Articles taggés FMI

Grèce : la supercherie politique de Tsipras et de l’UE finit enfin d’éclater au grand jour

EDT pour Vivelepcf, 11 juillet 2015

Manifestation à l'appel du PAME et du KKE contre le nouveau mémorandum et "l'union sacrée"

La « radicalité » de Syriza et Tsipras n’est qu’une vaste imposture politique. Qui sera aujourd’hui assez aveugle, ou d’assez mauvaise foi pour ne pas le reconnaître ?

Ceux qui n’ont pas vu ou pas voulu voir que Syriza et Tsipras ont choisi de faire alliance avec le parti d’extrême-droite ultra-libéral, ANEL, et donné ainsi, depuis leur arrivée au pouvoir, tous les gages aux puissants grecs, armateurs, armée, église… ainsi qu’à l’OTAN ? Ceux qui n’ont pas vu ou ne veulent pas voir que Syriza a servi à recycler la social-démocratie disqualifiée depuis la crise de 2009 ? Ceux qui n’ont pas vu ou voulu voir, éblouis par le mirage de « l’Europe sociale », que Syriza a enfermé toute perspective politique et économique dans le carcan de l’UE du capital ?

Les cinq longs mois de négociations avec l’UE, la BCE et le FMI n’ont été qu’une mise en scène relevant de la pédagogie de la résignation. Le référendum du 5 juillet l’a complétée sournoisement en cherchant à associer le peuple à cette politique de soumission au capital, à lui faire faire la fausse expérience que tout aura été fait pour « résister » jusqu’au bout. Ce message de Tsipras et des dirigeants de l’UE est aussi, voire essentiellement, destiné aux autres opinions publiques européennes.

Cette nouvelle phase de la crise grecque s’achève avec une « Union sacrée » derrière Tsipras au Parlement, associant tous les anciens partis au pouvoir pour valider un nouveau mémorandum, encore plus dur que les précédents, auxquels il vient s’additionner. Au moment de convoquer le référendum, le gouvernement Syriza-Anel était d’accord à 90% avec les propositions de l’UE. Trois jours avant sa tenue, à 95%, jusqu’à évoquer la possibilité de suspendre le référendum (vraiment pour qui prennent-ils le peuple !). Aujourd’hui, ils sont d’accord à 105% !

La TVA va être encore davantage augmentée. Les retraités vont être davantage ponctionnés – avec y compris la remise en cause de l’aide aux plus petites pensions – et l’âge de départ de retraite reporté à 67 ans. De nouvelles privatisations sont programmées après que Tsipras a déjà repris celle du port du Pirée, contre une de ses rares promesses électorales précises avec celle de la hausse du salaire minimum également abandonnée. Des dispositions contre le droit du travail, pour faciliter les licenciements, sont prévues.

Sur un pays martyrisé par la crise, étouffé par l’UE et l’euro, le nouveau plan Tsipras, c’est l’addition en une seule fois des lois Fillon, ANI, Rebsamen, Macron et du « pacte de responsabilité » !

De façon presque comique, c’est l’UE qui a demandé et obtenu une baisse des dépenses militaires, modeste, de 100 millions d’euros en 2016 et de 200 millions en 2017. Loin d’être pacifistes, les dirigeants européens appellent à professionnaliser l’armée et à couper dans les dépenses de personnel. Tsipras et son ANEL Kamenos, ministre de la défense, ont pris la précaution de faire passer avant le mémorandum un contrat de 500 millions d’euros pour moderniser les avions de surveillance de la Marine…  Un autre fait, plus que symbolique, ne doit pas resté ignoré à gauche en France : les manœuvres aéronavales avec Israël en avril dernier.

L’UE pourrait bien avoir maintenant le beau rôle sur ce qui va être avancé comme le principal acquis de l’accord avec Tsipras : la restructuration de la dette. Mais, hors de toute hypothèse de sortie de l’euro, ce n’est plus qu’un simple jeu d’écritures.

Le FMI sera remboursé intégralement, comme l’ex-ministre Varoufakis, économiste gréco-australien, spécialiste de la théorie des jeux, parti pour de nouvelles aventures, s’y est toujours engagé. Pas question de donner un mauvais exemple au monde de désobéissance à l’institution capitaliste internationale!

Mais la dette vis-à-vis des institutions européennes est remboursée … par « l’aide » européenne. Comme l’a suggéré Strauss-Kahn, sa successeuse au FMI Lagarde, et le reprennent même les dirigeants allemands, cela ne change rien d’en biffer une partie et de diminuer « l’aide » d’autant. 7 milliards d’euros de remboursement tombent à échéance cet été, la suite n’arrive qu’en 2017. Après 2011, une première restructuration de la dette grecque a eu lieu – sous les auspices, côté grec, du même conseiller financier que celui choisi par Tsipras, la banque française Lazard. Elle a servi de désengager les banques privées occidentales et à transférer leurs créances dévaluées vers les institutions publiques. Plus de risque pour elle maintenant…

La question de la dette est devenue avant tout politique. Sa nouvelle restructuration, mise en scène, va rentrer dans la campagne idéologique pour essayer de relégitimer l’Union européenne  (« pas si anti-démocratique que cela »), et pour, si c’est encore possible, prolonger la supercherie Syriza-Tsipras.

Nous faisons partie des communistes qui ont suivi et relayé les analyses du Parti communiste grec, KKE, et de son émanation syndicale, le PAME. Les médias occidentaux n’ont pas pu occulter – enfin –  la puissante manifestation à leur appel devant le Parlement le soir du 10 juillet, de « l’Union sacrée » contre le peuple. La justesse de leurs positions, complètement à contre-courant de l’idéologie dominante, se confirme et éclate aujourd’hui. En France, nous avons refusé de confondre la solidarité avec le peuple grec et tout soutien au gouvernement Syriza-Anel. Dans la semaine de campagne référendaire, nous avons relayé la position du KKE. Des questions légitimes sont venues chez certains camarades pour savoir s’il n’y avait pas de possibilités de subvertir le piège du référendum par le vote ou s’il n’était pas plus important de refuser de le cautionner pour préparer la suite. Il était impossible pour les communistes français de se positionner, loin de la connaissance précise du rapport de force, à la place des camarades.

Le KKE et le PAME amplifient leurs luttes contre les mesures antisociales du pouvoir, contre les capitalistes grecs qui en profitent, dans une perspective de rupture avec l’Union européenne et de pouvoir populaire. Nous renouvelons notre soutien. La solidarité active en France avec le peuple grec est de poursuivre nos propres luttes contre les mêmes ennemis.

La situation grecque donne lieu à une campagne idéologie en France, y compris et en particulier à « gauche ». Hollande et Valls ont pris une posture relativement favorable à Tsipras, se sont distingués de Merkel et de Sarkozy. Ils se réjouissent bruyamment de l’accord en vue. La « gauche de la gauche » a érigé Tsipras en héraut et en inspirateur de ses projets de recomposition politique. Les dirigeants de cette « gauche » ont rivalisé pour poser avec Tsipras et être adoubés « leader de la gauche radicale » en France, à commencer, bien sûr par Mélenchon. L’exemple grec a été mobilisé pour faire avancer le rapprochement du Front de gauche, des « frondeurs » du PS et des « écologistes », la constitution d’un pôle social-démocrate de « gauche ». Un appel de parlementaires a, par exemple, été signé, le 7 juillet, dans lequel 43 députés, dont 16 PS et l’intégralité des députés EELV et FdG pour demander au gouvernement français « de s’engager pleinement pour le maintien de la Grèce dans la zone euro », se référant « aux choix hardis des grandes étapes de la construction européenne ». Les dirigeants de cette « gauche de la gauche », y compris ceux de notre parti, le PCF, se sont alignés intégralement et unilatéralement sur la politique de Syriza et ont, de fait, fait la propagande de sa supercherie : poser en alternative « radicale » des propositions d’aménagement du capitalisme et une pratique de collaboration. Sur l’Europe, de la même façon que le Parti de gauche européenne, PGE, ils ont à nouveau mis en avant la perspective trompeuse de « l’Europe sociale » et de la réorientation de l’UE du capital.

L’issue de la crise grecque, le discrédit enfin de Tsipras, ne peuvent maintenant que limiter les effets de cette campagne. Nous ferons tout pour combattre dans le PCF la transposition de la ligne Syriza. Et s’il y a bien une chose qui ressort avec évidence, c’est la nécessité pour les travailleurs et pour les peuples de rompre avec l’UE, comme notre parti l’a historiquement défendu quand il était puissant, seul en France,  comme aujourd’hui le KKE seul en Grèce.

Tsipras enferme le pays dans le chantage de l’UE du capital puis refile la responsabilité au peuple !

Vivelepcf, 27 juin 2015

Depuis le début de l’année, la tragédie économique et sociale grecque s’aggrave encore. Les budgets des hôpitaux ont encore été amputés. Les trésoreries des collectivités locales et des maisons de retraites sont à sec : l’Etat les a ponctionnées pour rembourser le FMI. Le processus de privatisation du port du Pirée a redémarré etc.

La comédie politique s’est poursuivie aussi.  et devient dramatique. La Grèce est un laboratoire économique des politiques capitalistes européennes les plus violentes. Elle est en passe de devenir un exemple politique, à l’attention des peuples : un exemple de résignation et de soumission à l’ordre capitaliste européen.

Alexis Tsipras et son parti Syriza sont arrivés au pouvoir aux élections anticipées du 25 janvier, avec 36% des voix, sur la base d’une attente d’une rupture avec les politiques d’austérité. Après 5 mois d’allers-retours entre Athènes et Bruxelles,  de « négociations » avec les dirigeants du FMI, de l’UE et des autres pays d’Europe, ils en sont arrivés au début de cette semaine à accepter un nouveau volant de mesures d’austérité antisociales, comprenant entre autres, une hausse de l’impôt le plus injuste, la TVA, des cotisations pesant sur les retraités, la fin de dispositifs de pré-retraites etc.

La semaine a amené de nouvelles péripéties politiques en Grèce.

Le gouvernement de Tsipras se trouve dans l’impossibilité de trouver une majorité au Parlement, au sein de sa coalition, pour approuver le plan. Son parti Syriza est très divisé. Rappelons qu’il s’agit d’un regroupement récent et disparate, sans base de masse, faiblement organisé, mêlant des trotskystes, des maoïstes, des communistes repentis, des notables issus de la social-démocratie. Tsipras courrait le risque de voir le nouveau mémorandum adopté grâce aux voix du centre et de ses prédécesseurs de la droite libérale et de se voir profondément disqualifié par ce qui ne manquerait pas d’apparaître comme un reniement total.

C’est la raison politique immédiate de la convocation d’un référendum, vendredi 26 juin dans la soirée, pour le 5 juillet.

La tenue du référendum revient à faire assumer au peuple grec l’impasse politique complète, l’enfermement dans le chantage de l’UE, du FMI et des puissances européennes dans lesquels la politique de la coalition Syriza-ANEL a placé le pays depuis 5 mois. C’est le choix entre la peste et le choléra, avec quelques jours de réflexion seulement, dramatisés, sous pression, dans l’affolement. Le vote « oui » signifie l’acceptation du nouveau plan antipopulaire et donc des précédents. Le vote « non » ouvre la voie à la faillite du pays et à d’autres sacrifices pour les travailleurs et le peuple.

Si nous jugeons qu’une politique de rupture, décidée souverainement et démocratiquement, n’est réellement possible qu’avec une sortie de l’euro, nous jugeons qu’une politique antisociale est parfaitement possible dans une Grèce exclue de l’euro, mais toujours sous contrôle des capitalistes européens (dont les Grecs). C’est à quoi amène le « non ».

La situation grecque est très largement médiatisée dans tous les pays d’Europe. Depuis des mois Syriza et Tsipras sont présentés comme « de gauche radicale », aussi bien par certains qui les dénoncent que par certains qui les soutiennent. Leur échec politique et l’aggravation de la crise grecque sont et seront utilisés pour disqualifier toute véritable alternative politique au capitalisme européen. Communistes, il est important pour nous en France de contrer cette offensive idéologique et de lever la supercherie politique de Syriza.

L’impasse politique grecque est tout sauf une surprise justement parce que Syriza n’a jamais porté pas de véritable politique de rupture.

La première décision politique de Tsipras, le lendemain matin de sa victoire électorale, a été de sceller une alliance avec un parti d’extrême-droite libérale, clérical, nationaliste et xénophobe, les « Grecs indépendants – ANEL ». Son président Kamenos a été nommé ministre de la défense. Il avait été le ministre de la marine d’un gouvernement de droite qui a lancé la privatisation du port du Pirée.

Ainsi, dès le départ, Syriza a cherché à ménager les puissants de Grèce, armateurs, Eglise, armée. Les premiers restent largement épargnés par l’impôt. L’armée s’est vue attribuer un contrat exceptionnel de 500 millions d’euros en avril pour moderniser ses avions de reconnaissance. Kamenos sert aussi à rassurer les Etats-Unis et l’UE contre tout éloignement de l’OTAN et a même présidé à des manœuvres aéronavales avec  l’armée israélienne. Quelle rupture !

Le gouvernement Tsipras ne s’est laissé aucuns moyens financiers et politiques pour mettre en œuvre son – modeste – plan social et son plan de relance (capitaliste). Les caisses sont vides. La Grèce ne peut plus emprunter sur les marchés financiers depuis le déclenchement de la crise. Syriza s’est privé de la possibilité d’augmenter les impôts des grands capitalistes (le mémorandum prévoit des augmentations limitées des impôts sur les classes moyennes supérieures et les entreprises qui restent).  Si elle réussit, la campagne pour diminuer la fraude fiscale prendra des années. Syriza, malgré les recommandations de l’UE (un comble !) ne s’attaque pas vraiment aux dépenses militaires, très élevées en Grèce.

On imagine mal des aides de la Chine – sauf pour racheter des entreprises privatisables – et encore moins des aides de la Russie de Poutine qui iraient renflouer les caisses de la BCE et contribuer à des dépenses en faveur de l’OTAN.

Enfin et surtout, Syriza, en affirmant son attachement indéfectible à l’euro et l’UE, s’est privé économiquement de toute perspective de création monétaire et s’est politiquement placé à la merci de l’ex-troïka. UE, BCE et FMI ont laissé traîner les « négociations » le temps que le gouvernement grec s’enfonce encore plus.

Le gouvernement a encore raclé les fonds de tiroir pour assurer plusieurs milliards d’euros de remboursements au FMI depuis janvier. Dans le climat d’incertitude, sans mesure pour la combattre, la fuite des capitaux a repris et ne cesse de s’accélérer. La croissance économique et les rentrées fiscales ont été revues à la baisse.

Aujourd’hui, Tsipras a besoin de l’argent de l’UE non seulement pour honorer les prochains remboursements de la dette mais pour envisager n’importe quelle mesure économique, même pour faire fonctionner l’Etat, assurer les payes…

La question de la dette est avant tout politique. Elle ne sera jamais intégralement remboursée. Après cet été, les prochaines traites importantes sont beaucoup plus éloignées (2017). En excluant d’envisager et de préparer une rupture avec l’UE, une sortie de l’euro, Tsipras et son gouvernement se sont dénués de tout moyen politique pour résister au chantage de la Troïka, pour sortir la Grèce de sa situation de dépendance.

Maintenant, une éventuelle sortie de la Grèce de l’euro, avec Syriza, ne représenterait plus politiquement une libération du pays, un exemple d’émancipation pour d’autres peuples, mais une exclusion, une punition décidées par l’UE, entraînant un climat de panique et la faillite du pays.

Le passage de Syriza au pouvoir, et maintenant le référendum, parachèvent le règlement politique, conduit depuis 5 ans, de la crise grecque par le capitalisme européen dans le but de sauver l’euro et de continuer à faire payer aux peuples sa propre crise générale.

Souvenons-nous : en 2011, le premier ministre socialiste Papandreou avait déjà voulu organiser un référendum sur un précédent mémorandum européen, dans le même but de faire signer au peuple lui-même le plan de super-austérité qu’il allait subir. Mais Sarkozy et Merkel l’en avaient formellement dissuadé. Le risque politique d’une victoire du « non » était trop grand et elle aurait ébranlé l’UE et l’euro.

En 2015, la situation a changé sur bien des aspects. Les dirigeants européens ont réglé – sur le dos des travailleurs – la phase aigüe de la crise à Chypre, en Irlande ou même au Portugal. Depuis 2011, la dette grecque a été presque totalement transférée à des institutions publiques et les banques privées occidentales n’y sont plus exposées. Les capitalistes grecs ont eu tout le temps d’expatrier leurs fonds. Depuis 2011, l’essentiel des régressions économiques et sociales imposées au peuple grec a été adopté. Surtout, en 2011, le vote « non » aurait tout à la fois exprimé le rejet des mesures d’austérité, la sanction d’un gouvernement qui était perçu – à juste titre – comme co-responsable de cette politique et de la crise et il aurait ouvert la possibilité d’une alternative en rupture avec l’UE et l’euro et avec un gouvernement pro-européen. Depuis 2011, la quasi-disparition du parti de Papandreou, le PASOK et l’avènement et la promotion de SYRIZA à sa place ont complètement changé la donne. Syriza s’est posé et a été présenté comme porteur d’une alternative radicale à gauche du Pasok mais tout en se proclamant foncièrement pro-européen.

Tsipras ou son ministre des finances, Varoufakis, peuvent bien prôner maintenant le vote « non » à leur référendum, fanfaronner à nouveau dans une posture de « résistants ». Ils n’ont aucune alternative à proposer s’il devait l’emporter qu’un « plan B ». Toutes leurs positions et leur politique depuis janvier, les négociations, les concessions à l’UE (jusqu’à la semaine dernière !), leur rejet d’une sortie de l’euro, ont, au contraire, travaillé idéologiquement pour l’acceptation d’un nouveau mémorandum.

Elles ont aussi travaillé à associer le rejet de l’UE au nationalisme et à faire potentiellement le jeu de l’extrême-droite, à la veille d’une période ouvrant à des risques d’instabilité politique. Deux groupes au Parlement, en dehors de Syriza, ont voté en faveur de la tenue du référendum : le partenaire ANEL, parti pro-européen dont les dirigeants déversent des diatribes xénophobes, anti-immigrés comme antiallemandes le parti ouvertement néonazi « l’Aube dorée ».

La vie politique grecque pourrait se décaler très à droite. Le Parti de droite libérale, Nouvelle démocratie se tient prêt à revenir au pouvoir dans l’hypothèse très envisageable  d’élections anticipées.

Le référendum du 5 juillet pourrait conclure la pédagogie de la résignation politique engagée avec Syriza en direction du peuple grec et des peuples d’Europe.

Les députés du Parti communiste grec, KKE, ont pour leur part voté contre la convocation du référendum et le KKE devrait appeler à voter nul et surtout à intensifier les luttes dans les entreprises et dans le pays. Avec son émanation, syndicale, le PAME, il est à l’origine de mobilisations nombreuses et puissantes contre les mesures antisociales.

C’est la seule voie. Etre solidaires avec le peuple grec, pour nous communistes, c’est lutter parallèlement contre les mêmes politiques, pour la rupture avec l’UE, instrument de coordination contre les peuples des capitalistes de nos pays et de leurs représentants politiques.

L’expérience grecque de Syriza et Tsipras ne pourront qu’alimenter, par ailleurs, les critiques fondamentales exprimées sur le Parti de la gauche européenne et l’appartenance du PCF à cette organisation.

Alternance électorale en Grèce avec Syriza: les faux espoirs préparent la pédagogie de la résignation

EDT pour Vivelepcf, 27 janvier 2015

La victoire du parti Syriza aux élections générales anticipées en Grèce, le 25 janvier, était courue, annoncée dans tous les médias européens.

Quelques réflexions d’abord sur les résultats électoraux eux-mêmes.

Ces élections sont marquées d’abord par une abstention toujours au plus haut, malgré la dramatisation internationale de l’enjeu : plus de 37% comme en juin 2012, en comptant les blancs et nuls, en nette augmentation. En 2009, elle était de 29%, en 2003 de 23%.

On assiste ensuite à un retour relatif à la prédominance de la bipolarisation qui a dominé le paysage électoral pendant près de 40 ans, à la différence que Syriza remplace le Pasok.

Le parti de droite « Nouvelle démocratie – ND » se maintient presque par rapport à 2012, avec 27,8% des voix (-1,8%) et domine largement son camp. Les ultra-réactionnaires « Grecs indépendants » reculent de 2% à 4,8%.

A la marge, les néonazis de « l’Aube dorée » se maintiennent au-dessus de 6%. Même résultat pour le parti populiste, qui se définit « centriste », « La Rivière », dirigé par un journaliste vedette de la télévision.

Vatican, Grèce: l'alternance!

A gauche, Syriza continue à avaler l’électorat socio-démocrate du Pasok. Syriza progresse de 9,5% sur juin 2012, le Pasok recule encore de 7,6%.  Le Pasok fait seul les frais du vote sanction contre la coalition gouvernementale au sein de laquelle il collaborait avec ND. Le Pasok s’effondre à 4,6% mais ne disparaît pas complètement. Il est délesté pour l’avenir du clan Papandréou qui se présentait séparément (2,5%).  Le parti divers gauche Dimar disparaît à peu près complètement (6% en 2012). Il a perdu sa raison d’être de pont entre Siryza et le Pasok avec l’image de plus en plus modérée de Syriza.

Cette clarification permet au Parti communiste grec (KKE) de regagner du terrain à 5,5% (+1%), après plusieurs succès électoraux locaux. L’opération « vote utile » a moins joué. L’illusion électorale a moins écrasé le mouvement réel des luttes que le KKE et son émanation syndicale, le PAME, mènent sur de véritables positions de rupture avec l’ordre capitaliste grec et européen.

La victoire de Syriza, assez relative en voix, nette en sièges avec la prime au parti arrivé en tête, s’explique aisément.

Syriza a bénéficié du discrédit total du Pasok. Syriza passe encore pour un parti vierge de participation aux politiques d’austérité, et malgré le ralliement de nombre de cadres du Pasok et ses vieilles compromissions politiciennes au plan local, pour un parti plus propre dans ce système politique clientéliste et corrompu.

Jusqu’aux élections – pour combien de temps encore ? -, Syriza est parvenu encore à combiner deux images, celle d’un parti d’opposition à l’austérité et celle d’un parti normalisé, institutionnalisé. Il est parvenu à capter une partie de la colère devant la crise aigüe qui frappe le peuple, mais sans effrayer les couches moyennes, surtout sans effrayer les puissants.

Depuis 2 ans, le leader du Parti et nouveau premier ministre, Alexis Tsipras, s’est beaucoup dépensé pour rassurer les possédants de Grèce et les grands de ce monde en s’affichant tour à tour avec Obama, le Pape (et les prélats de l’Eglise orthodoxe), le patronat, les directeurs du FMI. Auprès de ces derniers, il s’est engagé à honorer loyalement la dette grecque envers l’institution capitaliste mondiale.

Faire passer Syriza, son chef et leurs propositions pour « radicaux , sinon « anticapitalistes » relève de la supercherie. Leurs inspirateurs sont Roosevelt et même Obama… Tardivement sorti du flou, le programme de Syriza constitue un plan de relance capitaliste étatique, « keynésienne » classique. Mais même d’ampleur modérée, il n’a quasiment aucune chance de fonctionner parce que les réformistes et opportunistes dirigeants de Syriza ont donné tous les gages, afin d’accéder au pouvoir, qu’ils ne s’affronteront pas réellement aux puissances d’argent grecques et qu’ils ne rompront pas avec l’euro et l’Union européenne.

Les premières mesures sociales d’urgence annoncées seront bienvenues, même si elles correspondent à des prothèses de doigts sur un bras amputé: l’augmentation du salaire minimum (négocié au préalable avec le patronat), la baisse des impôts directs des ménages les plus pauvres, le retour de compléments pour les petites pensions, des aides au logement et au chauffage pour une population dont un tiers vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Le KKE a annoncé qu’il soutiendra toutes les mesures allant dans le sens de l’intérêt des travailleurs et des plus pauvres, qui en seront fondamentalement redevables à leurs propres luttes. Mais comme l’a déclaré son secrétaire général du KKE, Dimitris Koutsoumbas, les « faux espoirs » vont vite retomber. C’est inévitable.

Y compris ces mesures sociales, avec le programme d’investissements, la création promise de 300.000 emplois, le plan de relance de Syriza est estimé à 11 milliards d’euros par an par ses propres économistes. Le nouveau gouvernement n’a aucun moyen de les trouver en Grèce. Syriza s’est placé d’emblée à la merci de l’Union européenne et des grandes puissances.

L’Etat grec ne peut plus emprunter sur les marchés financiers, sinon à des taux prohibitifs. La Banque de Grèce ne peut plus créer de monnaie, à cause de l’appartenance à l’euro. Logiquement Syriza s’est engagé à ne pas recourir au déficit budgétaire qui lui est impossible.

Sur les 11 milliards d’euros, les économistes de Syriza espèrent en récupérer 3 par une meilleure collecte des impôts et la lutte contre la fraude fiscale. A supposer que l’intention soit réelle, le résultat est incertain et ne sera en tout cas pas immédiat avec une administration appauvrie et gangrénée par le clientélisme et la corruption. Par ailleurs, Syriza demeure très flou sur une réforme fiscale qui mettrait à contribution les puissances d’argent dont les armateurs et l’Eglise. L’alliance conclue avec le parti ultra-réactionnaire des « Grecs Indépendants » la rend très improbable.

Ensuite les économistes de Syriza comptent sur 3 milliards d’euros de rentrées induites par le succès de leur propre plan relance. Ils sont les seuls à y croire… Intégrée à la zone euro, non compétitive dans cette monnaie, avec un appareil de production encore davantage saccagé après la crise, l’économie grecque est parfaitement incapable de répondre aux besoins du pays et de la population, même si cette dernière était rendue un peu plus solvable.

Et d’où viendrait le reste ? Uniquement du bon vouloir de l’Union européenne et des autres Etats européens (puisque Tsipras s’est engagé à payer le FMI). Tsipras et son équipe de jeunes universitaires formés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni roulent des mécaniques et affirment avoir des atouts en main pour négocier. Lesquels ?

Les caisses de l’Etat sont vides. Sans « l’aide » européenne, dans les mois qui viennent, même en annonçant unilatéralement la suspension du paiement des intérêts de la dette (européenne), l’Etat ne serait même plus en mesure de payer ses fonctionnaires. Adieu la chasse à la fraude fiscale, adieu les quelques mesures sociales !

A défaut d’armes économiques, Syriza prétend disposer d’arguments politiques.

La constatation que la dette publique grecque est parfaitement illégitime est une réalité mais elle ne pèse pas grand-chose dans la négociation. L’UE et les Etats européens prêtent à l’Etat grec pour qu’il leur rembourse l’argent qu’il leur doit suivant un cercle vicieux. Ce serait absurde si cela ne plaçait pas la Grèce sous la dépendance complète de ses créanciers.

Les leçons d’histoire économique relatant comment les grandes puissances impérialistes ont décidé en 1953 de faire cadeau à l’Allemagne de l’Ouest capitaliste des dettes des nazis sont vraiment de mauvais goût pour un parti qui se dit de « gauche ». Redresser l’impérialisme allemand contre le socialisme était, par ailleurs, autrement plus prioritaire pour les grandes puissances que donner un coup de pouce au petit plan de relance keynésien de Syriza…

Syriza espère compter sur une solidarité politique internationale. C’est ignorer combien l’UE et l’euro sont de formidables instruments pour opposer les peuples aux autres. Qui en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou en France acceptera de « payer pour les Grecs » quand l’appareil de propagande aura expliqué que les dettes grecques sont détenues par ces pays ? Qui au Portugal, ou en Irlande, acceptera que la Grèce « bénéficie » de facilités que l’UE n’a pas accordé à ces pays soi-disant redevenus « vertueux », au prix de lourds sacrifices bien réels ?

En s’interdisant toute remise en cause de l’appartenance de la Grèce à l’euro et à l’UE, en s’appuyant sur les couches de la population les plus attachées (dans tous les sens, notamment par leurs économies en monnaie forte) à l’euro, Syriza s’est délibérément privé de tout moyen de pression sur l’UE.

Reste l’autre perspective, continuer à amadouer le système, à donner des gages, promettre une gestion de « gauche » de l’austérité plus à même de calmer le peuple grec. C’est ce que les sociaux-démocrates des autres pays conseillent à Syriza, espèrent pour leur propre opportunisme – voir les recommandations de Cécile Duflot dans le Libération du 26 janvier, alors que la BCE a décidé de changer d’orientation politique monétaire. C’est bien la voie de collaboration que Tsipras suit depuis toujours. Tout compte fait, son plan de relance promet d’aider beaucoup les capitalistes grecs en soulageant un peu les souffrances du peuple grec, et en réinsérant les couches moyennes dans les standards de la petite bourgeoisie européenne.

Mais que l’Allemagne, la France, l’Union européenne fassent ce choix d’une social-démocratie de « gauche » en Grèce : rien n’est moins sûr. La bourgeoisie internationale (dont la grecque) n’en a pas besoin. La Grèce ne connaît pas de situation prérévolutionnaire : le système, les syndicats réformistes, avec Syriza, tiennent encore la contestation, malgré le travail des communistes. L’exemple grec avec Syriza peut au contraire être un magnifique outil d’instruction des peuples dans le cadre de la pédagogie de la résignation !

Il faut se demander pourquoi l’idéologie dominante en Europe a tant fait pour faire passer Syriza pour un parti de « gauche radicale ». 

Les injonctions de Merkel ou de Moscovici à ne pas voter Syriza ont en fait bien aidé ce parti dans sa posture d’opposition. En Grèce même, tous les observateurs ont noté que la droite a fait une très mauvaise campagne, très à droite, anti-immigrés, sécuritaire, défendant l’austérité, comme si elle voulait laisser la place à Syriza. Lui laisser la « patate chaude » comme l’ont avoué plusieurs dirigeants de ND… Il ne faut pas oublier non plus que ces élections anticipées ont été causées, non par une poussée populaire, mais par le refus des députés des différents partis de droite et du centre, pourtant largement majoritaires, de s’entendre sur le nom d’un nouveau Président de la République.

En 2015, la situation est mûre et opportune pour un passage au pouvoir de Syriza. Depuis 2012, la dette grecque est passée aux institutions publiques européennes venant de la finance privée qui ne court plus de risque. Les menaces de « contagion » d’une remise en cause de l’euro ont baissé. Syriza lui-même a donné suffisamment de gages de loyauté à l’UE.

Faire passer Syriza pour une « alternative radicale », c’est diriger la colère populaire, en Grèce et ailleurs, vers des options de collaboration de classe, un illusoire « capitalisme à visage humain », c’est la détourner de la contestation de l’Union européenne du capital. Faire échouer maintenant Syriza, ce sera peut-être la meilleure façon d’alimenter la résignation en Grèce et dans les autres pays, tout en préservant la tromperie sur sa « radicalité ».

Quitte pour le système et l’UE à accorder à la droite en Grèce ce qu’il aura refusé à Syriza pour calmer la situation sociale, tout en continuant à entretenir dangereusement les néofascistes.

Les politiciens français, du Front de gauche, des Verts ou du PS (« frondeurs ») qui s’enthousiasment à gorge déployée pour Syriza espèrent jouer le même jeu dans notre pays : donner l’illusion de la radication sur une ligne d’acceptation du système. D’autant mieux qu’ils ne courent aucun risque de se dévoiler en accédant au pouvoir…

Les communistes ne peuvent guère se laisser tromper longtemps. Cécile Duflot, ministre de Hollande en meeting pour Tsipras, est-elle anticapitaliste ? Tsipras, dans sa trajectoire personnelle, a déjà bien aidé à lever l’illusion en s’alliant avec le parti des Dupont-Aignan et De Villiers grecs, les « Grecs indépendants », scission de ND, dirigée par l’ancien ministre qui a privatisé le port du Pirée…

Etre solidaire politiquement du peuple grec, c’est soutenir le KKE, notamment dans ses choix de rupture avec l’Union européenne et l’euro ! Communistes français, nous l’avons fait, nous continuons parce que c’est aussi utile et nécessaire à nos propres luttes.

Impérialistes français, allemands, polonais, UE, USA : Bas les pattes d’Ukraine !

EDT pour vivelepcf,  2 mars 2014

La crise politique en Ukraine tourne au drame depuis plusieurs semaines. Aucune issue allant dans le sens de maintien de l’unité du pays et d’un début de réponse à la crise économique et sociale n’apparaît. Au contraire, une aggravation des tensions, des violences, une logique de partition du pays en zones d’influence se dessinent.

Le renversement anticonstitutionnel du président élu, malgré l’accord signé la veille entre les différentes parties, a brusquement envenimé les choses. Le fascisme menace de prendre le contrôle politique de plusieurs régions. A Kiev, plusieurs membres du parti néo-nazi « Svoboda » ont été proclamés ministres, à des postes clefs. Le nouveau gouvernement est dirigé par des oligarques tout aussi corrompus que l’ex-président Iakounovitch, seulement encore plus inféodées aux puissances impérialistes occidentales.

La multiplication des exactions à caractère antisémite, des intimidations et des attentats contre les opposants politiques de gauche, d’abord communistes, font froid dans le dos. La nouvelle xénophobie officielle antirusse compromet toute réconciliation nationale dans un pays où un tiers de la population à le russe comme langue maternelle et les trois quarts comme langue d’usage. Les réactions à l’est du pays, ou en Crimée, sont les conséquences directes de ce choix politique, comme la position de la puissance russe voisine et sœur.

En France, nous ne pouvons pas rester indifférents devant cette situation, d’autant que notre gouvernement n’a cessé de s’ingérer directement dans les affaires ukrainiennes, à côté des autres puissances impérialistes de l’Union européenne, Allemagne et Pologne en tête,  et des Etats-Unis.  Fabius et Hollande n’ont pas hésité à jouer, avec elles, avec le feu, à apporter une aide idéologique et logistique à un mouvement dont l’extrême-droite a pris la direction depuis des semaines, profitant du vide politique, du désarroi du mouvement de protestation sociale.

La propagande des media français n’a pas pu masquer l’image les milices armées jusqu’aux dents, portant croix gammées, n’ayant rien à voir avec des hommes de la rue en colère.  

Plus que jamais, il convient d’identifier les intérêts réels des puissances capitalistes, notamment celles de l’UE. (Lire la suite…)