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Alternance électorale en Grèce avec Syriza: les faux espoirs préparent la pédagogie de la résignation

EDT pour Vivelepcf, 27 janvier 2015

La victoire du parti Syriza aux élections générales anticipées en Grèce, le 25 janvier, était courue, annoncée dans tous les médias européens.

Quelques réflexions d’abord sur les résultats électoraux eux-mêmes.

Ces élections sont marquées d’abord par une abstention toujours au plus haut, malgré la dramatisation internationale de l’enjeu : plus de 37% comme en juin 2012, en comptant les blancs et nuls, en nette augmentation. En 2009, elle était de 29%, en 2003 de 23%.

On assiste ensuite à un retour relatif à la prédominance de la bipolarisation qui a dominé le paysage électoral pendant près de 40 ans, à la différence que Syriza remplace le Pasok.

Le parti de droite « Nouvelle démocratie – ND » se maintient presque par rapport à 2012, avec 27,8% des voix (-1,8%) et domine largement son camp. Les ultra-réactionnaires « Grecs indépendants » reculent de 2% à 4,8%.

A la marge, les néonazis de « l’Aube dorée » se maintiennent au-dessus de 6%. Même résultat pour le parti populiste, qui se définit « centriste », « La Rivière », dirigé par un journaliste vedette de la télévision.

Vatican, Grèce: l'alternance!

A gauche, Syriza continue à avaler l’électorat socio-démocrate du Pasok. Syriza progresse de 9,5% sur juin 2012, le Pasok recule encore de 7,6%.  Le Pasok fait seul les frais du vote sanction contre la coalition gouvernementale au sein de laquelle il collaborait avec ND. Le Pasok s’effondre à 4,6% mais ne disparaît pas complètement. Il est délesté pour l’avenir du clan Papandréou qui se présentait séparément (2,5%).  Le parti divers gauche Dimar disparaît à peu près complètement (6% en 2012). Il a perdu sa raison d’être de pont entre Siryza et le Pasok avec l’image de plus en plus modérée de Syriza.

Cette clarification permet au Parti communiste grec (KKE) de regagner du terrain à 5,5% (+1%), après plusieurs succès électoraux locaux. L’opération « vote utile » a moins joué. L’illusion électorale a moins écrasé le mouvement réel des luttes que le KKE et son émanation syndicale, le PAME, mènent sur de véritables positions de rupture avec l’ordre capitaliste grec et européen.

La victoire de Syriza, assez relative en voix, nette en sièges avec la prime au parti arrivé en tête, s’explique aisément.

Syriza a bénéficié du discrédit total du Pasok. Syriza passe encore pour un parti vierge de participation aux politiques d’austérité, et malgré le ralliement de nombre de cadres du Pasok et ses vieilles compromissions politiciennes au plan local, pour un parti plus propre dans ce système politique clientéliste et corrompu.

Jusqu’aux élections – pour combien de temps encore ? -, Syriza est parvenu encore à combiner deux images, celle d’un parti d’opposition à l’austérité et celle d’un parti normalisé, institutionnalisé. Il est parvenu à capter une partie de la colère devant la crise aigüe qui frappe le peuple, mais sans effrayer les couches moyennes, surtout sans effrayer les puissants.

Depuis 2 ans, le leader du Parti et nouveau premier ministre, Alexis Tsipras, s’est beaucoup dépensé pour rassurer les possédants de Grèce et les grands de ce monde en s’affichant tour à tour avec Obama, le Pape (et les prélats de l’Eglise orthodoxe), le patronat, les directeurs du FMI. Auprès de ces derniers, il s’est engagé à honorer loyalement la dette grecque envers l’institution capitaliste mondiale.

Faire passer Syriza, son chef et leurs propositions pour « radicaux , sinon « anticapitalistes » relève de la supercherie. Leurs inspirateurs sont Roosevelt et même Obama… Tardivement sorti du flou, le programme de Syriza constitue un plan de relance capitaliste étatique, « keynésienne » classique. Mais même d’ampleur modérée, il n’a quasiment aucune chance de fonctionner parce que les réformistes et opportunistes dirigeants de Syriza ont donné tous les gages, afin d’accéder au pouvoir, qu’ils ne s’affronteront pas réellement aux puissances d’argent grecques et qu’ils ne rompront pas avec l’euro et l’Union européenne.

Les premières mesures sociales d’urgence annoncées seront bienvenues, même si elles correspondent à des prothèses de doigts sur un bras amputé: l’augmentation du salaire minimum (négocié au préalable avec le patronat), la baisse des impôts directs des ménages les plus pauvres, le retour de compléments pour les petites pensions, des aides au logement et au chauffage pour une population dont un tiers vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Le KKE a annoncé qu’il soutiendra toutes les mesures allant dans le sens de l’intérêt des travailleurs et des plus pauvres, qui en seront fondamentalement redevables à leurs propres luttes. Mais comme l’a déclaré son secrétaire général du KKE, Dimitris Koutsoumbas, les « faux espoirs » vont vite retomber. C’est inévitable.

Y compris ces mesures sociales, avec le programme d’investissements, la création promise de 300.000 emplois, le plan de relance de Syriza est estimé à 11 milliards d’euros par an par ses propres économistes. Le nouveau gouvernement n’a aucun moyen de les trouver en Grèce. Syriza s’est placé d’emblée à la merci de l’Union européenne et des grandes puissances.

L’Etat grec ne peut plus emprunter sur les marchés financiers, sinon à des taux prohibitifs. La Banque de Grèce ne peut plus créer de monnaie, à cause de l’appartenance à l’euro. Logiquement Syriza s’est engagé à ne pas recourir au déficit budgétaire qui lui est impossible.

Sur les 11 milliards d’euros, les économistes de Syriza espèrent en récupérer 3 par une meilleure collecte des impôts et la lutte contre la fraude fiscale. A supposer que l’intention soit réelle, le résultat est incertain et ne sera en tout cas pas immédiat avec une administration appauvrie et gangrénée par le clientélisme et la corruption. Par ailleurs, Syriza demeure très flou sur une réforme fiscale qui mettrait à contribution les puissances d’argent dont les armateurs et l’Eglise. L’alliance conclue avec le parti ultra-réactionnaire des « Grecs Indépendants » la rend très improbable.

Ensuite les économistes de Syriza comptent sur 3 milliards d’euros de rentrées induites par le succès de leur propre plan relance. Ils sont les seuls à y croire… Intégrée à la zone euro, non compétitive dans cette monnaie, avec un appareil de production encore davantage saccagé après la crise, l’économie grecque est parfaitement incapable de répondre aux besoins du pays et de la population, même si cette dernière était rendue un peu plus solvable.

Et d’où viendrait le reste ? Uniquement du bon vouloir de l’Union européenne et des autres Etats européens (puisque Tsipras s’est engagé à payer le FMI). Tsipras et son équipe de jeunes universitaires formés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni roulent des mécaniques et affirment avoir des atouts en main pour négocier. Lesquels ?

Les caisses de l’Etat sont vides. Sans « l’aide » européenne, dans les mois qui viennent, même en annonçant unilatéralement la suspension du paiement des intérêts de la dette (européenne), l’Etat ne serait même plus en mesure de payer ses fonctionnaires. Adieu la chasse à la fraude fiscale, adieu les quelques mesures sociales !

A défaut d’armes économiques, Syriza prétend disposer d’arguments politiques.

La constatation que la dette publique grecque est parfaitement illégitime est une réalité mais elle ne pèse pas grand-chose dans la négociation. L’UE et les Etats européens prêtent à l’Etat grec pour qu’il leur rembourse l’argent qu’il leur doit suivant un cercle vicieux. Ce serait absurde si cela ne plaçait pas la Grèce sous la dépendance complète de ses créanciers.

Les leçons d’histoire économique relatant comment les grandes puissances impérialistes ont décidé en 1953 de faire cadeau à l’Allemagne de l’Ouest capitaliste des dettes des nazis sont vraiment de mauvais goût pour un parti qui se dit de « gauche ». Redresser l’impérialisme allemand contre le socialisme était, par ailleurs, autrement plus prioritaire pour les grandes puissances que donner un coup de pouce au petit plan de relance keynésien de Syriza…

Syriza espère compter sur une solidarité politique internationale. C’est ignorer combien l’UE et l’euro sont de formidables instruments pour opposer les peuples aux autres. Qui en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou en France acceptera de « payer pour les Grecs » quand l’appareil de propagande aura expliqué que les dettes grecques sont détenues par ces pays ? Qui au Portugal, ou en Irlande, acceptera que la Grèce « bénéficie » de facilités que l’UE n’a pas accordé à ces pays soi-disant redevenus « vertueux », au prix de lourds sacrifices bien réels ?

En s’interdisant toute remise en cause de l’appartenance de la Grèce à l’euro et à l’UE, en s’appuyant sur les couches de la population les plus attachées (dans tous les sens, notamment par leurs économies en monnaie forte) à l’euro, Syriza s’est délibérément privé de tout moyen de pression sur l’UE.

Reste l’autre perspective, continuer à amadouer le système, à donner des gages, promettre une gestion de « gauche » de l’austérité plus à même de calmer le peuple grec. C’est ce que les sociaux-démocrates des autres pays conseillent à Syriza, espèrent pour leur propre opportunisme – voir les recommandations de Cécile Duflot dans le Libération du 26 janvier, alors que la BCE a décidé de changer d’orientation politique monétaire. C’est bien la voie de collaboration que Tsipras suit depuis toujours. Tout compte fait, son plan de relance promet d’aider beaucoup les capitalistes grecs en soulageant un peu les souffrances du peuple grec, et en réinsérant les couches moyennes dans les standards de la petite bourgeoisie européenne.

Mais que l’Allemagne, la France, l’Union européenne fassent ce choix d’une social-démocratie de « gauche » en Grèce : rien n’est moins sûr. La bourgeoisie internationale (dont la grecque) n’en a pas besoin. La Grèce ne connaît pas de situation prérévolutionnaire : le système, les syndicats réformistes, avec Syriza, tiennent encore la contestation, malgré le travail des communistes. L’exemple grec avec Syriza peut au contraire être un magnifique outil d’instruction des peuples dans le cadre de la pédagogie de la résignation !

Il faut se demander pourquoi l’idéologie dominante en Europe a tant fait pour faire passer Syriza pour un parti de « gauche radicale ». 

Les injonctions de Merkel ou de Moscovici à ne pas voter Syriza ont en fait bien aidé ce parti dans sa posture d’opposition. En Grèce même, tous les observateurs ont noté que la droite a fait une très mauvaise campagne, très à droite, anti-immigrés, sécuritaire, défendant l’austérité, comme si elle voulait laisser la place à Syriza. Lui laisser la « patate chaude » comme l’ont avoué plusieurs dirigeants de ND… Il ne faut pas oublier non plus que ces élections anticipées ont été causées, non par une poussée populaire, mais par le refus des députés des différents partis de droite et du centre, pourtant largement majoritaires, de s’entendre sur le nom d’un nouveau Président de la République.

En 2015, la situation est mûre et opportune pour un passage au pouvoir de Syriza. Depuis 2012, la dette grecque est passée aux institutions publiques européennes venant de la finance privée qui ne court plus de risque. Les menaces de « contagion » d’une remise en cause de l’euro ont baissé. Syriza lui-même a donné suffisamment de gages de loyauté à l’UE.

Faire passer Syriza pour une « alternative radicale », c’est diriger la colère populaire, en Grèce et ailleurs, vers des options de collaboration de classe, un illusoire « capitalisme à visage humain », c’est la détourner de la contestation de l’Union européenne du capital. Faire échouer maintenant Syriza, ce sera peut-être la meilleure façon d’alimenter la résignation en Grèce et dans les autres pays, tout en préservant la tromperie sur sa « radicalité ».

Quitte pour le système et l’UE à accorder à la droite en Grèce ce qu’il aura refusé à Syriza pour calmer la situation sociale, tout en continuant à entretenir dangereusement les néofascistes.

Les politiciens français, du Front de gauche, des Verts ou du PS (« frondeurs ») qui s’enthousiasment à gorge déployée pour Syriza espèrent jouer le même jeu dans notre pays : donner l’illusion de la radication sur une ligne d’acceptation du système. D’autant mieux qu’ils ne courent aucun risque de se dévoiler en accédant au pouvoir…

Les communistes ne peuvent guère se laisser tromper longtemps. Cécile Duflot, ministre de Hollande en meeting pour Tsipras, est-elle anticapitaliste ? Tsipras, dans sa trajectoire personnelle, a déjà bien aidé à lever l’illusion en s’alliant avec le parti des Dupont-Aignan et De Villiers grecs, les « Grecs indépendants », scission de ND, dirigée par l’ancien ministre qui a privatisé le port du Pirée…

Etre solidaire politiquement du peuple grec, c’est soutenir le KKE, notamment dans ses choix de rupture avec l’Union européenne et l’euro ! Communistes français, nous l’avons fait, nous continuons parce que c’est aussi utile et nécessaire à nos propres luttes.

Le Parti communiste grec (KKE) remporte la municipalité de Kaisariani (26000 habitants) dans la banlieue d’Athènes

Vivelepcf, d’après les pages internationales du site du Parti communiste grec KKE, 2 décembre 2014

Des élections municipales partielles avaient lieu le 30 novembre dans la ville de Kaisariani, 26.000 habitants, dans la proche banlieue est d’Athènes. En mai, la liste du « Rassemblement populaire » impulsé par le Parti communiste grec (KKE) avait été éliminée du second tour pour une seule voix. Son recours pour irrégularités multiples et flagrantes n’a pas pu être rejeté. Un nouveau second tour a donc été organisé.  

En mai, opposée à une liste de l’ancienne social-démocratie PASOK, la liste de la nouvelle social-démocratie Syriza l’avait largement emporté.

Cette fois-ci, Syriza est battue par le « Rassemblement populaire-KKE ». Le communiste Ilias Stamelos a été élu maire avec 51,52% des voix. Syriza a échoué à rassembler sur les thèmes contradictoires du changement et de l’anticommunisme. L’abstention atteint 67%.

La ville ouvrière de Kaisariani, comme le rappelle le KKE, possède une longue tradition progressiste. Elle est peuplée d’une importante composante issue des réfugiés expulsés d’Asie Mineure et notamment de Smyrne après la guerre gréco-turque en 1922. Des liens de sang unissent la ville au KKE, ceux des 200 résistants communistes exécutés par les nazis au stand de tir le 1er mai 1944.

A propos des résultats des élections municipales à Kaisariani, le Bureau de presse du Comité central  du KKE a notamment exprimé dans sa déclaration ce qui suit:

« Nous saluons les électeurs qui ont choisi la liste du « Rassemblement populaire » à Kaisariani comme nouvelle municipalité. Nous les appelons dès demain à continuer à soutenir, par leur action militante et par leur participation, les efforts de la nouvelle municipalité pour soulager les familles pauvres de la ville et pour être un point d’appui à leurs revendications et à leurs luttes.

Kaisariani rejoint Patras, Petroupoli, Haidari et Ikaria où des municipalités de «Rassemblement populaire» ont été élues en mai. Elles ont engagé aussitôt la lutte contre la ligne politique du gouvernement et le cadre institutionnel réactionnaire local suffocant, pour mettre en œuvre des mesures de secours pour les familles populaires, les travailleurs, les chômeurs,  pour mettre en échec les plans du gouvernement contre les travailleurs communaux, pour soutenir, dans la pratique, les luttes au jour le jour.

Le résultat dans Kaisariani envoie un message encourageant de lutte et de résistance contre la logique de la gestion et de la soumission à ligne politique antipopulaire relayée par les autorités municipales et régionales qu’elles appartiennent aux partis de la coalition gouvernementale ou à SYRIZA.

Les habitants de Kaisariani, avec leur expérience et leurs traditions militantes, peuvent contribuer à la lutte globale du peuple contre les politiques et les exactions du gouvernement, ainsi que contre ceux qui conduisent les gens vers de nouvelles illusions et impasses pour continuer à aller dans la même voie, celle de l’UE et du capital, celle de l’acceptation et la reconnaissance de la dette. Ils doivent contribuer à renforcer le mouvement des travailleurs, l’Alliance populaire, à renforcer le KKE, pour une vraie solution conforme à l’intérêt du peuple ».

Article en relation: 2 juin 2014 – Résultats des élections européennes en Grèce : crise politique, banalisation de Syriza, montée de l’extrême-droite et reconsolidation du Parti communiste (KKE)

Résultats des élections européennes en Grèce : crise politique, banalisation de Syriza, montée de l’extrême-droite et reconsolidation du Parti communiste (KKE)

Vivelepcf, 2 juin 2014

Kostas Peletidis, nouveau maire KKE de Patras. La municipalité sortante divers gauche - Syriza, antisociale, a été éliminée.

La violence de la crise économique et de l’attaque de l’Union européenne sur la Grèce s’est traduite par une profonde crise politique depuis 5 ans. Des partis traditionnels, discrédités, ont été ébranlés, le Parti socialiste PASOK même laminé.

Une large recomposition politique a lieu. La bourgeoisie notamment renouvelle son écurie. Les législatives de 2012 ont lancé ce chamboulement sur le plan électoral. Les dernières élections européennes confirment que le processus est toujours en cours.

La comparaison entre les résultats des élections législatives de juin 2012 et ceux des européennes de 2014 est pertinente tant la question européenne est centrale dans le débat politique grec.

L’abstention a légèrement progressé, passant de 38,5% à 40%. Les bulletins blancs et nuls ont été multipliés par 4, atteignant 3,5% des inscrits.

Pour le reste, les mouvements de voix sont considérables témoignant de l’instabilité du cadre politique partisan. Des partis à peine nés s’effondrent, d’autres surgissent. Au moins le tiers des suffrages exprimés se sont déplacés.

Le parti socialiste dissident Dimar passe de 6,3% à 1,1%. Le Parti « La Rivière », peu identifiable, remporte 6,6% pour sa première apparition etc.

Les partis arrivés en tête en 2012 sont tous en recul. C’est le cas des partis de la coalition gouvernementale, à nouveau sanctionnés. Avec 22,7%, la Nouvelle démocratie (droite) du premier ministre Samaras perd 7% et 527.000 voix. Le Pasok, rebaptisé L’Olivier, recule encore, passant de 12,3% à 8,0%, soit une perte de 298.000 voix.

Ensemble, ils restent devant le nouveau parti d’alternance, le parti radical Syriza, ce qui les légitime à rester au pouvoir. Syriza arrive en tête – c’est la première fois – mais plafonne. Syriza perd 0,4% sur 2012 et 136.000 voix. On n’est loin du raz-de-marée que certains supporters étrangers éloignés veulent présenter. En fait, le vote Syriza est en train de se banaliser tout en se structurant.

D’un côté, le discours du leader Alexis Tsipras perd son aspect protestataire de « radicalité ». L’échéance européenne a accéléré le mouvement. Tsipras s’est érigé en défenseur absolu de l’euro. Il s’est inscrit dans le processus d’intégration européenne jusqu’à se présenter à la présidence de l’antidémocratique et haïe Commission européenne. Il n’a cessé de répéter ses références capitalistes, notamment dans le débat télévisé avec les autres prétendants au poste européen : le Plan Marshall et l’annulation de ses dettes octroyées l’Allemagne capitaliste post-nazie en 1953…

De l’autre côté, le recyclage de politiciens du Pasok dans Syriza, autour d’une contestation sage et conformiste de l’austérité, se poursuit dans les villes et régions.

Les restes du Pasok sont destinés à former un parti « centriste ». Syriza prend la place du parti socialiste. Pas de quoi s’extasier !

Un parti continue de progresser et dangereusement : le parti « Aube Dorée », ouvertement nationaliste, militariste, raciste et néo-nazi. Malgré l’arrestation de certains de ses leaders (ou grâce à elle), il passe de 6,9 à 9,4% et gagne 111.000 voix. Le système, dans sa crise, entretient une autre roue de secours, comme repoussoir voire un jour comme force de terreur.

C’est peu dire que rien de bon n’est sorti politiquement de ce nouveau scrutin, aucune alternative correspondant aux colères et aspirations des travailleurs et du peuple. Rien de bon sauf un début de redressement électoral du Parti communiste grec, le KKE, principal animateur des luttes de résistance anticapitalistes.

En 2012, le KKE a subi de plein fouet la propagande autour du vote « utile » pour Syriza. Le phénomène retombe. L’ancrage du KKE dans les luttes, l’action de ses militants, retrouvent une reconnaissance électorale. Avec 6,1%, le KKE regagne 1,6% et 72.000 voix.

Les élections locales dont le 2ème tour avait lieu le même jour que les européennes ont traduit le même mouvement (voir notre article sur le 1er tour en lien).

La situation de la ville industrielle de Patras, 4ème du pays par la population, est particulièrement intéressante. Le KKE remporte la municipalité, le camarade Kostas Peletidis est élu maire. Le KKE a manifesté sa capacité de rassemblement, non de groupes politiques aux positionnements changeants, mais de militants syndicaux, de travailleurs en obtenant 63% des voix au 2nd tour.

La situation de Patras a particulièrement embarrassé le politicien Tsipras. Il se trouve que Syriza faisait partie de l’équipe municipale sortante, qui s’est illustrée, notamment, par l’application zélée des coupures d’eau courante aux plus pauvres…

Le parti de Tsipras recule de 21 à 15% à Patras par rapport aux municipales de 2010. Le KKE progresse de 16 à 25%. En bon opportuniste, son camp éliminé, l’opportuniste Tsipras a appelé à voter Peletidis au 2ème tour. Mais sa basse récupération n’a trompé personne…

Les municipalités communistes, plus que jamais, en phase avec la politique du KKE, organiseront le contre-pouvoir local, une véritable solidarité ouvrière dans la résistance aux capitalistes, notamment le rejet de l’application des directives européennes, dans une perspective de rupture avec l’UE du capital. Les électeurs communistes ne seront pas trompés.

Malgré son peuple, la Grèce est le laboratoire des politiques de super-austérité, l’objet de toutes les observations et interprétations. Communistes français, en lien avec nos camarades grecs, nous devons analyser sa situation avec précision et lucidité !

Fermeture brutale de la Télévision publique grecque: pourquoi une telle provocation politique ? Solidarité!

 

Brève, vivelepcf, 12 juin 2013

En moins de 12 heures, ce 11 juin, le gouvernement grec de coalition (ND, PASOK, DIMAR) a annoncé et mis en application l’arrêt des trois chaînes de télévision et des 26 stations de radio publiques, regroupées dans l’organisme ERT.

La police a coupé les émetteurs en soirée.

Le gouvernement a ainsi fait le choix de poursuivre sa politique de super-austérité et de bradage du pays par une provocation politique sans précédent.

Il ferme l’une des entreprises publiques les plus emblématiques, accusée d’être un foyer de déficit, au moment même où la « troïka », UE, BCE et FMI, expédie ses proconsuls à Athènes réclamer de nouveaux comptes. Un gage aux organismes les plus détestés du peuple !

Il est évident que cette mesure est surtout politique. Le gouvernement ferme un média qu’il juge insuffisamment complaisant à l’égard de sa politique. Le souvenir de la dictature ne peut que remonter dans la mémoire des Grecs.

3000 salariés vont être licenciés. 1000 seront peut-être repris dans une nouvelle structure entièrement cadenassée par le pouvoir et le patronat.

Des manifestations de soutien se sont aussitôt organisées avec les salariés de l’audiovisuel qui tentent de résister en continuant à travailler. Un mouvement de grève se prépare dans les médias privés. L’occupation du siège d’ERT est envisagée. L’hypothèse d’une épreuve de force nationale est probable.

Par la voix de son secrétaire, Dimitri Koutsoubas, le Parti communiste grec, KKE, a mis en garde contre la privatisation de l’information et appelé aussitôt à un large mouvement de solidarité de toute la classe ouvrière. Les syndicats réformistes condamnent fermement le gouvernement. Le leader de la nouvelle gauche réformiste, Syriza, Alexis Tsipras est accouru se placer en tête des premières manifestations. Il se relance après « l’Altersummit » de la semaine dernière, forum organisé par Syriza et 188 organisations européennes, qui ont rassemblé à peine 1500 personnes dans les rues d’Athènes.

Mais l’opposition vient aussi des rangs des forces gouvernementales. Le PASOK, parti socialiste, et le DIMAR, « Gauche démocrate », parti issu d’une scission de Syriza, se désolidarisent du premier ministre conservateur Antonis Samaras et annoncent qu’ils ne voteront pas le décret de liquidation d’ERT.

Samaras et ses donneurs d’ordres capitalistes ne pouvaient ignorer cette évolution totalement prévisible. Quelles intentions prêter alors à leur recherche d’une épreuve de force à l’issue incertaine ?

S’agit-il pour eux d’obtenir une victoire symbolique définitive sur le mouvement social ?

S’agit-il de détourner la colère populaire en renforçant les courants populistes, réactionnaires et même fascistes qui prospèrent dans le pays à la faveur de la crise ? Le parti néonazi, ouvertement raciste, « l’Aube dorée », est donné en hausse par les sondeurs à 12/14%. Il ne cesse de conspuer la télévision publique. Ces mêmes sondeurs, à la solde de l’idéologie dominante, posent maintenant la question de l’avènement d’une nouvelle dictature.

En cas d’échec, notamment au Parlement, la droite ne prend que le risque d’une alternance, avec un retournement de coalition et une union de tous les partis de gauche socio-démocrates. Alexis Tsipras a passé ces derniers mois à rassurer les capitales occidentales sur son orientation atlantiste et pro-européenne. Lui passer la main, c’est peut-être une façon d’apaiser la situation tout en renforçant la résignation en Grèce et dans les autres pays d’Europe. Christine Lagarde, présidente du FMI, estime qu’il vaut mieux abaisser la pression sur un pays déjà pillé à 25% au nom de la crise capitaliste.

Malheureusement, ces trois perspectives sombres sont combinables.

Communistes français, nous serons très attentifs aux analyses et initiatives de la seule force politique d’alternative en Grèce, le Parti communiste grec, KKE et son émanation syndicale PAME. Nous ferons tout notre possible pour les relayer et les soutenir.

Nous savons que la Grèce est le laboratoire des politiques capitalistes européennes de répression des travailleurs.