Vivelepcf, 2 août 2014

La guerre civile en Irak, incessante depuis l’invasion américaine de 2003, a franchi un nouveau stade dans l’horreur. Les attentats, les massacres continuent dans quasiment tout le pays entre milices « sunnites » ou « chiites ». L’Etat central reste décomposé et impuissant. Au nord, des milices se réclamant de l’islam radical ont pris le contrôle d’une partie du pays, dont celui de la ville de Mossoul.

Ces groupes de brigands surarmés, avides de pouvoir et d’argent, y font régner un régime de terreur, barbare et obscurantiste, qu’ils prétextent par l’islam. « L’Etat islamique en Irak et au Levant – EIIL » comme ils se sont appelés, se livre aux pires exactions, en particulier sur la composante assyrienne de la population – de culture chrétienne, croyante ou non – persécutée, violentée, pillée, poussée à la fuite.

Cette situation suscite une grande émotion y compris en France. Elle est légitime et nous la partageons.

Plusieurs courants politiques français se sont emparés de la question.

Des personnalités de droite multiplient les déclarations de compassion et organisent même des manifestations. Elles trouvent là une cause internationale avantageuse à défendre. Cette position masque leur silence sur le conflit le plus aigu du moment, la guerre de Gaza, voire le plus souvent leur soutien à Israël. L’origine chrétienne de nombre des victimes, les motivations « islamistes » revendiquées des bourreaux ne sont certainement pas sans inspirer des calculs électoralistes malsains chez certains de ces politiciens.

Le gouvernement PS expose autant son impuissance que sa compassion en proposant d’accueillir des réfugiés, là encore seulement « chrétiens », d’Irak.

Récupérant le débat, s’opposant à la proposition du gouvernement, le FN préfère, dans sa stratégie électoraliste, jouer sur son registre du rejet de l’immigration plutôt que sur celui de la solidarité chrétienne.

Droite et gauche versent des larmes sur les conséquences désastreuses d’une politique internationale qu’ils défendent (même si la France n’a pas participé à la guerre américaine en Irak de 2003 – elle le ferait sans doute aujourd’hui !).

Les autorités américaines l’avaient dit crûment: leur volonté était de ramener le pays à l’âge de pierre. L’impérialisme américain et ses alliés ont cherché et réussi en Irak, comme ensuite en Libye, mais pas (encore) en Syrie, à faire éclater ces Etats, à faire régner le chaos. Cette situation donne à leurs multinationales un accès privilégié et avantageux aux ressources pétrolières de ces pays. La guerre a fait disparaître des Etats qui, loin d’être des modèles certes, représentaient une alternative politique aux régimes théocratiques des dictatures du Golfe, alliées à l’impérialisme américain. Elle a fait disparaître des Etats ennemis du centre de gravité du système d’alliances impérialistes américain dans la région : Israël.

C’est cette politique impérialiste qui a causé la désolation en Irak, maintenant l’avènement de groupes ultra-violents « islamistes ».

Que préconiser aujourd’hui en Irak ? Surtout pas d’ajouter la guerre à la guerre !

Mgr Louis Sako, patriarche de l’église chaldéenne, répond avec une grande justesse dans le Figaro (2 août 2014) :

« Q : « La communauté internationale doit-elle intervenir ? R : Je vous parle franchement : de l’Occident, j’attends désormais le pire car on n’y cherche que les intérêts économiques. Voyez ce qui se passe à Gaza, en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen… Où est l’humanité ? Où est la communauté internationale ? Les discours de condamnation ne suffisent pas. Q : Et si les choses empiraient ? R : Une intervention militaire est toujours une erreur. Elle laisse derrière elle plus de morts, plus de réfugiés et plus de ruines. Ce n’est pas une solution, jamais. Dans le monde actuel, il n’y a que des solutions pacifiques avec la diplomatie, le dialogue et la négociation. Il faut trouver un moyen civilisé pour résoudre les problèmes : ce n’est pas celui des bombes. »

Il est bien évident que si l’impérialisme américain intervient à nouveau directement militairement – Obama a évoqué l’éventualité de frappes ciblées -, ce ne sera que pour prolonger le chaos. Pendant les 9 ans d’occupation américaine du pays, entre 190.000 et 500.000 personnes ont été tuées.

Au contraire, l’opinion publique internationale peut et doit intervenir pour dénoncer les ingérences impérialistes en Irak et dans la région, qui font le lit de tous les extrémistes, et les faire reculer.

Les armes lourdes des milices « djihadistes » ne leur ont été envoyées par Allah ! Elles sont venues des « djihadistes » de Syrie, où elles étaient venues du Qatar ou d’Arabie Saoudite, où elles étaient venues des Etats-Unis, d’Allemagne ou de France. Les puissances impérialistes occidentales sont prêtes à vendre au gouvernement irakien des armes, gagées sur le pétrole, pour combattre des miliciens qu’elles ont elles-mêmes armés via la Syrie. Le cynisme de l’impérialisme dans toute sa splendeur !

Aussi, dans une logique complètement contraire, en solidarité avec le peuple irakien, nous pouvons et devons exiger notamment :

-          la fin des aides financières et des livraisons d’armes, directes et indirectes, aux « djihadistes » de Syrie, l’arrêt des manœuvres impérialistes occidentales pour prolonger la guerre et détruire ce pays. Qui prétend vouloir stopper les « djihadistes » en Irak ne saurait les armer en Syrie !

-          la remise en cause des politiques de complaisance françaises avec les dictatures théocratiques du Golfe et notamment du Qatar, verrue financière de la région

-          la révision des accords pétroliers avec l’Irak, par exemple ceux de Total pour que l’argent du pétrole irakien aille aux Irakiens, finance la reconstruction du pays plutôt qu’entretienne la corruption

Massivement, le peuple irakien refuse l’avènement de l’obscurantisme, la poursuite de la guerre. Les factions extrémistes recrutent sur le terreau de la misère et du désespoir.

L’organisation d’une résistance aux extrémistes, démocratique unitaire et agissant nationalement, la restauration de l’autorité d’un Etat irakien légitime, le retour de son intégrité territoriale, la reconstitution d’une unité nationale irakienne respectant toutes les composantes de la population, passent fondamentalement par une libération du pays de l’emprise impérialiste.