous les achats vers la France, y compris des concurrents du reste de l’UE, et assorti de coefficients multiplicateurs encadrant les marges des transformateurs et distributeurs. C’est en rupture avec les règles de l’Union européenne ? Et alors ?

Cet été, le gouvernement s’en est allé aussi de quelques déclarations de patriotisme économique : achetons français ! Quelle mauvaise foi ! Bien sûr, on ne peut qu’exiger que soit précisé à nouveau le pays d’origine de la viande chez les distributeurs (et cela vaut pour tous les produits), même si cela va l’encontre de l’UE. Que l’Etat, les collectivités, les hôpitaux, les écoles montrent l’exemple en achetant français : oui aussi, mais cela signifie aussi – ce n’est pas un problème pour nous – d’ignorer les règles européennes d’appel d’offres. Mais économiquement étranglées, les collectivités sont poussées vers les fournisseurs discount. Comme les consommateurs ! Culpabiliser les ménages qui ont du mal à s’en sortir chaque fin de mois dans la crise de l’agriculture française, quasiment les accuser d’un manque de patriotisme, c’est, pour le pouvoir, se défausser de manière indécente. La cause principale est dans le prix.

Des exemples de distribution en « circuit court » sont de plus en plus souvent mis en avant dans les médias, comme des producteurs qui misent sur des produits « haut-de-gamme », ou des filières plus ou moins « bio ». Très bien ! Mais ces possibilités, souvent des niches, ne pourront jamais être le modèle général. L’Ile-de-France serait bien en peine de satisfaire ses besoins alimentaires… A l’inverse, comment peut-on accepter que 20% des porcs consommés en France soient abattus et transformés à l’étranger parce que l’Allemagne notamment a généralisé l’emploi de travailleurs détachés de l’est, sous-payés et tolère le travail au noir ! Le circuit « court » qui correspond à des normes décidées à l’échelon et dans le rapport de force le plus démocratiques : c’est le circuit national.

Toutes ces options se heurtent à l’Union européenne, à sa politique agricole « commune ». Il n’y a pas d’autre choix que de rompre avec elle.

Mais entendons-nous bien, la question n’est pas pour nous de dire que l’ennemi vient de l’extérieur : les gouvernements français successifs, les grands groupes agroalimentaires, les grands exportateurs, les grands distributeurs français adhérent totalement à cette Europe. Au Conseil européen, l’agriculture paysanne française ne sera réellement défendue par personne. Le ministre français fera seulement état des difficultés rencontrées en France par le processus européen de marchandisation intégral pour mieux voir comment le faire passer. Refusant d’assumer cette politique en France, il renvoie les responsabilités décisives vers l’UE. La rupture avec l’UE, c’est dans les Etats et notamment en France qu’elle se gagne, pas à Bruxelles !

Une autre illusion est dangereuse : celle de croire qu’il y aurait eu une PAC mieux inspirée « avant ». C’est faux, même si les dispositifs des années 70/80 paraîtraient aujourd’hui préférables. La PAC a toujours visé à renforcer l’intensité capitalistique de l’agriculture et son intégration sur les grands marchés capitalistes. Mais elle a procédé par étape en commençant par liquider la petite et moyenne exploitation. Au fil des élargissements de l’UE, on mesure par exemple combien le concept de « préférence communautaire », loin d’être protecteur, a accompagné l’insertion dans la concurrence « libre et non faussée », c’est-à-dire sauvage. L’annexion de la RDA, pour ne citer que cet exemple, a donné aux grands groupes d’Allemagne de l’ouest une agriculture très industrialisée, avec d’immenses exploitations, puis l’élargissement de l’UE une main d’œuvre très bon marché de Pologne toute proche. Les étapes suivantes et finales de la PAC en extinction sont en voie : l’extension du libre-échange agricole européen à des pays encore plus ruinés et dominés comme l’Ukraine, la suite de l’insertion dans les marchés mondiaux avec les négociations à l’OMC, peut-être même un marché commun uniformisé avec l’Amérique du Nord (TIPP).

Tout cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des batailles à mener, dans un combat global, pour infléchir certaines dispositions de la PAC et de l’UE. La directive sur les travailleurs détachés, qui permet aux patrons de ne pas leur payer des cotisations sociales du pays où ils travaillent, doit être abrogée. Le refus de dumping social aux frontières de la France est sans doute le meilleur moyen de pression pour cela. La question des « aides » européennes ne peut pas non plus être réglée du jour au lendemain. Sans elles, les éleveurs notamment ne pourraient pas subsister. Mais n’oublions pas qu’elles sont conçues pour contrôler au niveau européen les agriculteurs et accompagner le processus de marchandisation. N’oublions pas non plus qu’elles sont financées à partir des contributions des Etats-membres, dont la France au deuxième rang (La France est contributeur net de l’UE à hauteur de 9,4 milliards d’euros en 2013, solde de ce qu’elle verse et de ce qu’elle « reçoit).

Mais, en même temps, s’il est une activité où le rapport de force existe, en France comme dans de nombreux autres pays, pour s’affranchir immédiatement de la politique de l’UE (de la PAC avec des mesures telles que celles que nous avons mentionnées), c’est bien l’agriculture, parce qu’il y a une situation d’urgence largement comprise par l’opinion, parce qu’elle concerne un besoin essentiel à tous, parce que la souveraineté alimentaire est une exigence spontanément partagée et que les préoccupations « écologiques » croissantes (même détournées par le système) la renforcent.

Aujourd’hui, la rupture avec les politiques de l’UE est une urgence pour notre agriculture paysanne. Bien loin d’être un « repli », elle peut accompagner et encourager les mêmes mouvements dans les autres pays.

Au-delà de l’urgence, la consolidation voire la reconstitution de filières agricoles demande d’autres politiques. L’esprit des coopératives a été largement dévoyé, l’action du Crédit agricole encore davantage. Une intervention publique nationale et locale est nécessaire. Sans parler de la perspective que nous défendons de la nationalisation de la grande distribution. Une refonte aussi de l’organisation des exportations vers des contrats de coopération et d’échange avec les pays insuffisants sur le plan alimentaire est également nécessaire, contre la libéralisation mondiale.

Organisons la solidarité avec les paysans en lutte !