Brève, vivelepcf, 21 avril 2013

Pour la ministre Fioraso : « Si nous n’autorisons pas les cours en anglais à l’université, nous n’attirerons pas les étudiants des pays émergents comme la Corée du Sud et l’Inde. Et nous nous retrouverons à cinq à discuter de Proust autour d’une table, même si j’aime Proust… »

Dans le même esprit, l’article 2 de son projet de loi sur l’enseignement supérieur (voir notre tract sur l’ensemble en lien) vise, selon l’exposé des motifs, à « étendre les exceptions au principe qui fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses. Il permet ainsi de dispenser en langues étrangères une partie des enseignements effectués, dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programme financés par l’Union européenne. Cette modification doit permettre d’améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur français vis-à-vis des étudiants étrangers ».

Il se comprend aisément qu’il faut lire derrière « langues étrangères », l’anglais, derrière « dans le cadre d’accords avec l’Union européenne », la quasi-totalité des établissements. On imagine bien aussi que les cours en anglais ne seront pas destinés qu’aux étudiants étrangers mais surtout aux étudiants français.

« Attractivité », « compétitivité », comme l’ensemble du projet de loi faisant suite à la loi LRU, l’extension des cours en anglais s’inscrit dans la logique de marchandisation, de mise en concurrence des enseignements et de la recherche. La langue favorisée, ce n’est pas l’anglais de Shakespeare ou de Scott Fitzgerald, mais la langue véhiculaire de la mondialisation capitaliste, celle de l’impérialisme américain, celle de l’Union européenne.

Cette mesure est très grave. Elle prépare un appauvrissement général des contenus des enseignements, un nouvel accroissement des inégalités à l’université comme dans la société. La loi Fioraso renforce la primauté de l’anglais dans la hiérarchisation, « l’attractivité » des langues. Elle lui ouvre les portes de l’enseignement supérieur, de la formation des élites.

Demain il y aura, comme déjà aujourd’hui dans certaines grandes écoles, des cursus en anglais pour former les premiers serviteurs des multinationales. Des personnalités comme Dominique Strauss-Kahn ou Christine Lagarde sont les précurseurs de ces « dirigeants mondiaux anglophones d’origine française ». Une nouvelle distinction linguistique de classe entre les cadres formés en anglais et la population laborieuse va s’établir. Cela existe déjà dans certaines entreprises en France, où l’anglais est devenu la langue de travail des directions. Au plan du pays, comme de l’entreprise, c’est une réduction de fait des possibilités démocratiques d’intervention des salariés et du peuple.

Les établissements d’enseignement moins dotés financièrement, seront amenés, dans la logique de concurrence, à développer de sous-formations en anglais approximatif, ne correspondant ni à la langue des enseignants, ni à celles des étudiants.

Les étudiants étrangers, soucieux d’études de qualité, s’en détourneront. S’il faut passer par l’anglais, autant aller directement dans les institutions naturellement anglophones.

Du point de vue de la recherche, des connaissances, ceux-là mêmes qui vantent les mérites du multiculturalisme, prennent des dispositions opposées en France. L’extension, la généralisation de l’anglais, c’est l’appauvrissement des contenus par leur uniformisation sous la coupe de l’économie capitaliste. Cela va contre le développement de l’échange, de la réflexion, de l’intelligence dans le monde!

De nombreuses voix, d’horizons divers, notamment de milieux universitaires, pour s’opposer à la Loi Fioraso.

Il est très important de les porter haut et de lui faire échec, loin évidemment de toute nostalgie du français comme langue de domination et aimant Shakespeare autant que Mme Fioraso aime Proust…