EDT pour Vivelepcf, 27 décembre 2015

C’est la « folie Star Wars » : 10 à 15 millions de spectateurs attendus en France entraînés par des millions de budget pour une promotion bien orchestrée, reprise par tous les médias dominants, en vue, au plan planétaire, de plusieurs milliards d’euros de recettes, sans compter les produits dérivés.

Laissons aux cinéphiles, que nous sommes parfois aussi, juger des qualités narratives et esthétiques, indéniables de la série, possibles du nouvel épisode. Etudier finement l’effet du film sur les différentes catégories de spectateurs, la nature de sa construction mythologique, la diffusion de ses codes, est du plus haut intérêt intellectuel vu le caractère de masse du phénomène ; de même qu’étudier les différents niveaux de lecture des films de la série, même si le dernier est produit par Disney, connu pour traquer, dans les détails, tout écart avec la ligne idéologique étatsunienne.

Il n’en demeure pas moins que l’impact culturel, idéologique et politique du film et sa propagande se fera avant tout au premier degré : dans l’exposition manichéenne d’un univers où s’opposent des méchants à la rouerie infinie et des gentils contraints de faire la guerre avec des armes toujours plus sophistiquées, qu’il serait juste de nommer de « destruction massive ».

La transposition n’est pas difficile à faire. Comment ne pas voir les Etats-Unis et leurs alliés – l’impérialisme américain – derrière les gentils et leurs ennemis successifs (« communisme », « terrorisme » etc.), derrière les avatars successifs des méchants du film, réunis dans « l’Empire » (le mot n’est pas choisi par hasard !) ? Nous nous souvenons que la « Guerre des étoiles » a été le nom donné à la militarisation de l’espace sous Reagan, au début des années 80, dans le but d’étouffer un peu plus l’URSS par la menace militaire et la course aux armements.

On entend parfois certaines personnes bien intentionnées recommander aux parents de ne pas offrir de ne pas offrir de soldats de plomb ou de panoplie de d’Artagnan à leur garçon parce que cela pourraient les rendre belliqueux plus tard et aussi parce qu’il faut rompre avec les « stéréotypes de genre ». J’espère qu’on entendra ces voix dénoncer les ventes « d’épées laser » (basse consommation, j’espère !) à destination des enfants car les victimes amputées des bombardements et des guerres ne se font pas remplacer leur bras manquant par un nouveau bionique comme dans « Star Wars ».

Dire tout cela, sur un ton plus ou moins sérieux, engager le débat sur « Star Wars » sous l’angle de la dénonciation de l’impérialisme américain, également de l’impérialisme culturel américain, communistes, nous l’avons toujours fait et je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas aujourd’hui. Cela ne signifie évidemment pas d’appeler à boycotter le film. Mais, ce n’est pas parce que 10 ou 20 millions, dont des électeurs potentiels, seront allés le voir et la plupart, par conviction ou par effet d’entraînement, l’auront trouvé bien que nous devrions nous abstenir de critiquer un élément de la propagande de masse au service de ce que nous combattons le plus : la guerre impérialiste.

Aussi, je trouve regrettables les allusions, les citations, les bons mots faisant référence, même au second degré, à « Star Wars », multipliées en ce moment par des personnalités politiques soucieuses de ne pas passer à côté de la mode médiatique. Ce n’est pas très grave, mais pas non plus très drôle : dans ses avant-vœux sur Facebook, le secrétaire de notre parti, Pierre Laurent, y va du « côté obscur de l’année 2015 (actu oblige !) » à « d’ici là … (ses vœux), May the force be with you » (suivant la formule rituelle en anglais : « Que la force soit avec vous »). On le pardonne pour cette marque de conformisme ! Moins étonnant, le maire PS de Lyon, entre autres, y est allé de son « Que la force soit avec Lyon » etc.

Mais on ne peut pas accepter la nouvelle dérive du ministère de l’éducation. Sur son site internet, en vue de sa campagne de (maigre) recrutement, le ministère publie un « visuel interactif » reprenant certaines des formules de la novlangue matraquée par « Star Wars », comparant notamment  le futur prof au personnage de soi-disant sage du film (voir l’image). Bien des profs s’en sont indignés confrontant ces slogans avec l’insuffisance des moyens et la dégradation des conditions de travail. A son tour, le ministère des affaires étrangères a sorti un visuel équivalent dans un « Tweet », comme encore la Gendarmerie nationale. C’est affligeant mais c’est aussi inquiétant tant cela témoigne de la perte de neutralité des institutions « républicaines ». La ministre Vallaud-Belkacem n’a que le mot « laïcité » à la bouche mais elle colporte la religion de « Starwars » qui celle de la guerre et de l’argent.

On pourrait multiplier les exemples. Un dernier, à l’étranger, sans doute le plus significatif. A Odessa, en Ukraine, le 23 octobre 2015 – en plein battage mondial pour le nouvel épisode – les autorités ont fait remplacer la grande statue de Lénine qui veillait sur les habitants de la ville depuis des décennies par une statue de même ampleur représentant le chef des méchants de « Star Wars », Dark Vador. Plus exactement, l’auteur a recouvert la statue de Lénine, en en laissant apparaître certains morceaux, de telle façon que la population fasse mieux l’identification. Cela s’est passé dans le cadre du processus de criminalisation du communisme et d’interdiction du Parti communiste en Ukraine, en application des lois iniques du gouvernement fascisant mis en place avec l’appui des Etats-Unis et des Etats européens. Cela se passe dans la ville où, dans l’incendie criminel de la Maison des Syndicats, le 2 mai 2014, 63 personnes ont été tuées par des fascistes ukrainiens qui entravent aujourd’hui la tenue du procès.

« Star Wars », ce n’est pas qu’un divertissement et le message de « Starwars » n’est pas qu’une fable ou une plaisanterie.