Vivelepcf, 4 août 2014

Le 4 août 1914 ont lieu les obsèques de Jaurès. Le même jour, le Parlement vote la mise du pays en état de guerre. A l’unanimité, sans débat : c’est l’Union sacrée.

L’Humanité du 5 août 1914 rend compte avec gravité et grandiloquence des deux événements, mis en parallèle.

En première page, elle titre sobrement : « Les obsèques de Jaurès » sur 5 colonnes et reprend les prises de paroles des officiels et des compagnons de Jaurès en ce jour de deuil et en ce jour de veillée d’armes. En deuxième page, l’Huma relate les débats de l’Assemblée : « A la Chambre, une séance historique. Dans un mouvement unanime, la Chambre rend hommage à Jaurès. Ella acclame la défense nationale, au milieu de l’enthousiasme le plus émouvant ».

René Viviani, président du Conseil, se retrouve cité dans les deux pages comme orateur aux obsèques et comme rapporteur des projets de loi de guerre. Viviani, « socialiste indépendant », fut un compagnon de Jaurès. Il fonda avec lui l’Humanité dont il fut rédacteur en chef. La veille de sa mort, Jaurès avait rendu visite à son ami Viviani pour voir ce qu’il pouvait engager pour la paix.

Les députés et sénateurs socialistes adhèrent à l’Union sacrée avec enthousiasme. L’Huma rapporte : « M. Deschanel prononce à son tour des paroles patriotiques. Il termine en criant : « Vive la France ! Vive la République ». Ces deux cris sont répétés dans une immense acclamation par la Chambre toute entière. Les socialistes répètent à pleine-voix : « Vive la République » ».

Les rédacteurs de l’Humanité s’enflamment : « Quelle séance : les anciens journalistes qui ont vu le 15 juillet 1870, la journée parlementaire où la guerre fut déclarée, disaient qu’aucune comparaison n’était possible entre cette journée et celle d’hier. La raison est simple : en 1870, c’était l’Empire qui faisait la guerre pour son intérêt dynastique ; aujourd’hui, c’est la nation qui se défend. De là viennent cette union, cette énergie digne et mâle qui rappellent les grandes scènes de 1792. Ceux qui ont assisté à la séance d’hier, députés, journalistes, spectateurs, ne l’oublieront jamais. Ils garderont le souvenir de ses émotions uniques : l’hommage unanime à Jaurès, la réparation éclatante au grand citoyen qui, dans cette même enceinte, connut tant de ….. (illisible ndrl), la lecture du message présidentiel, le discours de M. Viviani rappelant les faits, précisant les responsabilités et faisant appel au monde, puis à la fin de la séance les dernières paroles du président du Conseil et du président de la Chambre qui disent leur confiance dans la victoire du droit. Jamais plus belle manifestation d’unité nationale ne fut faite par un pays menacé. C’est au régime républicain, soutenu par le socialisme, que la France le doit » (souligné par nous ndrl).

Une polémique stérile et oiseuse connaît un nouveau développement avec le centenaire : qu’aurait fait Jaurès s’il n’avait pas été assassiné ? Mais il a été assassiné et on ne fait pas parler les morts !

Ce qui est hautement vraisemblable, c’est que ceux qui ont téléguidé les mains de l’assassin redoutaient que l’activisme de Jaurès pour la paix affaiblisse l’impérialisme français dans une guerre déjà décidée.

Ce qui est sûr, c’est que l’assassinat de Jaurès en a fait un immense symbole pour tous ceux qui allaient condamner les guerres impérialistes et leur barbarie, notamment pour ceux qui allaient faire le choix de créer le Parti communiste français.

Ce qui est sûr, c’est que la quasi-totalité des dirigeants du parti de Jaurès, ses plus proches amis politiques, se sont convertis à « l’Union sacrée », dès ses obsèques, et ont trahi, comme la quasi-totalité de leurs homologues allemands, les résolutions de l’Internationale socialiste. Très peu l’ont regretté.

Ce qui est sûr, c’est que le journal de Jaurès, celui qu’il a dirigé jusqu’à sa mort, sa rédaction quasi au complet se sont mis au service de « l’Union sacrée », du nationalisme et de la guerre impérialiste. Dès le 1er jour.

Dans l’histoire, le journal qui a dénoncé et combattu systématiquement la guerre impérialiste ce n’est pas le « journal fondé par Jean Jaurès », c’est « l’organe central du Parti communiste français » qui a pu s’appuyer sur le sacrifice de Jaurès.

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