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Brésil : « Ni procédure d’empêchement, ni pacte avec la bourgeoisie. L’issue est à gauche ! », Parti communiste brésilien (PCB)

Note politique du Parti communiste brésilien, traduction MlJ pour « Solidarité internationale PCF – vivelepcf », 16 avril 2016

Le PCB respecte les forces sociales et politiques de gauche et du camp démocratique qui seront dans les rues dimanche prochain, mobilisées par des préoccupations sincères devant l’offensive de la droite dans notre pays, et pour beaucoup d’entre elles, encore attachées aux rêves d’un tournant vers la gauche du PT, maintenant ou en 2018, d’une lutte acharnée pour démocratiser, réformer et humaniser le capitalisme. Nous recherchons le dialogue et la construction d’une unité d’action avec ces forces, dans la défense des libertés démocratiques, et pour les droits de la classe ouvrière, en particulier avec celles qui considèrent que la lutte prioritaire est de caractère anticapitaliste, dans les rues et les lieux de travail, sans illusion sur un projet de plus en plus disqualifié de conciliation de classe.

Le PCB a dénoncé les manœuvres que des composantes de la bourgeoisie, majoritaires, ont entreprises pour renverser le gouvernement, non pas parce que celui-ci serait de gauche ou même réformiste, mais parce qu’en raison de ses contradictions, il retarde la radicalisation des politiques d’austérité exigée par le capital. La droite manipule les médias dominants, l’activisme politique de pans de la justice, les failles que la démocratie bourgeoise leur assure pour exercer leur dictature de classe. Elle le peut surtout parce que le PT a creusé sa propre tombe avec sa politique la collaboration de classe.

Nous identifions également comment la bourgeoisie essaie de faire porter sur le seul PT la responsabilité de la corruption, qui est systémique dans le capitalisme, et qui finance outrageusement tous les partis et institutions politiques. Le PCB dénonce le cynisme et la duplicité qui caractérisent la procédure d’empêchement, conduite par un individu clairement corrompu lui-même qui, tout en accélérant l’empêchement de la Présidente, manœuvre pour évacuer son propre dossier du Conseil d’éthique de la Chambre.

Au cours des derniers mois, nous avons participé à plusieurs actions qui pourraient nous ranger parmi les adversaires de la procédure d’empêchement. Elles étaient articulées, sur une base de gauche, avec la protestation contre le gouvernement de collaboration de classe. Mais les actions de ce dimanche seront marquées exclusivement par la défense du gouvernement Dilma/Lula. Par ailleurs, mercredi dernier, 13 avril, devant le risque d’approbation par la Chambre de l’empêchement, Dilma s’est rendue entièrement à la bourgeoisie, en déclarant que, si la procédure était rejetée, le lendemain même, elle lancerait « un pacte national – sans perdants ni vainqueurs – incluant l’opposition ».

Donc, nous l’avons dit clairement : nous ne participerons pas aux actions pour défense du gouvernement Dilma/Lula organisées ce dimanche 17 avril. Pour le PCB, il est impossible de défendre un gouvernement qui annonce déjà un virage encore plus à droite, une acceptation plus profonde encore du projet de la bourgeoisie, encore plus d’ajustements et de politiques de droite.

Depuis mars 2015, lorsque la droite a lancé le sujet de l’empêchement, le PCB a dit clairement que, quel que soit le résultat, les travailleurs allaient perdre plus encore que ce qu’ils ont perdu dans ces 13 ans de collaboration de classe sous des gouvernements PT. Nous avons toujours affirmé que la bataille pour garder à tout prix un gouvernement PT n’amènerait pas un virage à gauche, mais un virage à droite, cédant plus de place aux intérêts du capital. Depuis le début de ce roman de mauvais goût, le PT n’a fait que pousser davantage les politiques d’ajustement et les privatisations néolibérales, ainsi que les accords cherchant une base de soutien plus conservatrice.

Les gouvernements PT, issus des mouvements syndicaux et sociaux, ont trompé et désarmé les travailleurs et, pour couronner le tout, construit un cadre juridique pour assurer l’ordre bourgeois et de réprimer les luttes populaires: maintien de la loi de sécurité nationale, création de la Force nationale et adoption des décrets d’application de cette loi et de la loi anti-terrorisme récemment proposée et actée par la présidente.

Indépendamment du résultat du vote de l’Assemblée en séance plénière, nos efforts se concentreront, de plus en plus, dans l’articulation d’un bloc de luttes anticapitaliste et anti-impérialiste, visant à l’unité d’action autour de luttes communes. Nous n’allons pas nous disperser dans le débat sur la gestion du capitalisme – qui va continuer encore pendant des mois de procédures au Sénat et devant la Cour suprême, de manifestations pro ou anti Dilma – tandis que le programme conservateur et néolibéral avance et que le rapport de force se dégrade pour les travailleurs.

Tous les efforts des communistes et des autres forces anticapitalistes, à partir de maintenant, devraient se concentrer sur l’organisation et la mobilisation des travailleurs et des mouvements populaires pour faire face à l’offensive du capital. L’issue est sur la gauche, avec la formation d’un bloc de lutte de caractère anticapitaliste, avec une unité d’action autour d’un programme minimum qui puisse exprimer les revendications de la classe ouvrière pour l’emploi, la terre, le logement, les droits et libertés, dans la perspective de la construction du pouvoir populaire et sur le chemin vers socialisme.

Le PCB propose de réaliser, dans la première moitié de l’année prochaine, une rencontre nationale de la classe ouvrière et du mouvement appelant à un 1er mai de classe, unitaire, dans toutes les villes où ce sera possible, à des initiatives visant fondamentalement l’unité d’action nécessaire dans la lutte anticapitaliste.

Comité central du PCB – Parti communiste brésilien, 16 avril 2016 Voir aussi en lien:

Mars 2016 : Le Parti communiste brésilien sur l’aggravation de la crise politique au Brésil: l’impasse de la réconciliation et le chemin de la lutte

Août 2015 : Brésil. Trois crises … mais une fait défaut. – Article théorique de Mauro Iasi

Le Parti communiste brésilien sur l’aggravation de la crise politique au Brésil: l’impasse de la réconciliation et le chemin de la lutte

Note du 6 mars 2016, traduit par MlJ pour « Solidarité internationale PCF – vivelepcf »

Les preuves d’implication de l’ex-président Lula dans des schémas de corruption ouvrent un nouveau chapitre dans la crise majeure au Brésil. Celle-ci est marquée par l’épuisement du gouvernement de Dilma [Rousseff] et le déclin politique et idéologique du Parti des travailleurs (PT) et de ses satellites. Confrontée à une conjoncture économique de récession et à une baisse des taux de profit, qui s’accompagne d’une profonde crise sociale, aggravée par la politique « d’ajustement fiscal » (avec la montée du chômage qui touche aujourd’hui environ 10 millions de personnes), la bourgeoisie a commencé à exécuter un plan, articulé avec des pans des grands médias, du Congrès national et de l’appareil judiciaire, pour faire sortir le PT du Palais du Planalto [présidence de la République] et pour lancer les bases d’un éventuel gouvernement du PSDB allié au PMDB [Parti social-démocrate et Parti du Mouvement démocratique, de « centre » gauche et « centre » droit, le premier adversaire, le second partenaire du gouvernement PT actuel].

Bien que le gouvernement du PT ait docilement appliqué les exigences de la classe dominante – comme le montrent les coupes dans les programmes sociaux pour payer les intérêts de la dette aux rentiers, la loi anti-terrorisme, la cession du « Pré-sel » [champs pétrolifères], la poursuite des privatisations, la réforme de la protection sociale, les attaques contre le droit du travail ou encore l’abandon de la réforme agraire, malgré tout cela, la gravité de la crise , du point de vue des intérêts du capital, demande des mesures plus profondes et plus rapides, que ne permettent les difficultés du PT à contenir politiquement les masses dans la passivité. La combinaison de la crise économique et de la crise politique rend, à ce moment donné, le maintien au pouvoir du PT inutile et gênant pour les intérêts du marché. Ses porte-parole, dans les médias bourgeois, font valoir que seul un changement de gouvernement sera en mesure de ramener la croissance économique.

La partialité de l’opération de police « Lava-Jato » [Karcher] est évidente. Elle s’est gardée de pousser son enquête sur les membres du PSDB et du PMDB, malgré la révélation d’importants circuits de corruption et même l’arrestation de plusieurs hommes d’affaires. Elle a mis en avant des spectacles médiatiques comme la comparution inutile de Lula devant la police fédérale. Cette partialité n’a rien d’un fait isolé. Pour une majorité de la population laborieuse, notamment jeune et noire, l’action de la police est toujours arbitraire, dénuée de tout respect des formalités, d’assistance juridique, de procès équitable. Il n’est pas rare que cela se finisse par une sanction arbitraire et même par un homicide pour « acte de rébellion » [de « résistance » suivant la terminologie de la police] comme en témoignent les statistiques officielles.

La corruption est la forme la plus apparente des relations de promiscuité qui existent entre l’Etat bourgeois et les intérêts économiques capitalistes. Le plan de changement de gouvernement, dont l’opération Lava-Jeto est seulement une pièce, ne remet pas en cause l’institutionnalisation bourgeoise-libérale, mais veut imposer, dans ce cadre institutionnel, des gouvernements qui, dans les circonstances, répondent aux intérêts du capital. Ce constat n’amène pas à sous-estimer, dans ce contexte, les atteintes aux libertés démocratiques que la bourgeoisie tente de plus en plus d’imposer pour faire face à l’intensification de la lutte des classes que la crise du capitalisme engendre.

La décision de la bourgeoisie de se débarrasser du gouvernement du PT, par une procédure d’empêchement, ou par une démission négociée de la présidente, comme l’invalidation, par voie de justice, d’une future candidature de Lula en 2018, ne doit pas conduire la gauche socialiste à prendre la défense du gouvernement de Dilma Rousseff ou celle de l’ex-président. Elle nous ferait oublier le choix politique de la direction du PT de s’inscrire dans le cadre du pacte social bourgeois, comme on le voit à partir de la « lettre aux Brésiliens de 2002 », et de se mettre, avec zèle, au service des intérêts des banques, de l’industrie automobile, de l’industrie agro-alimentaire, des trusts de la construction ou des sociétés minières.

Il ne s’agit pas pour nous aujourd’hui d’attester de l’innocence présumée de Lula et des autres dirigeants du PT, encore moins d’imaginer que les enquêtes en cours mettent en péril la démocratie bourgeoise, mais de faire la critique approfondie de la stratégie de collaboration de classes adoptée par le PT, de plus en plus nettement depuis 14 ans, tant et si bien qu’elle se retourne maintenant contre lui.

Aussi, le PCB ne voit aucune raison de modifier sa position d’indépendance de classe et d’opposition de gauche vis-à-vis du gouvernement actuel, sur lequel l’influence de l’ancien président Lula n’a jamais cessé de s’exercer directement. Le PT a lui-même pavé la voie dans laquelle il s’enfonce, en choisissant de renforcer l’Etat bourgeois et de faire reculer les droits des travailleurs.

Pour finir, le PCB ne rentre pas dans le jeu du culte dépolitisé, personnifié et nostalgique du leader qui, au moyen de son charisme, a utilisé le soutien des travailleurs pour mener une politique privilégiant les intérêts capitalistes. Nous ne nous joignons pas davantage aux initiatives qui prétendent défendre la démocratie avec ceux qui, dernièrement encore, sont allés quémander au gouvernement des postes à n’importe quel prix. Nous militons instamment pour la formation d’un bloc de lutte à caractère anticapitaliste et socialiste pour résister aux attaques du capital et avancer dans la perspective de la construction du pouvoir populaire et du socialisme.

PCB, Parti communiste brésilien, Commission politique nationale, 6 mars 2016