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Concurrence autour de la marque déposée « Front de gauche »

En 2009 le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon a pris ses précautions. Il a déposé la marque « Front de Gauche » à l’Institut National de la Propriété Industrielle. Se préparait-il déjà à un divorce éventuel, qui devient plus plausible avec la préparation des élections municipales? En 2011, Dominique NEGRI le faisait remarquer à une direction du PCF qui refusait de le voir.

CONCURRENCE AUTOUR DE LA MARQUE DÉPOSÉE « FRONT DE GAUCHE » ? LE PCF EXISTE DEPUIS 90 ANS…

Par Dominique Negri, membre du Conseil national du PCF – Lundi 30 Mai 2011

Depuis quelques jours un émoi saisit certains membres et dirigeants du PCF.

Ils découvrent en effet que la marque « Front de gauche » a été déposée le 28 juillet 2009, en son nom propre, par un certain Gabriel Amard, membre de la direction nationale du Parti de gauche.

De son côté, un peu plus tard, la direction du PCF a déposé l’appellation « Front populaire de gauche ».

Toutes les informations sont vérifiables sur le site de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) et sont évidemment connues des premiers intéressés.

Cette concurrence pour la propriété du nom « Front de gauche » est significative du niveau de confiance et des arrière-pensées entre les partenaires du Front.

Pourtant, d’élections en élections, des européennes de 2009 aux législatives de 2012 en passant évidemment par les présidentielles, ils ont décidé de jouer l’unité avec des candidatures communes. On notera, au passage, combien le « Front de gauche » n’est qu’une création électoraliste…

On comprend aisément le jeu de Mélenchon et de son ex-courant du PS. Le PG ne représente à peu près rien en termes d’organisation et encore moins dans la société. S’identifier au Front de gauche (d’autant plus facilement vu la proximité des intitulés) leur permet de s’approprier une partie de ce que représente le PCF.

Et puisque c’est la direction du PCF qui est venue les chercher et qui a besoin d’eux, ils n’hésitent pas à pousser l’avantage en obtenant toujours plus de visibilité, de candidats, de postes d’élu aux dépens de notre parti.

En cas de divorce après 2012, l’aventure Front de gauche aura été tout bénéfice pour le PG.

La démarche de la direction du PCF ne peut se comprendre que dans la suite de la stratégie qu’elle poursuit depuis des années.

« Mutation », « Nouveau parti », « Collectifs antilibéraux », « Métamorphose », elle conduit avec constance, malgré les communistes, le processus d’effacement du PCF et de sa raison d’être.

Le « Front de gauche » est le nouveau moyen pour finir de « transformer » le PCF en un parti comme les autres, une coquille vide, une association d’élus, fondu dans un ensemble social-démocrate de gauche.

C’est peut-être y aller à grands traits que de l’écrire ainsi mais j’invite chacun à mesurer objectivement ce que représente le Front de gauche en termes de positionnements, de mode d’organisation et même d’alliance.

Imposer le Front de gauche et Mélenchon depuis 2008, en utilisant le caractère structurant des campagnes électorales, sans jamais avoir soumis ce choix aux communistes, c’est le moyen de transformer le PCF en « Front populaire de gauche ».

« Front populaire de gauche » et non « Front de gauche » ! Puisque M. Amard et le Pg ont grillé la politesse à la direction du Parti !

L’observation du processus de destruction du Parti communiste espagnol, sur plus de dix ans, avec des partenaires variés, pour en arriver à la « Gauche unie », est très instructive à ce titre.

Les communistes, les travailleurs n’ont pas besoin d’une nouvelle « marque déposée ». « Communiste », c’est beaucoup plus signifiant que « gauche ».

Depuis 90 ans, le PCF, par ses fondements théoriques, son organisation, son histoire représente quelque chose de très fort : un parti révolutionnaire conséquent.

Laissons donc le Front de gauche au Parti de gauche, à son dirigeant mitterrandien, à la Gauche unitaire et aux dizaines d’autres groupuscules qui frappent au portillon pour se partager ce qu’il espère être les dépouilles de notre grand parti. A tous ceux aussi qui, membres du PCF, pensent que celui-ci n’a plus de raison d’être. C’est leur droit. Mais qu’ils ne cherchent pas à entraîner notre parti dans leur choix !

Pour ma part, je fais partie de ceux qui affirment la nécessité du PCF pour notre peuple dans la lutte des classes contre un capitalisme qui continue toujours à dominer.

Faisons vivre le PCF, renforçons-le conformément à ce que son sigle continue à représenter dans l’inconscient collectif de notre pays, à l’attente qui s’exprime d’une perspective politique de rupture anticapitaliste.

Ouf, j’ai vérifié, les statuts du PCF sont bien déposés depuis 1920 !

Maintenant, Mélenchon s’en prend à Pierre Laurent… Le Front de gauche: depuis le départ, un PACS pour le pire. Arrêtons là !

Emmanuel Dang Tran, vivelepcf, 24 août 2013

janvier 2013

Les propos tenus vendredi 23 août 2013 par Jean-Luc Mélenchon à l’encontre de Pierre Laurent sont inacceptables pour les communistes, d’autant plus de la part d’un « allié ».

Rappelons les mots employés. Il a accusé en conférence de presse Pierre Laurent de « répondre  de manière quasi instantanée, dans un garde à vous impeccable, aux injonctions d’Harlem Désir » avant d’ajouter en meeting à son endroit : « On ne gagne rien au rôle de tireur dans le dos ».

Dans la bouche de Mélenchon, spécialiste des « formules », on sait qu’il ne s’agit pas d’un écart de langage mais d’une déclaration réfléchie rentrant dans une tactique politique.

Jusque-là, Pierre Laurent avait été ostensiblement épargné. Maintenant, il a droit au même traitement que d’autres membres de la direction du Parti, que nombres de communistes dans les localités de la part des disciples de Mélenchon, notamment à l’approche des municipales.

Les derniers propos de Mélenchon ne peuvent rester sans suites, cette politique agressive du Parti de gauche à l’encontre du PCF sans réaction nationale. Je demande que cette question soit mise à l’ordre du jour du Conseil national du 12 septembre.

La question ne pourra pas se régler par une réconciliation entre dirigeants après les « universités d’été » et par un constat de la « diversité du Front de gauche ». Elle doit conduire pour les communistes au réexamen total de l’alliance avec le PG et, conséquemment, de la stratégie du Front de gauche, voulue par la direction du PCF. Les outrances calculées de Mélenchon doivent aussi ouvrir les yeux de ceux qu’un mirage ou un espoir électoral aurait aveuglés en absence de véritable alternative politique.

J’estime d’abord qu’il est plus que temps de se démarquer publiquement de certains positionnements personnels de Mélenchon, de les condamner. Combien de temps il aura fallu à Pierre Laurent pour commencer à s’inquiéter (dans l’interview de Libération qui lui vaut l’ire de Mélenchon) du mode de « la provocation et de l’invective » ! La surenchère populiste fait objectivement le jeu de la politique gouvernementale qu’elle prétend combattre, voire celui du pire populisme. Notre parti ne peut pas laisser passer encore des sorties telles que l’approbation d’une intervention militaire en Libye, la qualification de la guerre d’Algérie en « guerre civile (lien) » etc.

J’estime que la direction du Parti doit cesser de fermer les yeux devant les jeux politiciens de Mélenchon. Il reproduit, en farce, l’OPA de son inspirateur Mitterrand sur ce qu’il reste de l’électorat et de l’influence communistes. Sa « façon de faire de la politique », son opportunisme dans les postures « radicales », ses combinaisons à géométrie variable (main tendue à Cohn-Bendit puis Eva Joly) représentent le contraire de la conception communiste de la politique.

Une dernière fois, je l’espère, nous sommes obligés de déchiffrer le calcul de Mélenchon.

En attaquant Pierre Laurent et les communistes, Mélenchon ne cherche pas un instant à remettre en cause le Front de gauche ni à divorcer de la direction du PCF. Au contraire.

Il n’y a aucun intérêt, dénué qu’il est de véritables troupes et appareil. Il a besoin de la caution PCF pour être mis en avant comme chef de la gauche de la gauche. Pour les municipales, le PG est beaucoup plus prudent que ses déclarations n’en donnent l’image. Le résultat y est incertain : Mélenchon ne pourra pas compter les voix comme les participants à ses marches citoyennes, avec son coefficient multiplicateur de 6… D’où sa recherche d’alliances avec EELV. Il n’y aura sans doute de listes du PG seul que dans quelques villes centres, bourgeoises (aussi faute de candidats ailleurs!).

En attaquant le PCF sur ses alliances avec le PS, Mélenchon fait d’une pierre trois coups. Il taille des croupières à son partenaire sachant que l’attractivité du Front de gauche est principalement liée à sa posture d’opposition au PS. Il fait oublier ses 30 ans de sinécure dans le parti gouvernemental, comme, depuis, son appel à voter Hollande sans conditions. Enfin, il rend encore plus difficile à la direction du PCF de se séparer de lui : elle le ferait « sur la droite » et sortirait disqualifiée.

Mélenchon sait qu’il peut se permettre d’aller très loin sans rompre la corde. Grâce à la direction du PCF, c’est lui qui personnifie le Front de gauche. Sans lui, la stratégie initiée par la direction du PCF tombe à l’eau.

Tout cela, Mélenchon ne l’emportera sans doute pas au paradis. Mais les communistes doivent se dégager des impasses stratégiques du PCF qu’il prend soin d’exploiter.

Si nous n’avons pas de leçons à recevoir de transfuges du PS, la question de sortir de la dépendance institutionnelle du PCF au PS se pose. Celle-ci a été aggravée par les choix de la « Mutation » dans les années 90, liquidant l’organisation militante de base, les cellules, et priorisant la participation aux institutions sur l’action dans les luttes. La part des dirigeants locaux et nationaux du PCF liés à des mandats électifs, obtenus avec le PS, est devenue prépondérante, créant une condition structurelle à l’alignement sur la social-démocratie et son fonctionnement. Pour autant, on ne corrigera pas tout cela en quelques mois avant les municipales. C’est aux communistes localement de décider. Tous les cas de figure existent dans le PCF, de la poursuite d’une conception d’une union de combat à une désolante caution à des politiques locales social-libérales. A Paris, après 12 ans de collaboration avec le social-libéralisme, je me prononce pour des listes de rassemblement initiées par le PCF.

Mélenchon fait du chantage : « sans moi, plus de Front de gauche ». Pour les communistes, l’alternative ne saurait être : « Le Front de gauche sans Mélenchon ».

D’une part, parce que Mélenchon ne se trompe pas. La direction du PCF est allée le chercher en 2008 pour constituer le FdG (en doublant le congrès du Parti), après l’échec des « collectifs antilibéraux » de 2006, et celui en 2007 de la tentative de remise en cause de l’existence même du Parti. Les présidentielles ont fini de l’introniser comme dépositaire du Front de gauche.

D’autre part parce que toutes les composantes du Front de gauche, Mélenchon et la direction du PCF en tête, au-delà des divergences tactiques et structurelles, occupent le même espace politique et partagent les mêmes conceptions et perspectives.

J’estime que la rupture avec Mélenchon ne peut que coïncider avec une rupture avec la stratégie du Front de gauche :

- Une rupture avec la conception institutionnelle et électoraliste de la politique et de l’organisation

- Une rupture avec la perspective de recomposition de la gauche et d’émergence d’un deuxième pôle de « gauche » (réformiste) à côté du PS, entretenant l’illusion de tirer à gauche le PS et étouffant le PCF.

Le 5 mai à la Bastille, Mélenchon se dit prêt à devenir premier ministre de Hollande ou ministre de Montebourg. Il invite Eva Joly. Côté Pierre Laurent, le changement implique systématiquement de rassembler toute la gauche. Dans une interview au même journal Libération en août 2012 (lien), il estimait que le « PCF devait être l’héritier des traditions socialistes et communistes de la 1ère moitié du 20ème siècle » (donc de Blum !). Aux « assises citoyennes » du 16 juin convoquées par la direction du PCF, on retrouve ensemble sur la tribune principale aux côtés de Pierre Laurent, la PS Lienemann, l’ex bras droit de Delanoë, Autain, le secrétaire d’EELV Durand, Mélenchon…

- Une rupture avec les positionnements réformistes, dissimulés autant par l’utopisme, l’humanisme, le gauchisme que par les diatribes de Mélenchon.

Avec nombre de responsables d’organisations locales du PCF, de militants, nous proposons de commencer par ce dernier point, pour répondre à l’urgence et à la colère sociales, pour développer les luttes et rassembler les travailleurs, pour commencer à faire reculer la politique au service du capital.

Nous proposons de lancer notamment ces campagnes nationales :

- Pour le rétablissement de la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités de cotisation (quand la pétition reprise par le FdG, « pas un trimestre de plus, pas un euro de moins », entérine les lois Fillon et Woerth et dédouane le pouvoir actuel).

- Pour la nationalisation intégrale des constructeurs automobiles et de la sidérurgie (quand le FdG privilégie une autre distribution des aides publiques aux entreprises – il faut tendre à les supprimer !)

- Pour la reconquête des monopoles publics des grands services publics et leur renationalisation à 100% (au lieu de vouloir rester « eurocompatibles »).

- Pour la rupture avec l’Union européenne et l’abandon de l’euro (quand le FdG, suivant le Parti de la gauche européenne, entretient l’illusion d’une réorientation sociale de l’UE).

Les calculs et polémiques de Mélenchon et du Front de gauche redeviendront ce qu’ils sont : dérisoires, anecdotiques, si le PCF joue son rôle dans la lutte des classes.