Hollande et Valls partent en vacances en promettant aux travailleurs une rentrée douloureuse, pleine de sacrifices évidemment « nécessaires ».  Leur prêche, sentencieux, comprend toujours les mêmes mots depuis des années, dans l’ordre : crise, compétitivité, aides aux entreprises, déficits, réduction des dépenses publiques et sociales, réformes etc. Le tout est bien sûr placé sous le regard de l’Union européenne.

La différence cette année réside dans le niveau de violence antipopulaire de la politique programmée. L’ensemble des mesures « pacte de responsabilité » représente un transfert annuel de 41 milliards d’euros vers le profit capitaliste et 50 milliards d’euros de restrictions sociales. Depuis son arrivée, Valls l’a couplé avec la « réforme territoriale » visant à la fois d’autres coupes claires dans les budgets publics et la décomposition du pays en euro-régions. Dans ce contexte de coup de force, tout s’accélère, notamment le démantèlement des services publics, avec la « réforme ferroviaire » ou les 5285 emplois supprimés à La Poste depuis le début de l’année. Montebourg aide, avec l’argent public, en vendant des parts de GDF-Suez, les restructurations capitalistiques d’Alstom-General Electric ou de PSA. L’alignement inconditionnel du gouvernement, représentant les intérêts de l’impérialisme français, sur les impérialismes américain, européens et israélien en Ukraine, en Afrique ou au Moyen-Orient est le pendant international de cette politique.

Cette politique et ses conséquences sont massivement rejetées dans la population. Mais faute de toute perspective d’alternative politique – du moins institutionnelle -, Hollande et Valls se permettent de charger la barque suivant les instructions de leurs commanditaires du Medef ou de l’UE.

Les résultats des élections européennes, après les municipales, en sont la parfaite illustration. Le parti au pouvoir a obtenu, avec 14% des suffrages exprimés, le soutien d’à peine un électeur inscrit sur 20. L’ensemble des forces politiques qui ont appelé à voter Hollande en 2012 ne rassemble que 30% des voix. La droite et le centre, dont les orientations politiques semblables à celles du PS sont encore dans les souvenirs, qui n’ont pas encore pu régler leurs mécomptes (affaire Bygmalion) ne parviennent pas encore nationalement à jouer la force d’alternance par défaut.

Le rejet de la politique du pouvoir se manifeste par une abstention à 60%. D’élection en élection, on risque de passer vite d’une abstention politique à une abstention d’indifférence. L’absence d’alternative politique nourrit mécaniquement le repli individualiste, communautariste, la résignation, facilite la pénétration des valeurs de droite de l’idéologie dominante.

Enfin, le FN est devenu symboliquement 1er parti de France avec 25%, même si c’est dans le contexte des européennes et de l’abstention. Il peut jouer pleinement son rôle de diversion, de déversoir de la colère sociale et de repoussoir pour le compte du système. Il a notamment profité qu’aucun autre vote ne porte le rejet de l’Union européenne, même si c’est totalement artificiel chez lui. Loin de nous de sous-estimer le danger FN, la banalisation de son discours de haine, habilement amalgamé à une démagogie attrape-tout ! Mais le combattre est indissociable de la lutte contre la politique qui le favorise.

Tous les éléments du système et ses médias s’appliquent déjà à réduire la perspective politique à la préparation des élections présidentielles de 2017. L’éventualité de la présence de Marine Le Pen au 2nd tour, aiguisée par les sondages de commande, va structurer une bonne part des pauvres débats. La droite va mettre du temps à se choisir un champion. A « gauche », les sortants risquent d’être complètement désavoués. Aussi l’on commence à mettre en scène l’émergence de « courants de gauche » du PS, avec Aubry ou Montebourg. Cap vers les « primaires » ! Les « frondeurs », les « écologistes », les partis de « gauche » réunissent leurs clubs.

A chaque fois depuis 30 ans, c’est le même scénario, mais chaque fois en pire !

Communistes, nous ne cessons d’affirmer que la perspective politique ne pourra venir que des luttes, de leur convergence et de leur montée en conscience. Le mois de juin, en premier lieu la grève des cheminots, commence à réveiller l’optimisme en commençant à changer la donne politique.

Par leur détermination, les cheminots, souvent les jeunes, ont bousculé les plans du gouvernement et de ses complices qui croyaient avoir désamorcé le conflit. La grève a duré beaucoup plus longtemps que prévu et a permis d’identifier les vrais enjeux de la « réforme ferroviaire ». Balayés la propagande mensongère sur la réunification du rail ou le coup des TER trop larges pour les quais ! La volonté de préparer la phase finale de la mise en concurrence et de la privatisation, coordonnée par les directives européennes, est apparue clairement. Pour cela, le gouvernement de « gauche » a fait voter la dissolution de la SNCF créée par le Front populaire, l’éclatement de ses activités, l’abrogation du statut des cheminots. Il n’a pas pu le faire dans le silence du dialogue social convenu. Au contraire, rapidement il a eu recours au chantage – l’opération ratée sur le déroulement du baccalauréat – et aux menaces policières.

Le mouvement des cheminots est suspendu mais la combativité retrouvée promet des luttes encore plus conséquentes contre l’application de la « réforme ». Il a commencé à concrétiser la possibilité de la convergence des luttes. Il s’est fallu de presque rien pour que face la terreur du pouvoir, se rejoignent fin juin les mouvements pour la SNCF et ceux contre les dispositions du « pacte de responsabilité » ou de la réforme territoriale, sans parler de la SNCM, du Pôle emploi ou des intermittents, de la RATP, de l’Assistance publique où nous avons poursuivi nos actions.

Sur le plan syndical national, la lutte des cheminots a fortement contribué à discréditer la nouvelle mascarade de « conférence sociale » à laquelle la direction de la CGT a finalement refusé de participer. La CFDT et l’UNSA sont définitivement classées dans la collaboration de classe. A la CGT, la ligne d’accompagnement et de résignation à négocier le moindre mal, suivant les illusions électorales propagées par le syndicat en 2012, est clairement dans l’impasse. Ceux qui avaient dans la tête de se contenter des quelques concessions prévues par le ministre Cuvillier ont été dépassés par le mouvement.

Sur le plan strictement politique, la grève des cheminots a pris complètement à rebours le schéma délétère illustré par les élections européennes.

La grève a montré une voie de résistance à la politique du pouvoir, une voie partant des revendications immédiates posant la nécessité d’une rupture avec la politique de privatisation et d’application des directives de l’UE du capital, une voie collective et rassembleuse. Elle a montré qu’il existe toujours des points d’appui pour fédérer les luttes, non pour faire « grève par procuration ».

Dès qu’il y a lutte sociale conséquente, le Front national perd toute consistance, même parmi certains de ces électeurs. Il n’a jamais pu concilier pendant le conflit ses deux discours démagogiques contradictoires, le refus de l’Europe et la haine des syndicats et des rouges.

Enfin, en parallèle du plan syndical, la « gauche de la gauche », la « gauche du PS » ne peuvent plus bluffer. La poursuite dans la durée de la lutte cheminote a déshabillé les députés « frondeurs ». Ils ont voté comme un seul homme la dissolution de la SNCF. Leur numéro de contestation convenu de l’austérité et du Pacte de solidarité a fait un flop.

Plus que jamais, la nécessité de faire vivre le PCF suivant sa raison d’être et ses positions historiques est posée.

Notre parti, à l’exception de certaines organisations locales est passé largement à côté de la lutte contre la « réforme ferroviaire ». Elle était prévisible depuis longtemps pourtant. La position exprimée par le porte-parole des députés Front de gauche, André Chassaigne était d’arranger les angles. Ses votes et son appel prématuré et déplacé à reprendre le travail ont choqué les cheminots en luttes et affaibli l’image de notre Parti. Pourtant à la SNCF, plus peut-être qu’ailleurs vu l’histoire, l’attente est forte et nous avons essayé d’y répondre. A la fin, les députés communistes, dépositaires de cette histoire à la Chambre, ont voté contre le projet de loi, heureusement.

L’impasse de la ligne du Front de gauche s’était déjà manifestée aux européennes. Malgré l’effondrement du NPA par rapport à 2008 (de 4,8% à 0,4%), le Front de gauche stagne à 6% et le PCF perd un de ses deux derniers députés. L’échec électoral coïncide avec une ligne qui ne répond pas à l’attente et la nécessité de positions et d’initiatives de rupture avec la politique au service du capital. Le Front de gauche et le PCF ont pris en plein la sanction de toute la « gauche » de Hollande pour l’avoir soutenu sans réserves. Le Front de gauche est apparu pour ce qu’il est : un ensemble politicien où l’on se tire dans les pattes pour des places avec comme perspective principale un changement de gouvernement ou une combinaison pour 2017. Enfin le Front de gauche, avec les ambiguïtés du Maastrichien Mélenchon et le retournement de la direction du PCF, avec le PGE, vers le leurre de la « réorientation de l’UE » ne permet ni d’exprimer, encore moins de traduire en lutte le rejet de l’UE du capital.

Le Conseil national du PCF des 14 et 15 juin a convoqué une conférence nationale pour les 8 et 9 novembre. Sa préparation sera l’occasion de s’exprimer dans le parti et au-delà. Pierre Laurent met déjà en œuvre la nouvelle étape de la stratégie de la direction : combiner le Front de gauche élargi avec un soi-disant « Front des luttes », en fait la préparation d’alliances avec les courants de « gauche » du PS et d’EELV d’ici les élections de 2017.

On ne peut pas mieux persévérer dans l’erreur.

Cela ne pourra durer. Nous ne ferons jamais partie – d’autant plus dans des circonstances historiques pareilles – de ceux qui laisseront dépérir encore notre parti et ce qu’il représente en ce 50ème anniversaire de la mort de Maurice Thorez.

Nous allons continuer à faire partie de ceux qui contestent cette ligne de disparition et d’abandon, d’ici la Conférence nationale et notamment à la Fête de l’Humanité. Mais surtout, nous allons continuer à être de ces communistes qui font vivre et renforcer les organisations du PCF sur une base de lutte, des positions de rupture actualisées (contre l’UE, pour de véritables nationalisations, contre la sape du financement de la sécurité sociale, contre les guerres impérialistes etc.). L’expérience des mois de mai et juin nous y encourage fortement. Notre action à la SNCF, à La Poste, dans les hôpitaux, pour le droit au logement progresse. Nous enregistrons des adhésions. Nous sommes reconnus comme utiles par ceux qui sont le plus engagés dans la lutte des classes d’aujourd’hui. Nous allons continuer.

Le gouvernement a beau avoir fait voter par le Parlement l’essentiel de ses contre-réformes structurelles – restent la réforme territoriale et peut-être la fusion CSG/Impôt sur le revenu dont s’occuperaient Aubry et son aile « gauche » -, leur application sera dure. L’hôpital va être encore plus durement frappé. A la SNCF, à la Poste – on l’a vu – la lutte se nationalise. Le libre-échangisme absolu avec l’Amérique du nord est un formidable encouragement au dépeçage de l’industrie et de l’agriculture en France pour baisser les salaires et les conditions de travail. La liste des mauvais coups est infiniment déclinable. Le gouvernement semble particulièrement sensible à la question de l’explosion programmée des tarifs de l’électricité, prudemment reportée et amenée alors qu’EDF réalise plus de 3 milliards d’euros de profit net.

Des conseillers du pouvoir redoutent une « explosion sociale », nous travaillons à une poussée et à une convergence des luttes contre sa politique. Bonnes vacances !