VOTER OUI A LA PAIX

Maurice Thorez, Humanité du 31 mars 1962

On vote dans huit jours. Deux questions sont posées pour lesquelles le pouvoir gaulliste oblige à ne donner qu’une seule réponse :

1°)- Approuvez-vous les accords d’Evian ; 2°)- me donnez-vous, à moi, les moyens de prendre à cet effet les mesures nécessaires.

Si nous pouvions, comme ne 1945, répondre séparément nous dirons OUI à la première question et NON à la seconde. La possibilité ne nous étant pas donnée par ceux qui croyaient nous embarrasser, c’est OUI que nous allons répondre.

Oui à la paix, oui aux accords d’Evian, auxquels le peuple algérien et le peuple de France ont contraint nos gouvernants après sept années d’une guerre injuste, meurtrière et coûteuse.

Oui, parce que c’est la victoire des forces de la paix et que la solution qui est celle-là même que nous n’avons cessé de préconiser contre vents et marées.

La 10 décembre 1954, nous demandions à l’Assemblée nationale :

«  De reconnaître le bien fondé des revendications à la liberté du peuple algérien.

Seule cette solution démocratique des problèmes qui se posent en Algérie pourra satisfaire les aspirations du peuple algérien à la liberté et assurer la défense des intérêts de la France dans le cadre des relations d’amitié et de confiance réciproques et de coopération fraternelle entre le peuple algérien et le peuple français ».

Et après la rébellion des chefs militaires et des ultras qui porta de Gaulle au pouvoir en mai 1958, sur le mot d’ordre « d’Algérie française », nous sommes restés fidèles à notre conception, la seule conforme à l’intérêt de la France.

Beaucoup de Françaises et de Français ont encore dans leurs tiroirs les circulaires qui leur furent envoyées en novembre 1958 par les différents candidats. Qu’ils relisent celle du candidat communiste. Elle affirmait :

« Faire la paix en Algérie par la négociation avec ceux contre qui la France se bat, et établir avec l’Algérie, comme avec tous les peuples coloniaux, des rapports nouveaux, fondés sur l’indépendance, l’égalité des droits et les avantages mutuels. »

Ainsi la négociation, l’accord qui débouche en fait sur l’indépendance, la paix, c’est notre politique. C’est pourquoi nous allons dire oui.

Nous dirons aussi oui contre l’OAS qui veut empêcher la paix et dont les dirigeants font tirer sur les jeunes soldats du contingent, montrant ainsi la nature de leur « patriotisme ». Ces criminels, ces fascistes n’ont jamais eu le souci de l’intérêt national, ni du sort de la grande masse des Algériens d’origine européenne excités et trompés par eux. Ils voulaient seulement le maintien de leurs profits et privilèges colonialistes.

Ceci dit, notre oui ne signifiera en aucune façon l’approbation de la politique aventuriste du gaullisme, dans aucun domaine. C’est au peuple seul que nous faisons confiance pour imposer le respect des accords, pour assurer la paix dans l’amitié et la coopération avec le peuple algérien, pour faire droit aux revendications économiques et sociales de tous les travailleurs, pour pratiquer une politique extérieure française orientée sur la coexistence et le désarmement, pour aller vers le rétablissement et le renouvellement de la démocratie.

Maurice Thorez.