Vivelepcf, 17 mars 2015

En 1897, le peintre suisse Ferdinand Holder provoqua une violente controverse avec son projet de tableau « La retraite de Marignan » pour une commande du Musée national suisse de Zurich. Il montre des soldats hagards, piteux et ravagés : tout le contraire de la glorification nationale traditionnelle de l’armée helvétique, défaite héroïquement, la tête haute, par un ennemi français sournois et supérieur en nombre.

Le souvenir de la bataille de Marignan a servi – et sert encore notamment avec la poussée des partis d’extrême-droite – à exalter le nationalisme suisse dans l’intérêt des classes possédantes de ce pays.

Très longtemps, Marignan a été convoqué pour mettre en avant un des principaux produits d’exportation de la Confédération helvétique : le prêt de mercenaires pour les cours d’Europe  dont les Gardes suisses du pape sont une survivance, à côté des marchands d’armes et de mercenaires d’un type nouveau déguisés en activistes d’organisations humanitaires.

La glorification de la retraite de Marignan a également servi à justifier le rôle de la Suisse, y compris sous sa prétendue « neutralité » au cœur de l’Europe, comme arrière-boutique financière et affairiste pour les échanges entre grandes puissances impérialistes.

La peinture de Holder a finalement été quand même acceptée ; peut-être par des amateurs d’art bourgeois plus avancés, conscients que la souffrance du combattant pouvait aussi être héroïsée et instrumentalisée dans l’intérêt de leur classe…

En France, l’évocation de la bataille de Marignan s’est réduite à un repère mnémotechnique portant une glorification vague de l’école laïque voulue par les dirigeants politiques de la 3ème République. Ceux-ci aussi savaient ce qu’ils voulaient diffuser et légitimer dans le peuple : le principe de l’intervention militaire conquérante de la puissance impérialiste française partout dans le monde.

Car Marignan, c’est en Italie. Et la fameuse bataille, c’est en fait l’opposition des prétentions des classes dominantes liées à la France, dont la puissance étatique était renforcée depuis l’avènement de François 1er, avec des prétentions sur le riche duché de Milan, et du clan Sforza qui tenait la ville et son commerce et payait les Suisses.

Marignan, c’est aussi 15.000 à 20.000 morts, un record pour l’époque.

Le 500ème anniversaire aura lieu en septembre 2015 : préparons-nous à contrer dès à présent les récupérations militaristes !