Brève, vivelepcf, 23 juin 2014

L’actualité de la « réforme ferroviaire » ravive le souvenir de Jean-Claude Gayssot, ministre « communiste » des transports de 1997 à 2002 sous le gouvernement Jospin.

Un souvenir sinistre et toujours révoltant pour les communistes ! Gayssot, avec les autres ministres issus du PCF, a incarné le choix liquidateur de la direction du PCF de collaborer au gouvernement qui a le plus privatisé dans l’histoire. Gayssot a défendu la privatisation de France Telecom. Gayssot a privatisé à 50% les Autoroutes du sud de la France. Aujourd’hui des voix s’élèvent pour les renationaliser… Gayssot a fait sauter la spécialité géographique de la RATP pour préparer la mise en concurrence de son réseau. Etc.

Côté SNCF, Gayssot a commencé son ministère en 1997 en appliquant la loi Pons que le Parti avait âprement combattue, en ouvrant la voie à l’éclatement de l’entreprise avec la création de RFF. Il a fini son ministère en faisant adopter les directives européennes du « 1er paquet ferroviaire » programmant la mise en concurrence du fret.

Le ministre Cuvilier avec un de ses prédécesseurs, Gayssot, sous les flon-flon en 2013

Au PS et à droite, le souvenir de Gayssot est au contraire nostalgique, joyeux, amusé, goguenard. Les socialistes sont souvent tentés de nommer ministre des transports (le précédent Fiterman) ou vice-président de région aux transports des élus du PCF. Avec ce que continue de représenter notre Parti dans ce secteur, par son influence sur les syndicats et par sa contribution historique à ses luttes et aux conquêtes des travailleurs, ils escomptent mieux faire passer sa politique de casse des services publics, de casse sociale et de soumission à l’Union européenne. Avec Gayssot, ils ont été mieux que servis. Ils s’en délectent encore, la droite aussi !

Les débats à l’Assemblée nationale sur la « réforme ferroviaire », les 17, 18 et 19 juin ont été marqués par la volonté d’aller vite, de brouiller les enjeux, pour court-circuiter la lutte et le développement du débat public. Ils se sont déroulés en petit comité : à peine une trentaine de députés présents pour voter l’article 1 qui dissout la Société nationale des chemins de fer français. Les cheminots en lutte ont pu constater en interpelant leurs députés localement que la plupart de ceux-ci ignoraient le contenu du projet de loi… Il n’y pas eu une seule intervention sur l’article 13 qui abroge le statut du cheminot ! La mise en scène a été arrangée au préalable en commission parlementaire.

Les séances se poursuivant tard, les orateurs fatigués et relâchés, conscients que le compte-rendu au Journal officiel est très peu lu, se sont lâchés à évoquer ensemble leur grand ami commun : Jean-Claude Gayssot, un peu pour narguer – sur le mode de la « private joke » – les cheminots en lutte et leur vrai-faux relai à l’Assemblée.

Le rapporteur PS, Gilles Savary avait déjà loué le précurseur de l’ouverture du « marché » du rail à la concurrence. Mais le mieux est de vous laisser lire et apprécier par vous-mêmes cet extrait du compte-rendu intégral de la séance du jeudi 19 au soir, la dernière séance :

« M. André Chassaigne (GDR). C’est bien cela l’important, d’exclure les centres d’entretien. Je suis donc d’accord pour supprimer « et autres installations techniques. » Je constate que l’on peut quelquefois arriver à se mettre d’accord sans faire allusion à Jean-Claude Gayssot ! (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier (PS), secrétaire d’État. Ni à Le Paon ! (Sourires.)

Mme la présidente (PS). L’amendement n286 est donc ainsi rectifié. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilles Savary (PS), rapporteur. Je veux dire que j’ai beaucoup de respect, d’admiration et même d’affection pour Jean-Claude Gayssot. Quand je fais référence à lui, c’est affectueux, très sincèrement affectueux. J’ajoute que je pense comme lui.

M. André Chassaigne. J’en prends acte !

M. Martial Saddier (UMP). On l’entendait bien ainsi !

Mme la présidente. C’est magnifique ! (Sourires.)

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État. Il convient d’être précis. Puisque tout cela figurera au Journal Officiel, il me paraît nécessaire de bien préciser le sens de cette rectification. Nous nous efforçons là de ne pas balayer d’un revers de main l’amendement de M. Chassaigne.

Mais avant cela, je veux dire combien est grande également mon admiration pour M. Gayssot, à qui je parle régulièrement ! (Sourires.) C’est un grand nom dans l’histoire du ministère des transports, et nous lui devons beaucoup. Il m’arrive d’ailleurs de recevoir ses conseils.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec (PS). C’est encore plus magnifique, madame la présidente ! (Sourires.)

M. Rémi Pauvros (PS). N’en jetez plus !

On cherchera en vain le moindre propos du député Chassaigne pour se désolidariser de l’héritage désastreux de Gayssot.

Encore plus taquin ou sadique, le rapporteur PS Savary avait osé de petits rappels à l’attention de Chassaigne et à propos d’un malheureux rapport coécrit par Thierry Lepaon :

M. Gilles Savary, rapporteur. Défavorable.

Il s’agit d’ouvrir à la concurrence les trains d’équilibre du territoire. J’avoue qu’à titre personnel, je n’y serais pas hostile puisqu’il paraît que le privé est beaucoup plus efficace. L’idée était de dire : « Chiche ! » pour les trains qui nous posent le plus de problèmes.

Je partage d’ailleurs cette analyse avec M. Lepaon, secrétaire général de la CGT, qui a écrit un excellent rapport sur le sujet au Conseil économique et social et qui nous incite ainsi que le Gouvernement à s’engager dans cette voie. Nous partageons tous deux cette conviction, mais la commission pense que nous ne sommes pas prêts et que la réforme est suffisamment puissante pour ne pas brûler les étapes qui nous seront imposées par l’Union européenne très prochainement, en 2019 ou en 2023. »

Le secrétaire d’Etat PS Cuvilier en a ensuite remis une couche :

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État.


Madame Fraysse, vous pourrez rapporter ce témoignage à M. Chassaigne qui, à mon sens, ne le connaît pas – il est vrai que sur cette question, quelles que soient les familles politiques ou les appartenances syndicales, la situation est parfois malaisée. J’en veux pour preuve le rapport du Conseil économique, social et environnemental qui m’a été remis lors de mon arrivée aux responsabilités gouvernementales, au mois de juillet 2012. Le rapporteur, qui n’était pas encore secrétaire général de la CGT, concluait ainsi : « Une concertation devrait être engagée avec l’Association des régions de France pour définir le calendrier et les modalités de l’ouverture à la concurrence des TER et lancer assez rapidement les premières expérimentations qui devraient pouvoir commencer au début de 2015. »

La CGT avait d’ailleurs voté ce rapport, dont je m’étais, pour ma part, volontairement distancié. Mon propos n’est pas d’accuser qui que ce soit, mais de montrer que cette question mérite d’être clarifiée.

Les ennemis du service public utilisent les contradictions des organisations qui sont censées le défendre. C’est de bonne guerre. Mais on aura attendu en vain une clarification, même une distanciation, de la part d’André Chassaigne vis-à-vis du sinistre bilan du renégat Gayssot.

Au contraire, en s’abstenant sur la dissolution de la SNCF, en s’abstenant sur l’ensemble de la loi en commission, en appelant les grévistes à arrêter la lutte au nom d’amendements qualifiés de « surface » par la CGT cheminots, en multipliant les flagorneries lors des débats parlementaires, André Chassaigne prend le risque audacieux de plaire aux socialistes autant qu’un Gayssot ou un Hue.

Soyons clairs : cette position et cette posture, que nous voulons voir changer, ne sont pas celles des communistes qui combattent parmi et à côté des cheminots en lutte !