Repris de PCF Paris 15, 9 avril 2014

Un sondage indique que 69% des Français pensent que le nouveau gouvernement va mener la même politique que le précédent, 4% seulement qu’il puisse faire pire. Ils ont tous raison : ce sera la même politique et donc ce sera pire.

Hollande a parfaitement entendu le message, prévisible, des élections municipales. La politique qu’il poursuit depuis deux ans est massivement désavouée. Mais aucune alternative politique n’apparaît. La sanction de la « gauche » au pouvoir n’a, pour beaucoup, trouvé pour s’exprimer que l’abstention qui atteint un nouveau record. La droite est la grande gagnante en termes de mairies, même s’il on doit y voir largement une victoire par défaut. Mais que réclame la droite ? Que le gouvernement accélère sa politique d’austérité. La montée orchestrée du FN fournit au pouvoir un épouvantail utile pour détourner le rejet de l’Union européenne capitaliste et la colère populaire des luttes.

Hollande, suivant ses commanditaires du Medef, peut donc décider d’aller plus vite, d’engager la course de vitesse face à l’organisation possible du mécontentement populaire et la montée des luttes des travailleurs. Elles constituent la seule perspective politique susceptible de mettre un coup d’arrêt à sa politique antisociale. Dans les mois qui viennent, les batailles contre le « pacte de responsabilité » et contre la « réforme ferroviaire » sont les plus cruciales.

Ambitieux pressé, classé parmi les plus « libéraux » du PS, Manuel Valls est l’homme de cette précipitation. L’équipe gouvernementale est à peine modifiée, sinon avec l’entrée de François Rebsamen et Ségolène Royal connus également pour leurs positionnements droitiers. On notera l’arrivée comme secrétaire général de l’Elysée de Jean-Pierre Jouyet, ancien membre du gouvernement sous Sarkozy, chargé en 2007/2008 de faire passer le traité européen de Lisbonne. Décidément le personnel de l’UMP et celui du PS sont interchangeables. EELV quitte le gouvernement mais continue de le soutenir. Les écologistes, comme une frange du PS et de la « gauche de la gauche » se préparent à constituer une social-démocratie de rechange pour quand le fusible Valls sautera.

La même chose en pire : c’est exactement ce qui ressort de la déclaration de politique générale de Valls devant le Parlement.

Le « Pacte de responsabilité », un cadeau sans précédent récent au patronat et à la finance, est confirmé. Le « Crédit d’impôt compétitivité », en réalité le remboursement au patronat par la collectivité de 6% des salaires, atteindra bien 20 milliards d’euros par an dès 2015. La suppression totale des cotisations patronales au niveau du SMIC coûtera 1 milliard d’euros par an à la branche accidents du travail/maladies professionnelles de la sécurité sociale et au logement social. L’abaissement de 1,8% du taux des cotisations patronales familles coûtera 4,5 milliards par an aux allocations familiales. L’aggravation des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires, coûtera 4,5 milliards d’euros à l’assurance maladie et aux retraites.

Evidemment tout cela creuse le déficit que l’on prétend résorber, sans créer d’emploi et en faisant pression sur les salaires. N’oublions pas non plus que les Français payent déjà 6 milliards d’euros par an de hausses de TVA au nom du « Pacte de responsabilité ». Valls résume les nouveaux « sacrifices des Français » auxquels ses prédécesseurs n’auraient pas « donné assez de sens ».

D’ici 2017, les dépenses publiques et sociales de l’Etat seront amputées de 19 milliards d’euros par ans, celles de la sécurité sociale de 21 milliards et celles des collectivités locales de 10 milliards, soit 15% de leurs investissements annuels. Nous venons d’élire des municipalités qui seront immédiatement privées d’une large part de leurs moyens d’intervention…

Le « pacte de responsabilité » est détaillé mais Valls va aussitôt plus loin ! Il ajoute la suppression d’ici 2017, pour 6 milliards d’euros par an, de la contribution sociale de solidarité que les grandes entreprises versent pour la sécurité sociale des artisans et indépendants (que le premier ministre prétend choyer).

Il prévoit aussi une baisse de l’impôt sur les sociétés de 5% d’ici 2020, avec une première étape d’ici 2017.

Où iront tous ces nouveaux sacrifices des Français : comme les précédents vers les profits, les délocalisations, les grandes fortunes !

Valls assène bruyamment les mauvais coups financiers. Il est beaucoup plus discret – prudent – sur la poursuite du démantèlement des services publics comme s’il redoutait les mobilisations des salariés et des usagers. La marchandisation de l’électricité est pudiquement cachée derrière la « transition énergétique » qui prépare une augmentation des tarifs de 15 à 20% et la poursuite de la privatisation d’EDF. Valls ne dit pas un mot de la gravissime « réforme ferroviaire » qui prépare l’éclatement et la privatisation de la SNCF : elle doit être adoptée en catimini cet été par le Parlement.

Prudent, Valls l’est aussi sur l’Europe et l’euro, tant il sait qu’ils sont rejetés par le peuple. A l’approche des élections européennes. Il se place parmi ceux qui demandent aux « partenaires » une inflexion de la politique de la Banque centrale européenne et une politique européenne de grands investissements (d’aide aux multinationales ?). Laisser imaginer que l’on peut changer l’UE pour mieux la légitimer !

Le schéma européen de destruction des acquis démocratiques nationaux, Valls entend bien le mettre en œuvre ! Il reprend – et c’est une annonce importante et grave – les propositions de Balladur de suppression des conseils départementaux (d’ici 2021) et de constitutions de « 13 grandes régions », directement soumises à l’UE, court-circuitant la démocratie nationale.

Dans le reste du sinistre inventaire du nouveau premier ministre, nous relevons encore le maintien de la « réforme » des rythmes scolaires, la nouvelle étape de la casse du code de l’urbanisme, au nom de la construction, en fait en faveur des promoteurs immobiliers.

Egalement, la réaffirmation de l’action impérialiste, ruineuse, de la France en Afrique. S’il n’en a dit mot dans ce discours, le soutien personnel forcené de Valls à la politique israélienne laisse craindre une nouvelle inflexion de la politique extérieure de la France vers l’alignement derrière l’impérialisme à dominante américaine.

Quelle opposition réelle à cette feuille de route? Communistes, plus que jamais, nous accordons la priorité politique au développement des luttes sociales. Nous ne cessons de mesurer la gravité des illusions électorales semées avant 2012.

Aujourd’hui, moins que jamais, nous ne rentrons pas dans les jeux de recomposition politique préparant une « gauche de recours » avec les deuxièmes fers au feu de la social-démocratie. On a pu lire ici ou là que 88 parlementaires PS étaient réticents à voter la confiance au gouvernement Valls. Dans les faits, après calculs, ils n’ont plus été que 11 à adopter cette posture en s’abstenant, parmi lesquels le vétéran notable Henri Emmanuelli qui s’est distingué en 2013 en réclamant l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite… Ce sont les mêmes qui réclament des « contreparties » patronales pour mieux accompagner le « pacte de responsabilité », les mêmes qui propagent l’illusion d’une « réorientation » de l’UE.

Hollande a été assez habile politicien pour promettre un vote global sur le « Pacte de responsabilité » et pour ne pas tenir sa promesse. Valls a expliqué comment le vote de confiance en tenait lieu. Les « gauchistes » du PS n’ont pas à se démasquer tout de suite.

Non, la rupture avec les politiques d’austérité coordonnées par l’Union européenne ne peut partir aujourd’hui que des luttes et de leurs convergences.

Des dates importantes ont déjà été prises. Le 22 mai, les cheminots feront grève et manifesteront pour le retrait de la « réforme ferroviaire ». Le 15 mai, les fonctionnaires feront de même contre l’austérité et pour les salaires. Le 1er mai peut et doit être une étape de la préparation d’un mouvement d’ensemble contre le « pacte de responsabilité » dans la suite de la réussite de la journée d’action du 18 mars.

Ce samedi 12 avril, nous appelons à participer à la manifestation nationale à Paris, initiée par notre parti, rejoint par des organisations et personnalités diverses, contre les politiques d’austérité, contre le « pacte de responsabilité », pour la rupture avec l’UE du capital, contre les diversions et les menaces de l’extrême-droite, pour soutenir et renforcer le développement des luttes sociales.

Travailleurs, marchons plus vite que Valls !