Vivelepcf, 9 décembre 2014

Des élections professionnelles ont eu lieu ces dernières semaines dans les fonctions publiques, dans plusieurs grandes entreprises publiques (RATP, Poste, France-Télécom) et privées (Airbus). Les résultats définitifs sont maintenant connus intégralement. Il apparaît que la CGT enregistre un recul assez général, de 2,3% dans la fonction publique.

La CGT reste néanmoins l’organisation syndicale la plus représentative dans la fonction publique comme à La Poste et à la RATP. Le rappeler, ce n’est pas se consoler, c’est souligner une réalité décisive.

Pour autant, il ne peut pas être question d’ignorer la tendance négative que connaît le syndicat révolutionnaire historique de la classe ouvrière. Et c’est une nécessité d’en analyser les causes. Après de premiers échanges avec des camarades de plusieurs entreprises, nous soumettons quelques premières hypothèses au débat.

L’activité des sections et syndicats locaux a permis aux représentants de la CGT de conserver de nombreuses positions qui seront très importantes pour la défense des salariés et les luttes à venir. Mais elle n’a pas empêché, dans la plupart des cas, des reculs, au profit de l’abstention ou d’organisations syndicales de collaboration, pourtant parfois complètement absentes des bureaux et des ateliers et encore plus des mobilisations. Nous comprenons et partageons l’amertume des camarades.

Il est indiscutable que les affaires Lepaon ont lourdement pesé sur le vote en assimilant, à tort, la CGT aux basses pratiques politiciennes dominantes. Ce facteur est d’abord conjoncturel, même s’il a des origines plus profondes. Nous ne pouvons manquer de dénoncer les responsabilités des « corbeaux » qui ont livré ainsi ces informations en pleine période de préparation des élections, alors qu’elles leur sont connues de longue date.

Des facteurs objectifs ont pesé en défaveur de la démocratie professionnelle en général et de la CGT en particulier. Les patrons des administrations et des entreprises publiques ont choisi d’étendre les votes dématérialisés, par internet, ou les votes par correspondance, même dans les grands sites. Eloigner le vote du lieu de travail, des collègues, des syndiqués, c’est tendre à le transformer en un vote désincarné, sorti de son contexte, soumis à l’idéologie dominante. Syndicat de militants, la CGT a été la première pénalisée.

A la Ville de Paris, la municipalité de « gauche » a décidé pour la première fois de sous-traiter au privé l’organisation du vote par correspondance. Le résultat a été désastreux : mélange des enveloppes, envois multiples, confusion générale ! Des boîtes privées, surexploitant une main-d’œuvre précaire, se sont fait de l’argent aux dépens de la démocratie.

Dans certaines entreprises, notamment à France Telecom, et même à La Poste, depuis quatre ans, les suppressions d’emploi, les externalisations ont été opérées à un tel train que la composition du personnel en ressort changée. La surreprésentation des cadres et catégories intermédiaires, moins directement sensibles à leur exploitation et leur condition sociale de classe, affaiblit presque mécaniquement la CGT dans ces grandes entreprises.

Les stratégies de répression antisyndicale, de harcèlement des militants, se sont encore développées en 4 ans, visant en premier lieu les militants de la CGT. On doit le prendre en compte.

Tous ces éléments sont vécus et réels. Mais nous ne pouvons pas nous y arrêter pour autant dans l’analyse du recul de la CGT ou de la FSU.

En ce qui concerne l’éducation nationale, la dématérialisation du vote en 2011 avait entraîné directement une chute de 15% de la participation. La FSU avait reculé de 6%. En 2014, malgré la familiarisation du monde enseignant à l’outil internet, la participation s’est à peine redressée, de 38,5% à 41%. La FSU recule à nouveau de 5% tout en demeurant en tête avec 35% des exprimés.

Quelque chose n’est passé inaperçu à personne. Entre 2010, 2011 et les élections de cette fin d’année 2014 se sont produites les élections de 2012 et l’alternance au pouvoir.

Avant 2012, de façon inédite, CGT et FSU se sont inscrites dans la campagne électorale de la présidentielle, pour la « gauche » et en définitive pour François Hollande. La CGT a organisé, par exemple, début 2012 un rassemblement national, réunissant 4000 cadres CGT du pays, au Zénith de Paris avec les représentants des candidats de gauche. Les grandes mobilisations de 2009, sur un programme très général et donc très politique, le renvoi des immenses manifestations pour les retraites de 2010 à une perspective de changement électoral, avaient déjà manifesté cette stratégie syndicale d’affiliation à la « gauche » politique.

Aujourd’hui, nous sommes en droit de supposer que la CGT fait les frais de ce choix. Directement, certains le lui reprochent ou se sont écartés du syndicat. L’ensemble des organisations CGT, même malgré elles, ont perdu en crédibilité. Indirectement, les désillusions alimentées conduisent aujourd’hui les salariés, notamment du public, vers la résignation, la recherche de solutions individuelles, en contradiction avec les valeurs de la CGT.

Globalement la participation recule de 1,8% dans l’ensemble de la fonction publique (de 4% dans la fonction publique territoriale, frappée frontalement par la « réforme » territoriale).

Les syndicats ouvertement réformistes, CFDT, UNSA, CGC, gagnent légèrement, en se disputant, entreprise par entreprise, les parts de marché. Ils gagnent sur la résignation et le clientélisme et profitent du soutien patronal et étatique. Logique.

Cette organisation syndicale improbable, née de l’anticommunisme, qu’est FO, progresse dans de nombreux endroits. Pratique de collaboration, discours avec quelques accents radicaux, direction à composante trotskyste, sympathisants plus marqués à droite, avec le soutien ponctuel du FN, FO a joué son rôle de vote poubelle antisocial.

Sud-Solidaires a progressé légèrement, surtout dans les administrations, où elle est héritière directe de la CFDT, réformiste avec un vernis gauchiste (hôpitaux), ou de syndicats autonomes (Impôts). Mais Sud recule fortement là où il s’est montré, même à sa façon gauchiste, le plus contestataire, comme à France-Télécom et à La Poste. Tailler des croupières à la CGT ne lui rapporte plus. Ses militants honnêtes et combatifs affrontent la même réalité que les syndiqués CGT.

Ces résultats, contrastés mais globalement négatifs pour la CGT, doublés des polémiques justifiées issues des affaires Lepaon peuvent et doivent amener à une redéfinition de la ligne de la CGT nationalement. Beaucoup d’entre nous ont été choqués des efforts des directions et en particulier de Lepaon pour éteindre la grève des cheminots en juin contre la « réforme ferroviaire ».

C’est pourtant à partir de telles luttes, pour les services publics, pour la défense et la reconquête des monopoles publics, pour la défense du financement et des prestations de la sécurité sociale, contre la casse du droit du travail, contre l’extension du travail du dimanche, pour faire obstacle à la liquidation de l’industrie par des nationalisations conséquentes – automobile, sidérurgie -, contre l’Union européenne, ses directives, ses règlement et sa domination monétaire au service du capital, que peuvent se construire les perspectives de résistance, de rupture avec la politique du capital.

Ces perspectives qui renforceront les syndicats CGT, les syndiqués, les salariés, le pays dans leur entreprise, dans la lutte des classes.