PCF : situation – positions – réunions du Conseil national (7 novembre – 12 décembre 2020)
Par Emmanuel DANG TRAN, membre du Conseil national du PCF (fédération de Paris), 18 décembre 2020
Notre pays connaît une attaque capitaliste sans précédent contre les acquis sociaux et démocratiques, contre les libertés fondamentales, contre des pans utiles de l’économie. Le pire est encore à venir. Et notre CN est convoqué pour étudier un calendrier électoral sinon électoraliste ! C’est lamentable ! Plus grave encore, on met au centre, 17 mois avant, l’élection que nous condamnons le plus : l’élection présidentielle ! C’est vraiment le contraire du Parti né à Tours en 1920 !
Au dernier CN, j’étais pour que le congrès soit reporté fin 2021, mais justement pour que l’année ne soit pas polluée par les calculs électoraux, que les communistes puissent se rononcer en connaissance de la situation politique et, surtout, qu’il ait eu le débat de fond sur les orientations politiques.
J’ai voté contre le calendrier proposé. En 1969, la candidature de Duclos a été décidée quelques semaines avant.
S’imaginer « sauver le Parti » par la loterie électorale est une illusion. Les 20 dernières années nous l’ont bien montré. La priorité devrait être d’adopter les positions de rupture de fond qui entretiennent la lutte des classes.
L’an dernier, aux européennes, la liste Brossat a obtenu le plus mauvais résultat électoral de toute l’histoire du Parti. L’acceptation de l’intégration européenne [la condamnation du Brexit], à l’opposé de nos positions historiques, en sont des causes. Cette année, l’UE profite du Covid pour resserrer l’étau sur les peuples et les démocraties nationales avec le pacte budgétaire. Pour les communistes, ce devrait être inacceptable. Et la bataille contre l’euro devrait être reprise.
Placer le changement politique dans une union et une victoire électorale de la « gauche+EELV » est plus que jamais inconcevable dans la période. Des appels communs sur les retraites avec ceux qui ont ruiné le financement de la sécurité sociale ? Des alliances derrière des « socio »-libéraux dans les grandes villes aux municipales ? Comment reconstituer un parti et même un vote communistes utiles pour les travailleurs avec cela ?
Je voudrais faire une mention spéciale pour EELV (qui ne vaut pas pour tous les « écolos »). Ce n’est pas un parti de gauche qui a dérivé vers la collaboration de classe ou le « populisme ». C’est un petit ensemble disparate, pro-UE par définition, réunissant principalement différents profils opportunistes qui servent l’écrasante propagande du capitalisme « vert » que nous subissons et l’ensemble de l’idéologie dominante, notamment sur les questions sociétales. EELV ne peut pas constituer un partenaire d’alliances pour le Parti.
Communistes, nous nous battons, en fait « d’écologie », pour une gestion des ressources et des risques naturels allant vers la protection et l’amélioration du cadre de vie de l’Humanité. Dans cette conception, nous n’avons aucune raison, même de façon « alternative », de rentrer dans la campagne de dramatisation catastrophiste mondiale développée par le capitalisme sur le climat et le risque « réchauffement ». L’omniprésente propagande apocalyptique ne vise que trop clairement à détruire de la valeur, à recréer des marges de profits sur des activités ne répondant à aucun besoin, à développer des politiques autoritaires, intrusives, au nom, notamment, « d’experts », comme, aujourd’hui pour le confinement au nom du Covid.
Sur le confinement, je n’ai pas pu m’exprimer au CN de novembre [le logiciel de visio ayant « planté » toute l’après-midi]. Ce qui me semble fondamental, c’est de découpler les buts antisociaux et antidémocratiques de la politique du pouvoir de la question sanitaire qui les prétexte. Covid ou pas Covid, le gouvernement, comme ceux des autres pays de l’UE, ont poursuivi leur politique de destruction de l’offre de santé publique : 800 millions d’euros de moins pour l’hôpital, fermeture de lits – notamment en gériatrie ! -, application de la loi Buzyn et … pas un lit de réanimation en plus alors que, chaque fin d’année, notre système connaît une dangereuse saturation. Ce n’est pas une politique « d’incapables » mais c’est un choix politique.
Sur le plan sanitaire, le confinement (illusoirement « généralisé » et non la mise à l’abri des personnes « vulnérables » le temps des pics épidémiques) commence aussi à donner ses résultats désastreux, avec les retards de soins et de dépistage, les gens qui n’ont plus osé se faire soigner, l’isolement notamment des vieux, les dégâts psychiatriques. Le confinement, comme alertent nombre de médecins, va conduire à une baisse de l’espérance de vie. Son effet sur le Covid est indémontrable et indémontré comme en témoignent les chiffres parfaitement contradictoires des « experts » au service du gouvernement.
En fait, la quasi-totalité des 14,3 milliards d’euros engagés aux dépens de l’assurance maladie a servi à alimenter la panique et la peur et non à soigner. Des millions de tests, deux millions par semaine, au prix fort, peu fiables, poussés au maximum pour être « positifs » et montrer une progression du Covid. Des dizaines de millions de masques pour établir la peur et la méfiance dans toute la société mais pas assez de masques de qualité dans les hôpitaux contre notamment les maladies nosocomiales.
Aussi venir appuyer le confinement, voire en demander plus (!) comme l’a fait Fabien Roussel, c’est cautionner le prétexte qui sert et servira, dans la lutte idéologique, à une purge sociale et économique inédite du capital et à une remise en cause des libertés fondamentales, en France comme dans la plupart des pays capitalistes. C’est cautionner aussi la dictature des experts qui menace d’une manière nouvelle les acquis démocratiques et prépare de nouvelles formes de répression. Cette position est irresponsable pour le Parti communiste français. Au lieu de cela, nous devrions, avec des faits et des arguments rigoureux, face à la chape de la propagande, tenter de raisonner la peur, remettre en cause le confinement et mobiliser pour la levée immédiate de ses éléments les plus évidemment absurdes (sur le plan sanitaire) et liberticides comme le couvre-feu, les masques en plein-air, les attestations, les interdictions de réunion etc.
Osons être à contre-courant de l’idéologie dominante, encore plus dans un moment aussi critique ! Macron est mandaté par le grand capital non pour poursuivre une guerre contre un virus mais une guerre contre les travailleurs et le peuple. Aux communistes, avec d’autres, de faire monter la Résistance !
Des millions de citoyens ne sont pas loin de se mobiliser pour la défense des libertés fondamentales. Des dizaines de millions d’autres, désinformés, intimidés, attendent des voies pour sortir de la spirale de la peur. A l’inverse, le pouvoir joue sur les peurs irrationnelles de certains, sur l’opportunisme d’autres, sur la peur des sanctions administratives de ses cadres, sur le suivisme automatique des responsables politiques opportunistes pour qui le choix de la peur est plus profitable que celui de la raison et de la vérité.
Bénéficiant d’un rapport de force favorable comme jamais, le régime et ses collaborateurs peuvent se permettre de confondre leurs différentes attaques contre les libertés. A nous d’éviter les confusions néfastes ! Les projets de loi vicieux sur « la sécurité globale « ou « contre le séparatisme » renforcent à la fois le système de répression et de division de la société en même temps qu’ils offrent le terrain de l’opposition à des complices objectifs du pouvoir. La grande majorité des manifestants du 28 novembre s’est opposée en bloc à toutes les mesures sécuritaires et liberticides, à commencer par celles prétextées par le Covid, comme elle a voulu montrer, avant une attaque antisociale sans précédent, sa capacité de mobilisation. Ce mouvement ne saurait être résumé, canalisé par des débats hors-sol et hors du temps, manipulés par l’idéologie dominante mondialiste, sur le rôle de la police (qui exerce une violence pour le compte du pouvoir en place par définition). Le problème immédiat, c’est l’extension des dispositifs de répression, de surveillance de la vie privée, la privatisation de la sécurité, l’utilisation de la police nationale, de plus en plus détournée de ses missions publiques, depuis Sarkozy et Valls, et non son existence ou sa nature.
Le projet de loi contre le « séparatisme » confond de façon indécente l’intégration souhaitable du culte musulman dans la loi de 1905 et une assimilation, à peine voilée, scandaleuse, de nos camarades, amis, collègues, voisins supposés musulmans au « séparatisme » sinon au terrorisme. Ces agressions délibérées du pouvoir ne visent qu’à semer la division dans la classe ouvrière. Notre réponse ne saurait de rentrer dans leurs jeux, notamment en appuyant le communautarisme (qui a le droit d’exister comme projet politique mais auquel, communistes, nous nous opposons), ou, encore pire, en s’agenouillant devant les directives mondiales racialistes, ségrégationnistes des « Black Lives Matter » qui se situent à l’exact opposé de tout notre combat politique historique communiste contre le racisme. Egalité entre les hommes ! Un homme une voix ! Honte à nos dirigeants qui, par suivisme, par opportunisme se sont agenouillés devant ces conceptions racistes du monde! Pour une fois, le slogan, qu’en général je n’apprécie guère, a résonné à mes oreilles : « l’humain d’abord ». Mais surtout, plus que jamais, fraternité dans la lutte des classes des travailleurs de France quelle que soit leur origine ! Dans la lignée de la main tendue aux croyants par Maurice Thorez.
Je reviens au PCF. Dans cette période d’affrontement idéologique aussi dure que nous n’en avons pas vécue, camarades de moins de 80 ans, lorsque la direction de notre parti accepte tout à la fois l’intégration dans l’UE supranationale du capital, la perspective politique dans l’union avec la « gauche » et les « écologistes » au service du régime, qui ne représentant aucune force sociale travailleuse positive pour notre pays, le dogme capitaliste de l’apocalypse climatique, le confinement au nom du Covid qui va servir, pour des années, à faire accepter les pires sacrifices sociaux et économiques, et qui s’agenouille devant le racisme propagé par Facebook, Twitter et consorts : ils ne reste pratiquement aucune latitude pour être utile au peuple travailleur ! Même, j’en ris, avec une hypothétique candidature 17 mois en avance à l’élection présidentielle ! Un monsieur+ ou une madame + du réformisme ?
Nos économistes réclament de la création monétaire factice depuis des années. Ils sont comblés comme jamais, sur la base d’une destruction de la création de richesse réelle sans précédent en temps de paix. Comme ils ne sont ni la tête de la BCE, même pas à la tête de la Banque de France, il y a fort à parier que le pouvoir a prévu de faire le plus cher possible aux travailleurs, aux petits épargnants, à certains petits patrons même, les dettes abyssales créées dans les comptes de l’Etat, de la Sécurité sociale etc. Casse des prestations, inflation sélective sur les biens essentiels, pourquoi pas au nom du climat, impôts nouveaux, baisse des salaires et des retraites, dans un temps attendu de chômage de masse : voilà ce qui nous attend et à quoi nous devons répondre fermement, en tant que communistes.
En refusant la dictature de l’euro et de la BCE, qui prive d’abord ce qui reste de notre démocratie nationale de toute prise sur ces choix monétaires mortifères. Les positions de I. Brossat contre le Brexit populaire, celles de F. Wurtz dans l’Huma-dimanche plus européistes que celles de feu Giscard, sont inacceptables pour notre parti, comme la participation d’André Chassaigne à une assemblée parlementaire germano-européo-antifrançaise (et anti-allemande) !
La « Sécurité emploi formation » (SEF) a été le projet central dans campagnes présidentielles de Robert Hue. Il vaut mieux se répéter que se contredire, peut-être ! Je n’ai jamais adhéré à cette proposition floue. La sécurité sociale, chacune de ses branches, sur un mode qui n’est pas socialiste, a été conquise solidairement face au patronat, face à chaque risque « assurantiel » : santé, vieillesse, accidents du travail. En aucune manière, nous ne devons fragiliser cet édifice menacé. La SEF contribue à nier l’origine du chômage en régime capitaliste. C’est une illusion très dangereuse. Oui battons-nous – et c’est d’actualité – pour l’assurance chômage qui met à contribution les patrons, pour la formation initiale, continue et professionnelle. Mais, camarades, arrêtez de vous prendre pour les dirigeants d’un Etat socialiste ! Dans cette nouvelle période, cette proposition est d’autant plus négative qu’elle alimente la propagande de la « gauche de collaboration » pour l’institution d’un revenu minimum universel qui arasera toutes les prestations sociales existantes et reléguera, hors de la lutte des classes, des pans entiers, abandonnés, de notre peuple.
Aujourd’hui, ce que le Parti communiste français doit produire et diffuser, c’est une ligne de résistance, dans la lignée du Parti né à Tours il y a 100 ans
Résistance, je le répète encore, contre le schéma politicard des alliances avec les servants de « gauche » de la bourgeoisie, justement ceux que nos anciens surent repousser. Et Blum était autrement plus cultivé que Macron ou Mélenchon !
Résistance contre la dictature transnationale du capital via l’UE, mais aussi à travers une mauvaise version du « multilatéralisme », qui n’est qu’un accompagnement des oppositions et arrangements entre les impérialismes principaux.
Résistance contre les prévaricateurs qui lorgnent sur les petits biens de nos travailleurs : une maison à saisir, un impôt à élever, un chantage à l’internement en EHPAD !
Résistance contre les mesures antisociales déjà annoncées, comme le prolongement de la CADES, la casse de l’assurance chômage, la poursuite de la purge de l’hôpital public ou des centres de santé, un comble, alors qu’on a fait applaudir hypocritement les soignants par millions en début d’année.
Résistance contre la finance ! Avec des exigences précises de nationalisations, celles qui correspondent à un rapport de force et non à une affirmation en l’air : les laboratoires pharmaceutiques, les grandes banques, les grands groupes d’Ehpad qui se repaissent de l’argent de nos vieux qu’ils euthanasient.
Résistance pour les services publics sur les bases, encore importantes qu’il nous reste. La nécessité de la défense du service postal est apparue comme jamais depuis des années à l’occasion du confinement. C’est la base d’un affrontement face à Amazon. La lutte contre le démantèlement d’EDF est capitale. Nous l’avons engagée, certaines organisations du PCF, dès le début de l’année. Après les défaites successives, mais conscients du rapport de force qui demeure, battons-nous mordicus pour le service public SNCF, comme pour le service public RATP en Ile-de-France, face à la logique de la « concurrence » et de la privatisation.
Résistance pour les salaires, la production en France pour les habitants de la France (et des échanges mutuellement avantageux) ! Il est inadmissible de laisser le capital et l’Etat, avec l’UE et les spéculateurs mondialistes, tout prétexte confondu, liquider notre agriculture, la filière fruits, comme la filière viande, comme la filière sucre ! Il est inadmissible que notre pays, historiquement pionnier de l’industrie automobile, importe plus la moitié des véhicules vendus.
Résistance ! C’est aussi le mot qui me vient pour notre éduction et notre culture face aux démolisseurs tels que Blanquer ou Vallaud-Belkacem ! Non le Bac, ce n’est pas pour se vendre au rabais à des employeurs peu instruits, c’est pour ouvrir à la connaissance, à la culture, à la construction d’une France internationaliste dans un monde de progrès !
Oui, nous sommes communistes, 100 ans après ! Oui, nous sommes conscients de ce que le léninisme, après le marxisme et l’héritage d’Engels, nous ont apporté. Critiques mais reconnaissants, nous saluons l’œuvre de nos camarades soviétiques et celle des camarades du monde entier, de la RDA, du Vietnam, de Cuba etc.
L’idéologie dominante est plus dominante que jamais. Le PCF est plus faible que jamais. Permettez-moi de vous dire qu’il y a un lien !
Dans la suite de nos camarades qui ont fait le choix révolutionnaire en 1920, meurtris par la guerre mondiale, dans la suite de tous nos camarades qui en « ont pris plein la gueule » dans leurs usines, leurs mines, leurs champs ou leurs administrations, dans la suite de nos camarades qui se sont levés pour l’indépendance de la France dans les années 40, dans la suite de nos camarades qui ont toujours répondu à l’appel de l’internationalisme prolétarien contre le racisme et les guerres coloniales,
En décembre 2020, le PCF doit avoir la tête haute et être plus communiste que jamais !
Bien du même avis !