Déclaration du Bureau politique du Parti communiste français (27 avril 1956)

La situation en Algérie devient chaque jour plus dramatique.

En France, l’émotion est intense. Les jeunes ménages et fiancés séparés, les mères sont profondément bouleversées. L’envoi en Algérie des soldats du contingent et des disponibles rappelés jette la consternation chez les millions de Français ayant voté à gauche le 2 janvier.

A diverses reprises – et ces jours derniers encore – le gouvernement a déclaré vouloir aboutir rapidement à la paix. Mais ses actes ne correspondent pas aux promesses faites.

Ce n’est pas travailler pour la paix que de multiplier les opérations militaires, raser des villages, procéder à des expéditions punitives, semer la terreur et attiser les haines. Ce n’est pas travailler pour la paix, mais bien s’enfoncer dans la guerre que d’envoyer en Algérie des dizaines de milliers de jeunes du contingent, de disponibles, d’officiers et de sous-officiers.

Ce n’est pas pour une telle politique que les communistes ont accordé leurs voix au gouvernement.

Les communistes ont voté pour le gouvernement Guy Mollet parce que l’union des communistes, des socialistes et des autres républicains est nécessaire pour faire reculer les ultra-colonialistes, pour engager des pourparlers en vue du cessez-le-feu, pour ouvrir la négociation sur l’ensemble des problèmes algériens.

En prétendant nier cette vérité d’évidence qu’est le fait national algérien, on s’interdit toute possibilité de discussion et d’entente avec des éléments représentatifs de l’opinion algérienne.

L’accentuation de la lutte armée sur tout le territoire algérien fait ressortir la faillite de la politique de pacification par la force des armes.

La perspective de relations nouvelles, amicales et fructueuses, entre la France et les jeunes Etats indépendants du Maroc et de la Tunisie se trouve manifestement menacée.

De graves atteintes sont portées à l’autorité et au prestige de la France dans le monde. La guerre d’Algérie consterne les amis de notre pays. Elle réjouit seulement ceux qui espèrent prendre la place de la France en Afrique du Nord.

Enfin, la poursuite de la guerre en Algérie compromet la réalisation des premières mesures sociales décidées ou envisagées. Elle s’accompagne de la violation des libertés démocratiques essentielles. Elle favorise l’activité des groupes factieux.

La politique à laquelle poussent les colonialistes et les réactionnaires est catastrophique pour la France, à la fois parce qu’elle conduit tout droit notre pays dans une guerre longue, sanglante et ruineuse et parce qu’elle creuse un fossé toujours plus large – qui sera bientôt infranchissable – entre le peuple algérien et la France.

Le Bureau politique du Parti communiste français réaffirme son opposition fondamentale à la guerre en Algérie et déclare qu’il faut y mettre fin, ainsi que les délégués du groupe parlementaire communiste à l’Assemblée nationale ont eu récemment l’occasion de l’expliquer au président du Conseil.

Le gouvernement doit engager immédiatement la négociation avec les représentants autorisés du peuple algérien en lutte pour sa liberté. Il ne doit pas laisser sans réponse les offres de négociation formulées ces jours derniers au nom d’une importante fraction de la résistance algérienne.

Le Bureau politique souligne, une fois de plus, que la force essentielle capable d’imposer la négociation et la paix en Algérie est l’action commune des travailleurs communistes et socialistes.

Il constate que, grâce au vote du groupe communiste pour le gouvernement, à l’issue du débat sur les pouvoirs spéciaux, cette action s’est largement développée, impulsant un mouvement populaire d’une grande ampleur.

Le Bureau politique appelle les communistes, l’ensemble des travailleurs et des démocrates, à redoubler d’efforts, dans les entreprises, dans les quartiers des villes, dans les villages, afin que la volonté populaire s’affirme avec toujours plus de force. C’est ainsi que seront imposées les négociations qui permettront d’arrêter la guerre et de régler tous les problèmes se trouvant posés entre la France et l’Algérie, dans l’intérêt commun des deux pays et des deux peuples.