Début septembre, les syndicats CGT cheminots de Versailles, Trappes et Montparnasse ont invité des collègues et camarades syndicalistes de Grèce et de Grande-Bretagne pour une série de visites, de rencontres et de débats avec des salariés français.

Cette initiative, très opportune, a permis à la fois de faire l’état des politiques de destruction des services publics ferroviaires coordonnées par l’Union européenne et ses « Paquets ferroviaires » et de préciser les axes de résistance face aux politiques menées, dans des conditions différentes, par les gouvernements de chaque pays. L’internationalisme n’est pas qu’une formule!

Nous reproduisons ci-dessous les interviews réalisées par la « Nouvelle vie ouvrière » à cette occasion, celle de Giannis Kiousis, responsable syndical des transports athéniens, membre du PAME, branche inspirée par le syndicalisme de classe et le Parti communiste grec (KKE) et celle du camarade britannique Mark Sargent.

INTERVIEW DE GIANNIS KIOUSIS (Syndicat des transports athéniens OASA – PAME) par Kareen Janselme (NVO – oct. 2013)

NVO. Dans quelle situation se trouvent les chemins de fer grecs aujourd’hui ?

GIANNIS KIOUSIS.

C’est le chaos. La ligne centrale qui relieait Athènes à la Grèce du sud a été fermée. Le réseau a été quasi démantelé. Il y a trois ans, il y avait 7500 travailleurs dans les chemins de fer grecs. Tous syndiqués. 3500 ont été renvoyés ou déplacés. Des conducteurs de train sont devenus brancardiers, gardiens de musée… Le salaire a baissé de 50%. Toutes les conventions collectives ont été abolies. Mais certains secteurs peuvent encore rapporter : en ce moment, on négocie la vente de la partie exploitation, le fret, le transport passagers, la mainntenance des supports techniques y comris les usines, la maintenance des lignes. Dans les sociétés intéressées par le rachat, on trouve la SNCF, les Russes… La Grèce est un endroit clef pour les transports. Celui qui contrôle les transports, contrôle la marchandise et prend la meilleure place dans la concurrence entre pays impérialistes. Mais quel profit pour les travailleurs grecs et français ? Le mouvement ouvrier n’est pas à la hauteur en Grèce. L’idée dominante est d’abord de se sauver soi-même. Quand les cheminots ont subi les licenciements, les travailleurs des hôpitaux n’ont rien dit car ils ne se sentaient pas concernés. Maintenant, que les hôpitaux ferment et que ces travailleurs font face aux mêmes problèmes que les cheminots, c’est au tour des conducteurs de bus de ne pas se sentir concernés.

NVO. Quand est-il de la retraite des cheminots ?

GK. Jusqu’à maintenant, les cheminots ayant commencé à travailler avant 1983 devaient cotiser 35 ans, peu importait leur âge. Ceux ayant commencé entre 1983 et 1990 devaient cotiser 37 ans. Mais ceux qui ont commencé après 1990 ont les pieds dans le tombeau… et ne toucheront pas de retraite ! Je vais vous raconter une anecdote qui donne des frissons. Il y a quelques années, on a obligé les caisses de retraites à placer leur argent dans les banques en échange d’actions. Leur valeur a baissé de 70%. Les 30% sauvés ne suffisent plus à sauver la retraite de ceux qui doivent actuellement partir. Un nouveau système est en train d’être voté qui concernera tous les travailleurs, peu importe où ils travaillent. Tout le monde touchera une allocation retraite de 350 euros. Le gouvernement est fier que cela touche tout le monde. Et en même temps, il est en train d’abolir les cotisations patronales : seul le travailleur paiera. Mais quelles cotisations prendre sur le salaire de 600 euros d’un cheminot ?

NVO. Pourquoi avez-vous accepté l’invitation des syndicats français ?

GK. On voulait venir en France pour réexpliquer que les travailleurs grecs ne sont pas paresseux et que ce n’est pas ça, la cause de la crise. C’est encore ce que j’entends en Allemagne, en Serbie. La classe dominante cultive l’image des Grecs paresseux, de Grecs responsables de la crise. Or, nous entendons parler de la privatisation depuis notre entrée dans l’Union européenne. On vend nos entreprises publiques pour trois fois rien à une entreprise privée qui licencie les travailleurs et distribuent des salaires de misère. Pendant quatre, cinq ans, l’entreprise privée prend ce qu’elle a prendre puis la revend au service public. On vous parle des 400 milliards d’euros de la dette grecs=que, mais qui parle des 600 milliards d’euros des armateurs et Grecs capitalistes placés en Suisse ?

TEMOIGNAGE DE MIKE SARGENT DU SYNDICAT RMT DES CHEMINS DE FER BRITANNIQUES, nvo, octobre 2013

« En 1990, il n’existait qu’une compagnie ferroviaire en Grande-Bretagne : la British Rail. En 1994, le gouvernement conservateur a décidé sa privatisation : c’est là que je suis devenu militant. Très vite, des lois sont passées. En 1999, j’ai reçu une lettre qui m’informait que je ne travaillais plus pour les services publics. Un désastre. Le parti travailliste nous a dit : dans un an, si nous sommes élus, nous reviendrons sur cette privatisation. Devinez quoi ? Ils ont menti. Avec la privatisation, notre entreprise s’est transformée en douze sociétés et un seul syndicat. Le gouvernement a utilisé le législateur pour nous battre. On nous a présenté la privatisation comme un mieux. En fait, des lobbys agissent en sous-main et obtiennent des conditions de travail dégradées. Toutes les fonctions, tous les grades sont attaqués. Après 20 ans de privatisation, le chemin de fer est devenu un gros marché d’affaires qui se porte bien. Mais côté sécurité, c’est une catastrophe. »